Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.7. Etats pontificaux
I.7.2. Lois anticléricales tessinoises
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 1, doc. 143
volume linkBern 1990
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E22#1000/134#1587* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 22(-)1000/134 310 | |
Titre du dossier | Beschwerden des päpstlichen Geschäftsträgers gegen verschiedene tessinische Gesetze und Beschlüsse betr. u.a. Säkularisation, Schulwesen, Schulbücher, katholische Feiertage (1852–1865) | |
Référence archives | 4.05.09 |
dodis.ch/41142
Plusieurs projets de loi viennent d’être présentés par le haut Etat du Tessin à son Grand Conseil, réuni maintenant en session ordinaire, pour être sanctionnés et convertis en lois de l’Etat. Les titres des quatre premiers de ces projets sont: 1° Sur les bénéfices ecclésiastiques; 2° sur le placet des bénéficiers; 3° sur la nomination à des bénéfices ecclésiastiques; 4° sur la sécularisation de l’instruction gymnasiale et supérieure.
Un grand nombre de réclamations, de déclarations et d’instantes prières ont été adressées de toutes parts contre ces projets au Grand Conseil tessinois par les bons citoyens de ce canton, tant laïques qu’ecclésiatiques séculiers et réguliers. Les évêques diocésains se sont aussi empressés d’envoyer leurs déclarations pastorales. Les pasteurs donc et leurs ouailles du Tessin se sont prononcés contre ces projets.
Au lieu d’entrer inutilement dans le détail de tout ce que ces projets renferment d’aussi injurieux à l’Eglise et au Saint-Siège que d’extrêmement préjudiciable au peuple tessinois, le soussigné, Chargé d’affaires du Saint-Siège près la Confédération suisse, extrait de leur ensemble ce qui s’y trouve de plus nuisible et qui mérite en même temps d’exciter la plus sérieuse attention du haut Conseil fédéral suisse, afin qu’il y apporte un remède aussi prompt qu’efficace.
Dans ces projets, l’on suppose et l’on va jusqu’à prétendre que l’autorité de l’Eglise soit étrangère aux Tessinois qui ont le bonheur de professer la religion catholique. On y porte une grave atteinte à la discipline, à la doctrine morale et même dogmatique de l’Eglise, à sa divine indépendance, à son autorité d’enseigner, d’éclairer les fidèles sur les erreurs qui se répandent, de les exhorter, d’ordonner, de prononcer sur des matières religieuses et ecclésiastiques ou qui s’y rapportent, de condamner, et d’infliger des peines ecclésiastiques. On y prétend encore annuler toute loi de l’Eglise, sacrés canons, constitutions apostoliques, conciles œcuméniques, qui ne sont pas d’accord avec la constitution et les lois cantonales naturellement sujettes au changement, et l’on y décerne des peines contre ceux qui veulent rester fidèles à leur conscience et aux devoirs de leur sainte religion. Pour tâcher enfin d’assurer, même pour l’avenir, le plan conçu depuis longtemps du nouvel édifice de la suprématie totale de l’Etat sur l’Eglise, et, par conséquent, de l’anéantissement de la religion catholique dans le Tessin, on a converti en loi un de ces projets, qui soustrait à l’autorité de l’Eglise plusieurs institutions religieuses et ecclésiastiques destinées à l’instruction publique de la jeunesse, et subsistant en vertu de pieuses fondations et des conventions spéciales ecclésiastiques ou approuvées par l’Eglise.
Or, dans cet état de choses, qui ne voit pas qu’on s’est empressé d’accumuler projets sur projets afin de parvenir plutôt à enchaîner entièrement l’Eglise dans le Tessin?
Le haut Conseil fédéral suisse, comme aussi le Gouvernement du Tessin sont trop éclairés pour que le soussigné ait besoin de réfuter toutes les erreurs contenues dans les projets mentionnés plus haut, erreurs du reste bien des fois réfutées par des arguments irréfragables qu’il serait trop long de reproduire ici.
Le soussigné se borne donc à faire deux seules remarques:
1° Le haut Gouvernement du Tessin a essayé de répandre la supposition (inouïe dans son canton) que l’autorité ecclésiastique est étrangère auxTessinois; ce qui ne peut aucunement s’accorder avec leur qualité de catholiques. Car une fois qu’on est catholique, l’on doit absolument reconnaître l’autorité de l’Eglise qui est exercée par les évêques diocésains et par le pasteur suprême des pasteurs, et y être soumis; celui au contraire qui ne voudrait pas reconnaître cette autorité et la rejetterait comme lui étant étrangère, se mettrait par là même hors de l’Eglise catholique.
2° La Conférence de Bade, dont plusieurs articles ont été insérés dans ces projets, a été réprouvée par le Saint-Siège, suprême autorité de l’Eglise, dans l’encyclique du 17 mai 1835.2 Par cet acte solennel, qui arrêta la mise à exécution de la Conférence, le Saint Père Grégoire XVI la condamna comme contenant des assertions... erronées, dérogeant aux droits du Saint-Siège, renversant le gouvernement de l’Eglise et sa constitution divine, soumettant le ministère ecclésiastique à l’autorité civile, provenant de principes condamnés, des assertions enfin aussi empreintes d’hérésie que schismatiques.
Mais les projets ci-dessus indiqués vont beaucoup plus loin encore que ceux de la Conférence de Bade. En effet les projets de cette conférence déclaraient seulement non obligatoires les actes émanés de l’autorité de l’Eglise et non soumis au placet; tandis que ceux-ci prétendent même ôter à de semblables actes leur valeur intrinsèque. Ceux-là laissaient les séminaires ecclésiastiques et les institutions religieuses destinées à l’instruction de la jeunesse sous la dépendance de l’autorité de l’Eglise, quoique avec des entraves; mais ceux-ci les ont soustraits à cette autorité et ont été jusqu’à les supprimer. Ceux-là reconnaissaient l’autorité papale et épiscopale, même sur des objets auxquels ils s’opposaient; tandis que ceux-ci les tiennent pour étrangères et prétendent les déclarer de nulle valeur en tant qu’elles s’opposent aux lois tessinoises; comme si le gouvernement du Tessin ignorait que l’autorité de l’Eglise catholique émane de la volonté de son divin instituteur, qu’elle est donc surnaturelle, divine; et que par conséquent un pouvoir civil quelconque ne pourra jamais annuler un acte provenant de cette autorité. Et s’il la méconnaît, ce sera toujours une violation de l’autorité divine, de la loi surnaturelle, mais jamais un droit; ce sera aussi une atteinte portée à la constitution cantonale et fédérale, au grand regret des bons citoyens tessinois, qui ont pourtant le droit d’être protégés et maintenus dans le libre exercice de leur culte par les autorités fédérales.
Or, vu un pareil danger de bouleversement de la doctrine de l’Eglise dans le Tessin, de son autorité et de ses droits, dont le Saint-Siège est le dépositaire et doit veiller à ce qu’ils ne reçoivent aucune atteinte, il est du devoir le plus sacré du soussigné de protester avant tout contre le projet sur la sécularisation de l’instruction, déjà discuté, approuvé à la majorité de deux voix, et avec dispense du procès-verbal, reproduit par le Conseil d’Etat, adopté et converti en loi, le 28 mai passé, dans une seule séance! (Chose irrégulière et inconnue dans les annales parlementaires!), loi par laquelle on supprime le séminaire archiépiscopal de Pollegio, le collège episcopal d’Ascona, les instituts religieux, avec leurs collèges, des RR. pères serviteurs de Marie (Serviti) à Mendrisio; Hieronymites (Somaschi) à Lugano; Bénédictins à Bellinzone; et l’on déclare biens de l’Etat les biens ecclésiastiques légitimement possédés par ces institutions dévouées à l’instruction de la jeunesse dans la religion, dans les lettres et dans les sciences. Le soussigné proteste donc au nom du Saint-Siège auprès du haut Conseil fédéral suisse contre cette loi, qui porte atteinte non seulement à la justice, mais aussi aux fondations pieuses, à la propriété de l’Eglise, et à la religion elle-même, parce que cette loi rend impossible l’éducation religieuse et ecclésiastique des jeunes gens qui se sentent appelés à la dignité sacerdotale, en ôtant à l’Eglise tous les moyens qu’elle possède dans le Tessin pour former et perpétuer les ministres du sanctuaire.
[...]3 2
Le soussigné espère que son empressement à faire rapporter la loi avant qu’elle soit mise à exécution, et à prévenir des conflits, dont sous plus d’un rapport on ne saurait calculer la portée, sera apprécié du haut Conseil fédéral, et qu’à son tour celui-ci se hâtera par de sages mesures de conjurer le danger et toutes conséquences.4
- 1
- Note: E 22/1587.↩
- 2
- Lettre encyclique de notre Saint-Père le Pape Grégoire XVI aux évêques, aux chapitres, aux curés et au reste de clergé de la Suisse. Neuchâtel 1835.↩
- 3
- Bovieri proteste contre les autres projets, et rappelle la nécessité de respecter l’article 44 de la Constitution fédérale.↩
- 4
- Proposition de la main de Furrer, du 8 juin 1852: Mittheilung an Tessin zur Berichterstattung und Einsendung der fraglichen Gesetze, mit der Bemerkung jedoch, es verstehe sich von selbst, dass der Bundesrath nur vom Gesichtspunkt der Bundes- und Kantonal-Verfassung darauf eintrete. Adoptéparle Conseil fédéral dans sa séance du 9 juin 1852 (E 1004 1/11, no 1978). Le 16 janvier 1854, dans une note (non reproduite), Bovieri renouvelle ses réclamations, queleConseil fédéral, dans sa séance du 20 janvier 1854 décide de verser ad acta (E 1004 1/16, no 307).↩
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