Gespräch mit Marshall Montgomery: Internationale Lage, UdSSR, Berufsarmee, Verteidigung des "Réduit", Luftwaffe, Befestigungsanlagen, Organisation der Truppen.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 16, doc. 112
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E27#1000/721#4203* | |
Dossier title | Unterlagen zu den Sitzungen (1891–1954) | |
File reference archive | 03.E.1.b |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E27#1000/721#23347* | |
Dossier title | Besuche und Aufenthalte ausländischer Staatschefs, Regierungsmitglieder, Offiziere. Abkommandierungen ausländischer Offiziere zum Dienst in der Schweizer Armee (1849–1951) | |
File reference archive | 12.A.7 |
dodis.ch/336
NOTE SUR LA VISITE AU MARÉCHAL MONTGOMERY3 LE 14. 2. 47
1. Impression générale
Le Maréchal Montgomery, désirant s’entretenir avec moi de diverses questions militaires touchant à l’Arméesuisse, m’a invité à déjeûner le 14 ct. Accompagné du Colonel Fryer, attaché militaire anglais, et du Lt. colonel Bracher, je me suis rendu à Gstaad et ai passé environ 4 heures avec le Maréchal.
Celui-ci est encore très jeune d’allure et fait impression par sa simplicité, la clarté de son exposé ou de ses réponses, le naturel, teinté d’humour, de ses reparties. On se sent en présence d’un grand soldat, à l’attitude à la fois militaire et humaine et d’un très grand chef, justement conscient de sa valeur mais sachant n’en pas faire étalage.
Ayant dû, de par ses fonctions, entrer souvent en contact – et probablement en lutte – avec les représentants du gouvernement ou des autorités législatives, il semble avoir un sens psychologique assez prononcé pour la manœuvre politique; tout en étant respectueux de la primauté du pouvoir civil sur le militaire, il doit être un chef d’Etat-major tenace dans ses revendications d’ordre militaire. Démocrate comme le sont tous les Anglais, il a paru toutefois surpris lorsque, à propos du problème de l’armée de métier (voir ci-dessous) je lui ai laissé entendre qu’en Suisse la décision finale sur les questions militaires essentielles, telles que le statut de l’armée, la durée du service, les dépenses militaires, etc., faisait l’objet d’un vote du peuple, c’est-à-dire des intéressés euxmêmes.
Faisant preuve d’une confiance extrême en ses interlocuteurs – dont deux étaient étrangers – il n’a pas craint de s’exprimer très librement et très ouvertement sur certaines questions relatives à la situation politico-militaire et en particulier sur l’URSS. Il nous a priés cependant, le Lt. colonel Bracher et moi-même, de garder le secret sur certaines de ses déclarations ou de ses appréciations et même sur quelques anecdotes de son récent voyage à Moscou. Il nous a simplement autorisés à faire savoir au Chef du DMF et aux chefs supérieurs de l’armée qu’il était «optimiste» en ce qui concernait la situation politique mondiale.
A aucun moment de notre entretien je n’ai eu l’impression qu’il y avait, derrière ses propos ou ses questions, une arrière-pensée quelconque. On se sentait en présence d’un soldat qui prend plaisir à parler des choses de l’armée, qui désire compléter ses connaissances pour être mieux à même de réfléchir aux grands problèmes et qui, en toute simplicité, fait part de ses expériences à l’égard de représentants de l’armée d’un petit pays pour lequel il éprouve une sympathie sincère.
2. Idées générales
La première partie de l’entretien a roulé sur les conceptions que le Maréchal Montgomery se fait de l’organisation de l’armée d’un pays démocratique au standard de vie élevé (Angleterre, Canada, etc.), dépourvu d’ambitions territoriales, désireux de conserver son sol et ses biens et devant, au besoin, défendre ceux-ci contre l’ambition de voisins avides ou insatisfaits.
Pour lui la seule forme admissible est l’existence d’une petite armée de métier dont les cadres servent d’instructeurs à l’armée territoriale formée, elle, d’hommes ayant reçu une instruction initiale aussi complète que possible (en Angleterre, on prévoit la formation de 250’000 hommes par an pendant 1 1/2 an). Cette armée de métier peut, au besoin, servir de troupe d’intervention. Les hommes ayant servi dans l’armée territoriale pendant 6 à 7 ans passent dans la garde nationale, qui peut comprendre en outre des hommes n’ayant qu’une formation très réduite.
Le Maréchal a insisté sur la question de l’esprit patriotique et national qui doit imprégner non seulement l’armée mais tout le peuple, sur l’importance qu’il faut accorder à la formation des cadres, aux recherches techniques et au potentiel de guerre de la nation. Il s’est naturellement prononcé sur la juste part qu’il faut savoir faire, dans un pays comme l’Angleterre, à l’armée de terre, à l’aviation et à la marine.
3. Conceptions suisses
Soit de son propre chef, soit dans ses réponses aux questions que j’ai pu lui poser, le Maréchal Montgomery s’est exprimé sur la plupart des questions qui retiennent actuellement notre attention. Il avait été mis au courant des principaux problèmes qui nous préoccupent par le Colonel Fryer, qui s’était donné la peine de lui traduire en anglais une bonne partie de la 3e partie du rapport du Conseil fédéral4 en réponse au rapport du Général5, il avait également pris connaissance de ce dernier rapport et n’a pas craint de nous dire que sur certaines questions (valeur du Réduit, fortifications, etc.) il ne partageait pas le point de vue du Général Guisan.
Ne pouvant rapporter tout ce que nous a dit le Maréchal Montgomery, les points essentiels sur lesquels l’avis de ce grand chef peuvent nous intéresser sont les suivants.
Armée de métier ou milices. Le Maréchal ne nous a pas caché qu’il croyait que, en raison des exigences de la guerre moderne, un noyau d’armée de métier nous était indispensable; il pense qu’une brigade de 5 à 6000 hommes pourrait suffire. A mes arguments selon lesquels cette conception ne pouvait entrer en considération pour nous (opposition des Chambres, du peuple, difficultés de toute nature), il s’est borné à répéter que c’était sa conviction. Il a suggéré, si nous ne pouvions nous résoudre à franchir ce pas, de chercher à augmenter, dans une proportion aussi grande que possible, le corps des officiers et des sous-officiers instructeurs.
Commandement en chef en temps de paix. Le fait que l’Armée n’a pas de Cdt. en chef en temps de paix est pour lui tout simplement incompréhensible. Il ne croit pas qu’une armée puisse être commandée par une commission formée des chefs supérieurs. – Je me suis interdit d’insister sur cette question délicate, ne voulant pas lui apporter des arguments qui ne me semblent pas tous plausibles.
Défense du Réduit. Le Maréchal a insisté sur l’erreur qu’il y aurait à vouloir baser notre conception stratégique sur la seule défense du Réduit. Il ne m’a pas été difficile de lui dévoiler que telle n’était pas notre intention. Lui ayant esquissé nos conceptions en matière de défense nationale armée, (défense stratégique, tactique défensive et offensive) il a nettement indiqué qu’il estimait que nous étions sur la bonne voie.
Aviation. Le Maréchal Montgomery estime qu’une aviation de 500 avions de chasse est tout à fait suffisante pour notre armée. Il n’a pas craint de révéler que notre pays montagneux et boisé lui paraissait fort peu propice à une action tant soit peu importante de forces aériennes ennemies. Il estime aussi que, avec un bon système de surveillance et d’alarme et quelques troupes mobiles et bien armées, l’action de troupes aéroportées pourrait être facilement neutralisée, du moins dans les régions mouvementées et couvertes du Jura et des Préalpes. Il pense que l’aviation et les armes à grande portée vont encore se développer mais qu’il faudra encore de nombreuses années avant que l’essence même des armées en soit transformée.
Fortifications. A plusieurs reprises le Maréchal nous a mis en garde contre l’esprit «Maginot» comme il l’appelle. Tout en estimant que certaines fortifications peuvent avoir encore de la valeur et que, dans la défensive, la protection du combattant est une chose nécessaire, il a insisté sur le fait qu’une troupe d’élite devait être avant tout mobile et apte à la manœuvre; c’est une erreur de croire que l’aviation ou les armes à grande portée pourront complètement paralyser les troupes; il y aura toujours des situations où les mouvements seront possibles.
Organisation des troupes. Le Maréchal estime que l’organisation ternaire en compagnies, bataillons, régiments, a fait ses preuves; il ne pense pas qu’une évolution doive se produire à brève échéance.
- 1
- Cette notice fut distribuée aux membre de la Commission de Défense nationale lors de la séance du 22 février 1947.↩
- 2
- (Copie): E 27/23347.↩
- 3
- Le Maréchal Montgomery se trouvait en vacances en Suisse du 3 février au 1er mars 1947. Il avait d’autre part déjà séjourné en Suisse en février 1946. Des informations sur ces visites sont dans le même dossier.↩
- 4
- Rapport du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant le rapport du Général sur le service actif de 1939 à 1945, cf. E 27/15068.Cf. aussi FF, 1947, I, pp. 461 ss.↩
- 5
- Rapport du Général Guisan à l’Assemblée fédérale sur le service actif 1939-1945; pour une version publiée du rapport, cf. E 27/15058.↩