dodis.ch/38886

Notice interne du Département politique1

SITUATION EN AFRIQUE NOIRE AUSTRALE (MOZAMBIQUE, ANGOLA)

1. L’accès à l’indépendance des anciennes colonies d’Afrique met un terme à la première phase de la stratégie conçue en son temps par le président Ben Bella et que l’OUA a faite sienne par la suite consistant à libérer de la domination blanche le continent africain au sud du Sahara.

2. La deuxième phase, soit la libération de la Rhodésie, a déjà commencé. Quelques espoirs subsistent encore néanmoins quant à une solution négociée du problème rhodésien d’autant plus que la position du régime de Salisbury s’affaiblit inéluctablement, que ce soit en raison des menaces accrues qui pèsent sur les lignes de ravitaillement rhodésiennes, de la pression morale toujours plus forte de l’opinion internationale et, surtout, du fait que l’Afrique du Sud se voit de plus en plus contrainte au repli sur soi et à une politique de détente.

3. Le constat d’échec du récent sommet de l’OUA à Kampala 2 est patent à maints égards, notamment en raison du fait que le front commun afro-arabe contre l’Afrique du Sud ne s’est pas concrétisé. Il ne fait aucun doute néanmoins que les pressions internationales vont s’intensifier à l’encontre de l’Afrique du Sud et se concentrer sur ce dernier bastion blanc en Afrique au fur et à mesure de la liquidation du problème rhodésien (boycott, listes noires, sanctions, expulsion des organismes internationaux, etc.)3

4. Au Mozambique, c’est sans coup férir que le pouvoir est passé aux mains du Frelimo4. N’ayant à vrai dire aucune opposition véritable à craindre à l’heure actuelle, ce dernier peut continuer à s’ériger en seul représentant du peuple mozambicain. Le Mozambique n’a plus guère fait parler de lui depuis le 25 juin, accaparé qu’il est par ses énormes problèmes intérieurs que les nouveaux dirigeants comptent résoudre selon les lignes marxistes. Bien qu’une pression directe ou indirecte de sa part à l’encontre de la Rhodésie ne soit pas exclue, il est vraisemblable que le Mozambique optera pour une attitude plutôt pragmatique que de confrontation à l’égard de ce pays et, surtout, à l’égard de l’Afrique du Sud actuellement si indispensable à son économie.

Entretenant un consulat à Lourenço-Marques depuis 1922, la Suisse n’a ni reconnu, ni soutenu le Frelimo5 durant ses années de lutte contre le Portugal. Invitée de la dernière heure, elle a néanmoins pu être représentée par un Ambassadeur en mission spéciale aux fêtes de l’indépendance du 25 juin dans la capitale mozambicaine6. À cette occasion, le Président de la Confédération a adressé un télégramme de félicitations au nouveau chef de l’État7, consacrant ainsi, selon l’usage, la reconnaissance du Mozambique par la Suisse.

Nous comptons accréditer au Mozambique notre Ambassadeur résidant à Dar-es-Salaam. La loi fédérale8 nécessaire à la transformation de notre consulat en ambassade a été votée ce printemps par les Chambres. Elle est cependant soumise à un délai référendaire jusqu’à la fin du mois de septembre. Entretemps, notre consulat à Lourenço-Marques a été fermé et, si la présence de notre consul est tolérée par les autorités mozambicaines, celui-ci ne peut exercer de fonctions, ni avoir de contacts officiels9.

Outre une présence missionnaire presque séculaire, il existe au Mozambique des intérêts suisses substantiels (plantations et entreprises commerciales)10. Les premières nationalisations effectuées par les autorités mozambicaines qui affectent les hôpitaux et les écoles ne sont guère rassurantes quant à l’avenir d’intérêts privés au Mozambique.

5. La situation en Angola11 est aujourd’hui à tel point confuse que toutes les possibilités sont ouvertes, y compris celles d’une remise du pouvoir par le Portugal à plusieurs gouvernements provisoires angolais, d’un partage territorial subséquent, voire d’un appel par l’une ou l’autre partie à une intervention de l’ONU.

Un fonctionnaire consulaire expérimenté a remplacé depuis quelques mois notre consul honoraire à Luanda12. Il vient d’être autorisé à se rendre dans le sud du pays où résident encore quelque 50 compatriotes, missionnaires pour la plupart. Lorsque l’Angola accédera à la pleine indépendance, nous comptons procéder comme dans le cas du Mozambique en ce qui concerne l’établissement de relations bilatérales, quand bien même les intérêts suisses dans ce pays sont encore relativement modestes13.

Sous contrat de la compagnie d’aviation portugaise TAP, la Swissair participe actuellement à l’évacuation de la population blanche vers Lisbonne14.

Les mesures d’aide humanitaire de la Confédération à l’Angola déjà prises ou dont la réalisation est envisagée prochainement sont importantes et comprennent des dons de lait (45t), de farine (500t), de couvertures (6’750) par l’intermédiaire du CICR, ainsi que le financement de l’équipe médicale de la CRS qui assurera la relève de la première équipe du CICR15.