Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 21, Dok. 104
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001E#1972/33#2151* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(E)1972/33 48 | |
Dossiertitel | Politische Tätigkeit von Staatsangehörigen der nordafrikanischen und arabischen Staaten (1954–1960) | |
Aktenzeichen Archiv | A.45.22 |
dodis.ch/15174 Guerre d’Algérie et ses répercussions en Suisse
Depuis 6 ans que dure le conflit entre la France et les révolutionnaires algériens, nos services eurent à s’occuper durant ces années de nombreux cas ayant pour origine la guerre d’Algérie.
En 1954 et 1955, nous n’avions, pour ainsi dire, aucun Algérien domicilié en Suisse, mais nous décelions toutefois le passage de quelques Nordafricains, nationalistes arabes, tels que Salah Ben Youssef, Tunisien, Ahmed Balafredj,
Marocain, Ben Bella, Algérien, lesquels étaient en rapport avec la Légation d’Egypte à Berne ou se rencontraient à Genève dans certains milieux internationaux.
C’est surtout à partir de 1956 que les Algériens commencèrent à venir en
Suisse. Nous décelions à cette époque plusieurs agents de renseignements venus de France ou d’Afriquedu Nord, ou des trafiquants d’armes, séjournant dans notre pays, d’où ils se rendaient en Allemagne, en Belgique, en Scandinavie pour y faire des achats pour le compte de l’Armée de libération nationale algérienne. Certains se lièrent avec des ressortissants suisses, qui les aidèrent à se procurer des armes ou des explosifs (cas Léopold/Guinand2, Aregger, etc.).
Bien que de nombreuses interdictions d’entrée aient été prises à l’égard de ces agents nationalistes, les Algériens dont l’activité politique était suspectée par les autorités françaises commencèrent peu à peu à venir se réfugier en Suisse.
Au printemps 1956, Ferhat Abbas et son adjoint le Dr Francis Ahmed, de même que diverses personnalités politiques algériennes, rejoignent au
Caire les dirigeants FLN, en passant par Genève. Abbas et Francis reviennent en Suisse et séjournent à Berne. Ils ont des contacts suivis avec la légation d’Egypte. Ils entreprennent des voyages à l’étranger, et reçoivent des émissaires venant de France à leur QG qui se trouve à la Pension Bois Fleuri à Berne.
Tandis que plusieurs personnalités ou émissaires du FLN se rencontrent en Suisse, l’Etat-Major quitte Berne et une sorte de permanence s’établit à
Montreux à l’Hôtel des Palmiers, dès avril 1957, qui a été repris par l’ancien en continuant d’entreprendre de nombreux voyages à l’étranger pour le
Comité de coordination extérieur du FLN, dont il est le président.
C’est pendant cette période que de nombreux Algériens arrivent en Suisse.
Ils sont généralement munis de passeports français ou de simples cartes d’identité. Certains désirent se rendre en Algérie, d’autres préfèrent rester en
Suisse. Le QG de Montreux et un certain Boulharouf Tayeb, séjournant avec un passeport tunisien à Ouchy, s’intéressent, en liaison avec le Dr Bentami
Djilali, qui s’intitule délégué officieux du Croissant-Rouge Algérien à Genève, à tous leurs compatriotes domiciliés en Suisse.
A fin 1957 et dès le début de 1958, date de la dissolution de l’Union générale des étudiants musulmans d’Algérie par un décret du Gouvernement français, de nombreux étudiants algériens quittent la France et se fixent à Lausanne tout d’abord, puis à Genève pour suivre les cours des universités. Le comité exécutif de l’UGEMA s’est fixé à Lausanne et entreprend des démarches pour obtenir des bourses qui leur sont données pour la Suisse par le WUS3, qui a reçu un don important de la fondation Ford et par les gouvernements marocain et des gouvernements des pays de l’Est, mais aussi par les USA.
Le Comité exécutif de l’UGEMA qui, officiellement, a son siège à Tunis depuis l’été 1960, a réussi de grouper dans cette union générale tous les étudiants ayant quitté la France et ne reconnaît comme membres que ceux qui se déclarent favorables à la cause du FLN.
A partir de 1958, et durant les premiers mois de 1959, nos services, en collaboration avec les polices de nos cantons, purent établir que des cotisations étaient perçues auprès des Algériens résidant régulièrement en Suisse. Un montant variant entre 20 et 30 francs devait être versé chaque mois et celui qui ne se soumettait pas à cette obligation ou avait du retard dans ses cotisations était menacé4. Un bureau de Suisse du FLN, dont le siège se trouvait à
Lausanne, était chargé de faire les encaissements, de distribuer des secours, de réceptionner les Algériens venant de France, de prendre des informations sur leurs antécédents, de leur faire obtenir des cartes de légitimation, passeports de complaisance ou de les faire acheminer sur l’Afriquedu Nord5.
Les interventions que nous avons faites, perquisitions, mesures d’expulsion et mises en garde ont eu pour effet que les dirigeants du GPRA donnèrent comme instructions à leurs partisans de cesser toutes cotisations.
Il n’en demeure pas moins que des représentants du GPRA tels que le Dr Bentami à Genève et plusieurs émissaires du FLN séjournant clandestinement en Suisse, continuent de s’occuper des réfugiés venant de
France, des étudiants, de se procurer des adresses de ressortissants suisses favorables à la cause du FLN et, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, du journal «ElMoudjahid», de leurs amis journalistes ou radioreporters, de faire une intense propagande anti-française et favorable aux révolutionnaires d’Algérie. Grâce à nos nombreuses interventions et aux mises en garde faites aux Algériens qui viennent séjourner en Suisse pour étudier ou travailler dans diverses entreprises en qualité d’ouvriers d’usine, manœuvres, employés dans l’hôtellerie, etc., nous estimons qu’actuellement ils subissent moins de pression de la part de leurs responsables et sont, dans l’ensemble, plus tranquilles.
Toutefois, nous devons remarquer qu’à la suite de la propagande habile menée par les dirigeants de la rébellion qui ont réussi à toucher les milieux les plus divers, une partie de l’opinion publique suisse a pris fait et cause pour le FLN.
Preuve en est la récente réunion tenue à Berne, à l’occasion de laquelle fut créé le comité «Suisse-Algérie» qui ne sera qu’une organisation de soutien du FLN. séjourna plusieurs mois clandestinement en Suisse, en est un des dirigeants les plus influents.
Ces diverses organisations, qui ont dans leurs attributions de favoriser la désertion et l’insoumission des jeunes soldats français, possèdent de nombreux amis dans les milieux d’intellectuels de gauche, religieux et pacifistes de notre pays. Le «MAF» a mis à disposition de citoyens suisses des automobiles, dont nous connaissons l’existence et qui circulent sous des noms et avec des numéros d’immatriculation suisses, servant au transport de déserteurs français ou algériens, de documents, de propagande ou de fonds, passant la frontière franco-suisse clandestinement.
L’enquête faite récemment à Genève dans l’affaire «Jeanson» nous a prouvé que ces organisations ont une activité clandestine en Suisse et disposent de fonds importants6. Mme Curiel, dont le mari vient d’être arrêté à Paris, déclara qu’elle possédait plus de 500’000.– francs dans une banque en Suisse, lorsqu’elle fut interrogée à Genève, où elle a été vue alors qu’elle remettait Fr. 10’000.– à
Jeanson. Ne s’agit-il pas d’un dépôt du «MAF»?
De nombreux écrits, journaux, revues, livres de propagande sont imprimés en Suisse par les sympathisants à la cause du FLN7.
Si, au début de la rébellion en Algérie, on a vu que les Egyptiens apportaient une certaine aide aux Algériens de passage en Suisse, ce sont maintenant les représentations diplomatiques de Tunisie et du Maroc qui se dévouent sans compter pour les réfugiés se trouvant dans notre pays. En effet, nous constatons que les Algériens non immatriculés dans les Consulats de France – et ce sont les plus nombreux – obtiennent facilement des passeports tunisiens ou marocains. Ces tous derniers jours encore, un représentant de l’UGEMA se trouvant à Lausanne s’adressait à la Légation de Tunisie à Berne pour récla mer les 21 passeports tunisiens destinés aux étudiants algériens. Ces derniers désirent avoir une protection nationale pour le renouvellement de leur permis de séjour. Les Marocains agissent aussi de la même manière.
L’octroi de ces passeports de complaisance, qui changent la nationalité des
Algériens avec celle d’un autre pays, alors même que le titulaire n’a jamais mis les pieds dans son pays d’adoption, est-elle régulière? De toute manière, les étrangers bénéficiant de cette faveur demeurent toujours des nationalistes algériens, mais il devient de plus en plus difficile, pour nos services, de différencier quels sont les véritables Marocains et Tunisiens.
Les représentants diplomatiques et les autorités de ces pays ne devront pas s’étonner si parfois leurs nationaux seront considérés comme suspects d’appartenir au FLN et que nous soyons appelés à les interroger ou à contrôler certaines de leurs activités.
Plusieurs membres du GPRA ont reçu un visa pour venir en Suisse. Les raisons invoquées lors de leur demande mentionnaient généralement: séjour ou santé. C’est ainsi que Ferhat Abbas, président, a fait dernièrement un bref séjour à Montreux, au sujet duquel un rapport a été établi8, Belkacem Krim, vice-président et membre du Comité interministériel de la guerre a passé à
Zurich, où il est resté un après-midi et a rencontré deux Algériens résidant en
Suisse, El Khodja Omar et Sahia Robert, avant de continuer son voyage sur
New-York. Ahmed Francis, Ministre des finances a séjourné à plusieurs reprises à Genève, où sa femme occupe un appartement, Abdelhafid Boussouf, Ministre de l’Armement, Abdelhamid Mahri, Ministre des Affaires culturelles, ont tous deux aussi obtenu un visa, mais leur présence en Suisse n’a pas pu être décelée.
D’autres personnalités du FLN, telles que Boumendjel Ahmed, porte-parole du GPRA et émissaire de ce dernier à Melun, a séjourné plusieurs semaines en Suisse pendant l’été 1960 et s’apprête à y revenir, Benyahia Mohamed, qui l’accompagnait à Melun et s’intitule secrétaire de Ferhat Abbas, a obtenu ce mois un visa de deux mois, Dahlab Saad, qui s’est rendu de Suisse à Moscou en septembre 1960 avec Francis et s’apprête à partir pour New-York, a séjourné aussi plusieurs mois en Suisse.
D’autres personnalités, moins connues mais qui travaillent pour le FLN, passent parfois en Suisse, généralement à Genève. C’est toujours par l’intermédiaire du Dr Bentami que s’organisent les entrevues des leaders du FLN.
Nous ignorons en général ce que font exactement ces étrangers lorsqu’ils sont dans notre pays où ils se sentent en sécurité, mais nous avons pu nous rendre compte qu’ils n’y viennent certainement pas uniquement pour se reposer ou se faire soigner.
Dans la mesure où nous le pouvons, nous prenons contact avec ces diverses personnalités et organisons parfois des surveillances, en collaboration avec les polices des cantons, dans le but de déceler leur activité et en même temps pour assurer un discret service de protection afin d’éviter un attentat éventuel, alors même que les dirigeants FLN n’aient, pour ainsi dire, jamais remarqué qu’ils soient suivis ou espionnés par des personnes étrangères à la police lorsqu’ils séjournent en Suisse et ne nous aient jamais requis pour les protéger.
La situation en France ne semble pas s’améliorer beaucoup et, d’après nos constatations personnelles, on se rend compte qu’une certaine lassitude commence à se faire sentir dans l’ensemble de la population, qui désirerait voir se terminer cette longue guerre.
Les pacifistes intellectuels de gauche, sans parler du parti communiste, désirent la négociation et la paix en Algérie. D’un autre côté, ce qu’on appelle les «Ultras» d’Alger, soutenus par une partie de la droite française et de l’armée, semblent s’opposer à l’autodétermination, offerte par de Gaulle aux Algériens.
Certains Français vont jusqu’à craindre une guerre civile dans leur pays et nous devons aussi mentionner que les mouvements de soutien au FLN recrutent des adeptes dans l’Administration française et les milieux gouvernementaux.
Si, comme nous le mentionnons plus haut, une certaine partie de notre population paraît prendre fait et cause pour le FLN, il ne faut pas oublier que la majeure partie de notre population suit aussi la politique du général de
Gaulle et se rend compte que ce dernier paraît sincèrement vouloir accorder l’indépendance à l’Algérie si le peuple algérien se prononce pour elle. Les contacts pris récemment avec Moscou et Pékin par les leaders du FLN ne sont pas pour rendre la cause des rebelles plus sympathique, car on se rend compte que ces derniers désirent obtenir «leur» indépendance et gouverner ensuite le pays à leur manière. Les nombreux attentats qui continuent à se perpétrer en Algérie et en Métropole, où sont souvent tuées des personnes innocentes, portent également préjudice à la cause révolutionnaire.
Relevons encore la question déposée sur le bureau du Grand Conseil neuchâtelois par le député Edouard Lauener, le 26 septembre 1960, au sujet des émissions de radio Sottens du «Miroir du Monde» considérées comme «particulièrement susceptibles de ternir nos bonnes relations avec une puissance amie fort peu conformes avec la neutralité helvétique si souvent rappelée par le Conseil fédéral».
Nos services, en collaboration avec les organes de police des cantons, continuent à vouer une attention particulière au développement et aux répercussions que pourra encore nous apporter la guerre d’Algérie.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1972/33/48. Ce rapport est signé par l’inspecteur René Humbert.↩
- 2
- Sur l’affaire du trafic d’explosifs au profit des nationalistes algériens organisé avec l’aide de Marcel Léopold et Georges Guinand, cf. E 2001(E)1976/17/49.Sur l’assassinat de M. Léopold, cf. E 2200.82(-)1977/120/20, la proposition du DFJP au CF du 24 avril 1957, E 1001(-)1000/6/285, ainsi que E 4320(B)1990/266/335 à 339. Sur G. Guinand, cf. E 4320(B)1990/266/16.↩
- 4
- Cf. la notice de R. Godet pour M. Petitpierre du 10 juillet 1959, E 2001(E)1972/33/48 (dodis.ch/15171).↩
- 5
- Cf. PVCF No 1716 du 2 octobre 1959, E 1004.1(-)1000/9/630 (dodis.ch/15173).↩
- 6
- Cf. E 2001(E)1976/17/49.↩
- 7
- Il s’agit notamment des publications des éditions La Cité, à Lausanne, de l’impression du texte de la plate-forme de la Soumame par l’imprimerie Cornaz à Yverdon, ainsi que de l’impression de quelques numéros du journal El Moudjahid sur les presses de l’imprimerie du Pré-Jérôme à Genève.↩
- 8
- Cf. le rapport de l’inspecteur R. Humbert du 23 septembre 1960, E 2001(E)1976/47/49.↩
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Kolonisation und Dekolonisation