Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.2. Autriche
I.2.3. Affaires du Tessin
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 165
volume linkBern 1990
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#692* | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 6 (1853–1853) |
dodis.ch/41164
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 16 de ce mois2 pour me faire part des mesures prises par les gouvernements des Grisons et du Tessin à l’occasion des événements de Milan, ainsi que de la cessation de tout rapport entre la Lombardie et le Tessin. J’ai en outre appris par les feuilles publiques le renvoi de tous les Tessinois du territoire lombard.
J’ai communiqué ces renseignements à plusieurs de mes collègues; j’ai même hésité si je n’enverrais pas une rectification aux journaux de Paris qui ont reproduit un article très malveillant de la Gazette de Vienne; mais je m’en suis abstenu dans la crainte qu’une réclamation officielle ne produisît un mauvais effet dans le corps diplomatique, où l’on n’aime pas un contact patent avec la presse. Une rectification non signée n’eût été accueillie que dans des journaux peu importants.
J’ai lu en entier votre dépêche à M. Drouyn de Lhuys, qui m’en a demandé une copie pour la gouverne de M. de La Cour à Vienne. Je la lui ai remise.
M. Drouyn de Lhuys ne sait rien de particulier; j’ai cependant lieu de croire que M. Hübner lui a communiqué vendredi les mesures prises contre le Tessin. Le ministre regrette la tournure que prennent les affaires sur ce point; et je ne doute pas de son désir de calmer les susceptibilités de l’Autriche. Mais il a de nouveau profité de l’occasion de ce malheureux conflit pour recommander à la Suisse, de la manière la plus pressante, d’éviter tout ce qui serait de nature à inquiéter les Etats voisins. Peut-être jugerez-vous à propos, très honorés Messieurs, de réclamer un redoublement de vigilance, soit sur les réfugiés, soit sur les pamphlets et la presse en général, de la part des cantons frontières. Les circonstances politiques ont complètement changé depuis le 2 décembre 1851, et c’est pour n’en avoir pas suffisamment tenu compte que le canton du Tessin a à subir des mesures aussi vexatoires.
Peut-être vous rappellerez-vous, très honorés Messieurs, que plusieurs fois je vous ai exprimé mes inquiétudes à cet égard. Le mécontentement date de loin et c’est ce qui en aggrave singulièrement le caractère. Aussi doit-on craindre que même en se disculpant de toute participation ou connivence récente, le canton n’obtienne pas de sitôt le retrait du blocus. Il est d’ailleurs sinon juste, du moins très commode, de reporter sur des tiers les fautes qu’on ne devrait imputer qu’à soi-même ou à une position anormale.
Mon entretien avec M. Drouyn de Lhuys a été assez long. A une grande habitude des affaires, il joint pour la Suisse une bienveillance qui est incontestablement partagée par l’Empereur, et qui durera, je l’espère, tant que quelque fâcheux incident ne viendra pas l’altérer.
L’adoption de l’article 43 du Code pénal fédéral3 est une garantie qui arrive très à propos, et qui servira, je l’espère, de frein à la mauvaise presse.
Je n’ai pas dissimulé à M. Drouyn de Lhuys qu’en général les Suisses aimaient mieux l’Autriche sur le lac de Constance que sur le lac Majeur; je lui ai rappelé que cependant, en 1848, ils n’avaient pas hésité à sacrifier leurs sympathies au maintien de la neutralité; je lui ai dit que l’Autriche oubliait trop que si, à cette époque, la Suisse eût envoyé seulement 10000 hommes en Italie, l’armée française y entrait aussi, et que l’issue eût probablement été toute différente; qu’une pareille situation pouvant se reproduire, il serait de bonne politique de la part de l’Autriche de ne pas mettre nos intérêts d’accord avec nos sympathies, etc.
La politique intérieure étant au grand calme, on s’occupe d’autant plus ici des questions extérieures et notamment de celle du Tessin, dont la solution peut encore être entravée par la déplorable tentative d’assassinat sur l’Empereur. On dit sa blessure peu dangereuse; mais comme on n’a que des dépêches télégraphiques, il convient d’attendre la confirmation; à cette occasion, je suis allé déposer ma carte chez le ministre d’Autriche.
J’apprends que les banquiers intéressés dans les chemins de fer de la Suisse ne voient pas sans inquiétude les assemblées populaires dont le canton de Vaud a pris l’initiative. Il faut espérer que cet excès d’ardeur se calmera avec les élections.
- 1
- Rapport: E 2300 Paris 6.↩
- 2
- E 2200 Paris 1/39.↩
- 3
- Code pénal fédéral du 4 février 1853: L’outrage ou les mauvais traitements exercés envers le représentant d’une puissance étrangère accrédité auprès de la Confédération sont punis de deux ans au plus d’emprisonnement et d’une amende qui peut s’élever à 2000 francs (RO, III, p. 348).↩
Tags