Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.2. Autriche
I.2.2. Réfugiés
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 68
volume linkBern 1990
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#689* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 326 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 3 (1850–1850) |
dodis.ch/41067
Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire dans mon rapport d’hier, no 122, je me suis efforcé de découvrir ce qu’il y a de vrai dans les bruits mis en circulation à l’égard de la Suisse; il me paraissait difficile que ces bruits n’aient pas pris naissance dans quelque fait récent.
Voici ce que j’ai appris hier soir d’une personne ordinairement bien renseignée. Le 22 de ce mois, M. de La Hitte aurait reçu des Cabinets de Vienne et de Berlin deux communications confidentielles, presque identiques, pour inviter la France à se réunir à ces deux puissances, en réclamant de la Suisse, au moyen d’une note collective, l’expulsion immédiate de tous les réfugiés, et des garanties contre l’abus futur du droit d’asile. Sans se joindre formellement à cette démarche la Russie aurait déclaré y adhérer. Cette communication doit avoir mis dans un très grand embarras le Cabinet français, qui paraissait cependant enclin à une réponse favorable en apparence. D’un autre côté, le Président de la République aurait reçu d’un ami de Suisse l’assurance que la mesure dont il s’agit rencontrerait de l’opposition dans trois cantons seulement faciles à mettre à la raison.
Cette confidence me paraît évidemment entachée d’inexactitude et d’exagération. Elle a cependant suffi pour m’engager à me rendre ce matin chez M. de La Hitte et à lui demander ce qu’il y a de fondé dans les rumeurs inquiétantes dont la Suisse est depuis quelques jours l’objet.
Il m’a répondu qu’il était fort ennuyé de l’importance qu’on avait donnée à quelques ouvertures dans le sens de celles dont il m’avait déjà entretenu; qu’en arrivant à l’Assemblée nationale une multitude de représentants venaient l’en entretenir; que les communications n’avaient pour le moment aucun caractère menaçant; que quelques puissances désireraient de la part du Gouvernement fédéral le renvoi de plusieurs chefs réfugiés et plus de vigueur dans l’internement; que c’est à cause de cela que dans la soirée du 23 de ce mois et dans celle d’avanthier, il m’avait recommandé comme il recommandait encore une grande surveillance à l’égard des réfugiés. Il est revenu sur Mazzini dont les machinations étaient notoires et qu’il importait de renvoyer. Il m’a aussi parlé de Pflieger, réfugié à Porrentruy.
Je lui ai répliqué que le Conseil fédéral avait pris et continuait à prendre des mesures de nature à satisfaire toute légitime prétention dont il entendait rester juge, et que le respect de son indépendance empêcherait la Suisse d’aller plus loin, quelles que puissent en être les conséquences; qu’il devait savoir par expérience les difficultés de l’exécution en cette matière et que le Conseil fédéral ne négligeait rien pour les surmonter; que cette autorité venait de recevoir un appui considérable par la résolution prise dernièrement par le Grand Conseil de Vaud à la presque unanimité, après une discussion solennelle où le gouvernement avait émis des principes complètement rassurants.3
Ce qui est donc constant, c’est qu’on renouvellera la tentative d’entraîner le
Gouvernement français dans des mesures hostiles à la Suisse et dont une note collective serait le début. Quoi qu’on me dise, je ne puis croire que le Cabinet français se laisse prendre au piège qui lui est tendu. Je ne me dissimule pas le peu de sympathie de la majorité de l’Assemblée nationale pour la Suisse libérale, mais les anciennes Chambres en avaient moins encore et on a vu ce qui est arrivé. Il est vrai,
par contre, que dès lors le sentiment de l’honneur national s’est émoussé sous la préoccupation des questions de politique intérieure; mais en somme, je ne vois rien de grave pour le moment dans les prétentions formulées et cette impression me paraît être également partagée par le ministre qui du reste est plutôt disposé à
une appréciation contraire. L’essentiel est que le Conseil fédéral poursuive, tant dans l’intérêt de sa propre dignité que dans celui de la Suisse, l’exécution franche et complète des décisions qu’il a prises.
Du reste, je suis en mesure de pouvoir vous confirmer que les ministres d’Autriche et de Prusse n’ont reçu de leurs cours aucune instruction défavorable à la
Suisse, et que l’ambassade d’Angleterre ne sait absolument rien de particulier.
Je crois également ne pas me tromper en vous disant que jusqu’à ce matin, le
Conseil des ministres ne s’était point occupé de la question.
Le Conseil fédéral ne trouvera pas mauvais que, dans ces circonstances, je le prie de me tenir exactement au courant et de me transmettre ses instructions. [PS:
La plupart des journaux français de ce matin s’occupent de la Suisse, mais ils restent dans le domaine des conjectures. Il est facile de s’apercevoir qu’ils ne savent rien de positif. L’Assemblée nationale se distingue comme de coutume, par la brutalité de ses exigences et l’outrecuidance de ses opinions sur la Suisse.
- 1
- E 2300 Paris 3.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud, Session d’automne 1849, séances des 23, 24 et 25 janvier 1850, p. 666–905.↩
Tags