Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 110
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#8* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 2 | |
Dossier title | Affaire d'espionnage René Dubois (Procureur général) - Max Ulrich (inspecteur de la Police fédérale) : notes, entretiens et correspondance (1957–1958) | |
File reference archive | 121.2 |
dodis.ch/12035 Notice du Chef du Département politique, M. Petitpierre1
Ce matin, j’ai reçu successivement l’Ambassadeur d’Egypte2 et l’Ambassadeur de France3, qui avaient l’un et l’autre sollicité un entretien.
L’Ambassadeur d’Egypte considère comme très regrettable le fait que les conversations téléphoniques de son Ambassade, en particulier avec son Gouvernement, soient écoutées4 et que des bulletins d’écoute aient été communiqués à l’Ambassade de France par un fonctionnaire suisse5. Il ne doute pas que cet incident grave ne fasse l’objet de commentaires assez vifs de la part des autorités et dans la presse égyptienne. Il aimerait adresser un rapport à son Gouvernement afin de chercher à réduire les conséquences de l’incident. C’est pourquoi, avant d’adresser au Département une note, il a tenu à venir me voir. A la suite de notre entretien, il enverra un premier rapport au Caire. En outre, il adressera une note au Département pour demander des explications.
J’ai déclaré à l’Ambassadeur que je n’étais pas renseigné. Je lui ai donné connaissance du communiqué publié aujourd’hui même par le Département de Justice et Police6. J’ai confirmé qu’une enquête était ouverte et serait probablement confiée à un juge fédéral, c’est-à-dire à une personnalité dont l’impartialité serait au-dessus de tout soupçon.
En ce qui concerne les bulletins d’écoute, j’ai relevé sans reconnaître qu’en Suisse ce système était pratiqué7, que ce procédé était critiquable et regrettable et que les Gouvernements devraient se mettre d’accord pour l’abolir, ce qui peut être retiré de ces bulletins d’écoute étant en général d’une valeur discutable. J’ai fait allusion au fait qu’au Caire, il y deux ou trois mois, on avait donné connaissance à notre Ministre des télégrammes qu’il avait envoyés à Berne. L’Ambassadeur a souri, sans contester qu’au Caire, les communications de notre Légation avec l’extérieur étaient contrôlées.
L’Ambassadeur s’est exprimé en termes très mesurés et sans émettre aucune critique, si ce n’est à l’égard de la France. Il m’a confirmé qu’il chercherait à réduire au minimum les effets que l’incident pourrait avoir sur les relations entre l’Egypte et la Suisse
L’Ambassadeur de France a succédé à celui d’Egypte. Il était assez excité et m’a dit être «très ému» de ce qui s’était passé. L’entretien a été assez aigredoux. L’Ambassadeur s’est plaint du communiqué du Département de Justice et Police. Il estime que ce communiqué confirme en réalité les informations parues dans la presse qui mettent en cause l’Ambassade de France. L’Ambassadeur me dit ne rien savoir de documents remis à quelqu’un de son Ambassade. Il relève que c’est toujours à la France que la Suisse fait des difficultés et adresse des reproches qui se révèlent ensuite mal fondés. Il a fait allusion à l’affaire douanière dont il avait été question il y a deux ans8 et qui, après un délai assez long, s’était terminée par un communiqué des autorités suisses mettant hors de cause les autorités douanières françaises.
J’ai répondu à l’Ambassadeur que le Département de Justice et Police ne pouvait pas donner un communiqué autre que celui qui a été remis à la presse et qui correspond exactement à la réalité. Le Département ne saurait affirmer aujourd’hui que les informations parues dans la presse sont fausses alors qu’il est au contraire vraisemblable qu’elles sont exactes. Les autorités fédérales ne peuvent pas donner à la presse un démenti qui devrait être annulé dans quelques jours. A une remarque de l’Ambassadeur qu’il a été désagréablement surpris, je réponds que cette surprise désagréable ne peut être causée par l’attitude des autorités suisses, en ajoutant que, de mon côté, je serais très désagréablement surpris si l’enquête en cours révélait que des documents ont été remis par un fonctionnaire suisse à un membre de l’Ambassade de France à Berne.
L’Ambassadeur m’a donné connaissance d’un communiqué destiné par l’Ambassade à la presse. Il m’a demandé si ce communiqué pourrait être remis à la presse par l’intermédiaire du Département politique, pour qu’on ne puisse pas reprocher à l’Ambassade d’avoir donné un communiqué à l’encontre de celui publié par le Département de Justice et Police. Après m’être enquis s’il y avait des précédents, j’ai répondu à l’Ambassadeur qu’il était, à mon avis, préférable qu’il donne lui-même le communiqué à l’Agence télégraphique suisse9.
- 1
- Note: E 2800(-)1990/106/2.↩
- 2
- M. A. C. El Laban.↩
- 3
- E. Dennery.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 111.↩
- 5
- Il s’agit de l’inspecteur de la Police fédérale M. Ulrich. Cette affaire est appelée «Affaire Dubois » du nom du Procureur général de la Confédération, R. Dubois, également mis en cause et qui mit fin à ses jours le 23 mars 1957, cf. DDS, vol. 20, doc. 113. Cf. également le fonds E 4320(B)1992/132.↩
- 6
- Cf. E 4320(B)1992/132/5.↩
- 7
- Cf. note 3.↩
- 8
- Il s’agit vraisemblablement de l’affaire dite «des agents provocateurs français», cf. No 43 dans ce volume.↩
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