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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 22, doc. 14
volume linkZürich/Locarno/Genève 2009
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001E#1976/17#330* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(E)1976/17 47 | |
Titolo dossier | Fremde Politik und Propaganda in der Schweiz gegen Spanien (1961–1963) | |
Riferimento archivio | A.45.01 |
dodis.ch/30730 L’Ambassadeur de Suisse à Madrid, M. Fumasoli, au Secrétaire général du Département politique, P. Micheli1 Conférences organisées par le Comité Suisse pour l’amnistie politique en Espagne
Je vous remercie vivement de la lettre du 11 de ce mois2, par laquelle vous avez bien voulu me mettre au courant de l’activité que le «Comité pour l’amnistie des détenus ou exilés politiques espagnols» a déployée récemment en Suisse.
Pour le moment, aucune personnalité officielle espagnole n’a fait allusion vis-à-vis de moi ou de mes collaborateurs, aux deux conférences mentionnées dans votre lettre3. Je pense que le fait que Ramon Viladas n’a pas été autorisé à prendre la parole à Genève et que les organisateurs des manifestations de Lausanne et de Genève étaient tous des communistes ou des sympathisants des communistes, a convaincu les autorités espagnoles qu’il ne valait pas la peine de donner une importance excessive à cet épisode de la campagne de l’extrême gauche contre elles. Ces autorités savent très bien qu’elles ont encore beaucoup d’ennemis à l’extérieur et pas tous dans l’extrême gauche, mais elles savent aussi, par expérience, que l’opposition au régime franquiste diminue considérablement depuis un certain temps dans les files des non communistes. Bien sûr dans plusieurs milieux socialistes et libéraux l’opposition demeure considérable, mais elle cède peu à peu à cause des exigences de la lutte contre le communisme et aussi à cause des adoucissements imposés à la dictature par ceux qui l’exercent et de l’européisation graduelle de la Péninsule. Bien que le régime se dresse sur une base dictatoriale et refuse encore au peuple certains droits fondamentaux, la lutte que le bolchevisme a déclenchée contre l’Occident a grandement contribué à faire accepter l’Espagne officielle parmi les pays qui ont pris sur eux la tâche de résister à la bolchevisation du monde. Les Etats-Unis furent les premiers à rompre la glace en 1953 grâce aux accords d’aide militaire réciproque4 et furent suivis par l’Allemagne, la France et l’Angleterre. Aujourd’hui l’Espagne entretient d’excellentes relations avec tous les Etats occidentaux; elle est au premier plan de l’actualité financière pour les investisseurs européens; elle a fait des progrès matériels considérables et on doit bien reconnaître qu’aucun gouvernement espagnol, au cours des cent cinquante dernières années de guerres civiles subies par le pays, ne lui a apporté autant de bienfaits matériels que l’actuel. Cela ne justifie certes pas la privation de certains droits maintenue par le régime et d’autres circonstances en relation avec l’absence de certaines libertés essentielles, comme la liberté de culte, par exemple dont les restrictions inadmissibles indisposent d’importants milieux suisses5. On sait que le régime répond que la démocratie n’a jamais convenu à l’Espagne, que l’individualisme exalté des Espagnols a converti en une catastrophe chaque tentative de convertir l’Espagne en une république et que le monde doit comprendre qu’après le terrible désastre de la guerre civile de 1936/39, on ne peut pas exiger de l’Espagne l’établissement d’un régime de liberté totale dont la suite inévitable serait une nouvelle guerre civile. Je me dispense de rappeler ici les arguments qui contredisent en partie cette thèse du régime. Je constate qu’un grand nombre de personnalités politiques raisonnables acceptent en partie du moins la thèse en question, qu’elles admettent que Franco a sauvé l’Espagne et probablement l’Europe du communisme en 1936 et qu’il représente une garantie de poids à l’heure actuelle dans la lutte contre le communisme. A part ce fait important du point de vue de la politique occidentale, on observe que certaines restrictions à la liberté se sont beaucoup adoucies (on parle presque librement dans les cafés et dans la rue), que le nombre des prisonniers politiques est désormais très restreint d’après ce que me confirme le représentant suisse du Comité International de la Croix-Rouge6, que la liberté de circulation à l’intérieur du pays est totale, que les millions de touristes qui sillonnent l’Espagne peuvent se rendre compte des conditions d’ordre et de paix qui règnent dans le pays et des pas de géant qu’il a faits sur le chemin du progrès. Cela ne justifie naturellement pas qu’il y ait des prisonniers politiques, mais il ne semble pas qu’on puisse toujours appliquer la mesure suisse ou anglaise à un pays qui – je le répète – est sorti en 1939 de cent cinquante ans de guerres intestines et d’une guerre civile d’une cruauté inouïe déchaînée par ceux qui voulaient implanter le communisme dans le pays. C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, ont inauguré une politique d’amitié avec l’Espagne officielle, dans l’espoir que peu à peu elle se rapprochera du libéralisme.
Cette normalisation croissante des relations diplomatiques internationales de l’Espagne avec les grandes puissances, a indisposé plus que toute autre chose les adversaires de Franco qui ne peuvent plus compter sur les gouvernements occidentaux pour le renverser et cela explique la recrudescence de la lutte du communisme contre le régime espagnol, lutte dont les faits rappelés dans votre lettre ne sont que des épisodes. Les mesures prises récemment en France contre certains exilés espagnols qui avaient tenté de détruire un barrage en Espagne sans égard au nombre de victimes qu’un tel crime aurait comportées, (fait qui ne laisse guère de doute sur la filiation communiste des dits exilés) contribuera sans doute beaucoup à augmenter la recrudescence dont je parlais plus haut. Au fait presque tous les exilés qui avaient envie de retourner en Espagne ont pu rentrer grâce aux nombreuses amnisties décrétées par le Gouvernement espagnol dont la dernière vient d’être proclamée. Il ne reste plus, en dehors de l’Espagne, que quelques idéalistes très respectables et des victimes de l’extrême gauche.
C’est pourquoi, à part la considération que méritent les personnes qui défendent sincèrement la cause de la liberté pour leur patrie espagnole, nos autorités ont bien raison de surveiller l’activité des exilés espagnols qui agissent pour le compte du communisme, parce qu’une trop grande indulgence à leur égard pourrait provoquer ici des réactions négatives pour nous. Il ne faut pas oublier que le nombre des Espagnols qui, pour les raisons les plus diverses, mais surtout par crainte de l’inconnu et des communistes, soutiennent le régime au pouvoir, est très grand et qu’ils n’aiment pas qu’à l’étranger on aide ceux qui désirent offrir à l’Espagne une réédition de la dernière république et de la révolution qui en fut la conséquence inévitable et qui leur a valu des souffrances inouïes. La Suisse a une excellente presse en Espagne bien que nos journaux n’aient jamais montré de la sympathie pour le régime franquiste pour des raisons compréhensibles, mais il est normal que nous évitions que le communisme choisisse notre pays pour des manifestations purement politiques et susceptibles de compromettre nos intérêts en Espagne. L’attachement de la Suisse à la liberté et aux droits de l’homme est au-dessus de tout soupçon de sorte qu’une attitude froide à l’égard des menées de l’extrême gauche ne devrait pas nous attirer des critiques de la part des milieux qui défendent comme nous l’ordre et la raison.
Je m’excuse d’avoir insisté sur des circonstances qui sont fort bien connues de vous, en soulignant des points de vue qui sont aussi ceux de la plupart de nos compatriotes en Espagne.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1976/17/47.↩
- 2
- Cf. la lettre de P. Micheli à M. Fumasoli du 11 octobre 1961, non reproduite.↩
- 3
- La première conférence a lieu à Lausanne le 29 septembre, sous la présidence du conseiller d’Etat vaudois A. Maret; la deuxième a lieu à Genève le 6 octobre, sous la présidence de l’acteur F. Simon.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 72, dodis.ch/10262(dodis.ch/10262).↩
- 5
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 50, dodis.ch/5760(dodis.ch/5760).↩
- 6
- F. E. Arbenz.↩
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Spagna (Generale) Politica di sicurezza