Dank an Burckhardt für seine Verdienste. Aufenthalt von Bidault und Mauriac in der Schweiz. Beziehung zur UdSSR.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 16, doc. 54
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#81* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 16 | |
Dossier title | Correspondance avec Carl J. Burckhardt (ministre de Suisse à Paris) : volume III (1945–1949) | |
File reference archive | 321.31 |
dodis.ch/1709
La lettre2 que vous m’avez écrite le 1er janvier m’a touché et j’ai été très sensible aux sentiments que vous exprimez à mon égard.
Cette année passée au Conseil fédéral à la tête du Département aujourd’hui sans doute le plus difficile, est la plus dure que j’ai vécue. J’ai sans doute pris des habitudes, mais chaque jour qui commence est pour moi une épreuve nouvelle. On a ou on n’a pas le goût du pouvoir – mais je ne pense pas qu’on l’acquiert. Et pourtant, pendant cette année j’aurai eu le privilège d’entrer en contact avec quelques personnalités dont le concours désintéressé et le dévouement ont été pour moi le plus grand réconfort. Je pense à vous, Monsieur le Ministre, je pense aussi à M. Ruegger. Les heures que j’ai passées avec vous à discuter objectivement des questions qui nous préoccupent m’ont fait oublier l’incroyable médiocrité et la constante mesquinerie du personnel politique, qui prétend diriger les affaires du pays. Il y a, je le sais, d’honorables exceptions parmi les parlementaires avec lesquels je suis obligé de me débattre. Mais la plupart d’entre eux songent rarement à résoudre un problème pour lui-même. Leurs jugements sont déformés par de petits sentiments, de petites haines, de petites ambitions. Ils ne recherchent pas la vérité – souvent ils la craignent – ils sont dépourvus de noblesse. Je comprends que Renan quand il oppose les philosophes aux politiciens ait été dur et cruel pour ces derniers.
Le but de ma lettre n’est d’ailleurs pas de vous parler de politique, mais de vous exprimer ma reconnaissance pour le sacrifice que vous aurez fait en acceptant de représenter la Suisse à Paris3. Vous pouvez aujourd’hui mesurer l’importance du service que vous avez rendu non seulement au Conseil fédéral mais à tout le pays. Rarement un Ministre de Suisse aura joué un rôle que depuis quelques mois vous jouez à Paris. Et je regrette – en le comprenant – que vous avez toujours une arrière-pensée en songeant au Comité International de la Croix-Rouge qui aurait besoin de vous, mais pour le moment je ne vois pas la solution qui permettrait de vous libérer. Nous pourrons reprendre le sujet quand vous viendrez en février.
J’ai regretté de ne pas voir Monsieur Bidault pendant son séjour en Suisse4. J’avais prié l’Ambassadeur de France de lui dire que je le rejoindrais dans le train, s’il le désirait. La réponse de M. Hoppenot a été plutôt négative et je n’ai pas voulu insister.
La semaine prochaine, j’organiserai le petit dîner prévu en l’honneur de Mauriac5.
J’attends avec impatience vos nouvelles sur l’entretien que vous devez avoir cette semaine avec M. Bogomolov6. Si je pouvais régler cette question de l’URSS ce serait un poids de moins. D’après des renseignements de Belgrade7 et de Londres8, nous pourrions reprendre des relations très rapidement, à condition d’exprimer des regrets pour notre politique antisoviétique. Il ne peut pas en être question9.
Je me réjouis de vous revoir. Veuillez présenter mes hommages respectueux à Madame Burckhardt et croire vous-même, Monsieur le Ministre, à toute ma reconnaissance et à mes meilleurs sentiments.
- 1
- (Copie): E 2800/1990/106/16.↩
- 2
- Le 30 décembre, M. Petitpierre avait adressé, par un télégramme non reproduit, ces voeux pour la nouvelle année à C. J. Burckhardt en le remerciant pour sa collaboration intelligente et dévouée à la Suisse qui a encore des temps difficiles à traverser. Dans sa réponse manuscrite du 1er janvier, Burckhardt écrit notamment: Nous avons derrière nous une de ces années décisives, non seulement pour l’avenir du monde, mais aussi pour nos petits destins particuliers. Votre tâche qui est de l’ordre historique, lourde de responsabilités, riche en grandes possibilités, pourrait devenir écrasante, si cette aide mystérieuse qui accompagna notre pays jusqu’à ces jours, ne nous était acquise, comme je le souhaite pour vous de tout mon coeur. L’on commencera déjà en 46 à récolter les premiers fruits, de ce qui fut semé en 1945 avec tant de haine. Nous avons été, plus qu’est bon, obligés à hurler avec les loups réunis pour la curée du loup mort. L’avenir nous montrera les forces que certains souvenirs de nos voisins du sud et du nord-est pourront libérer contre nous.[…]Burckhardt évoque ensuite la crise aiguë du CICR. Je suis persuadé que cette institution quelle que soit la forme que l’on lui donnera est pour la Suisse d’une importance primordiale, et que c’est par elle que réellement notre petit pays à certains moments exerce une fonction de grande puissance. Le CICR se trouve actuellement devant un problème plus difficile à résoudre que ceux du temps de guerre; en effet il est obligé d’étendre son action de neutralité active aux vaincus, et cela à un moment auquel la neutralité heurte les sentiments aveugles qui partout entraînent pas seulement les masses, mais aussi les quelques esprits relativement pondérés et clairvoyants.[…]↩
- 3
- Sur la nomination (décidée le 22 février 1945 par le Conseil fédéral) de C. Burckhardt comme Ministre de Suisse à Paris, cf. DDS, vol. 15, doc. 385, dodis.ch/47989, doc. 398, dodis.ch/48002. Occupé par ses activités en tant que Président du CICR, Burckhardt rejoint son poste à Paris le 4 juin 1945, cf. E 2200 Paris 34/5.↩
- 4
- Cf. PVCF No 3188 du 14 décembre 1945, E 1004.1 1/464 et le dossier de correspondance, E 2200 Paris 36/ B/1.↩
- 5
- Dans une lettre, non reproduite, du 27 novembre 1945, Burckhardt avait proposé à Petitpierre de saisir l’occasion de la présence en Suisse de Bidault et Mauriac pour améliorer les relations avec la France, dodis.ch/2174. Cf. aussi le télégramme, non reproduit, du 8 décembre 1945, dodis.ch/2175. Sur les relations culturelles franco-suisses, cf. E 2200 Paris 34/5 et cf. E 2200 Paris 36/ A/3.↩
- 6
- Par une lettre, non reproduite, du 11 janvier, Burckhardt informe Petitpierre de la volonté exprimée par l’Ambassadeur de l’URSS à Paris de le rencontrer. Une première discussion eut lieu quelques jours plus tard. Cf. la lettre, non reproduite, de Burckhardt, du 25 janvier. Cf. aussi E 2200 Paris 37/ B/2.↩
- 7
- Cf. la notice de Petitpierre sur son entretien du 21 septembre 1945 avec E. Zellweger, E 2800/1990/106/13.↩
- 8
- Cf. le rapport de P. Ruegger du 24 décembre 1945, E 2800/1990/106/13.↩
- 9
- Sur les négociations en vue de nouer des relations diplomatiques avec l’URSS, cf. les lettres que Petitpierre envoie à Zellweger le 23 janvier et celle qu’il adresse aux autres membres du Conseil fédéral le 6 février 1946, E 2800/1990/106/13.Les relations seront établies en mars 1946, cf. table méthodique du présent volume: Union soviétique – Relations politiques.↩
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