Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 129
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#679* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 323 | |
Dossier title | Ottawa, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 8 (1957–1958) |
dodis.ch/11555
J’ai l’honneur de vous faire savoir que j’ai commencé à prendre contact avec les différents membres du nouveau gouvernement conservateur-progressiste canadien2. Ces contacts sont d’autant plus utiles que ce nouveau gouvernement se préoccupe présentement de formuler sa politique et cherche une nouvelle orientation non seulement dans les domaines économique, financier, intérieur, mais également dans la politique extérieure. Il paraît encore fort douteux que le gouvernement réussisse dans cette tâche.
J’ai rendu visite au Ministre du commerce, M. Gordon Churchill, et à ce sujet je me permets de vous renvoyer au rapport que j’ai adressé à la Divison du commerce du Département fédéral de l’économie publique en date du 25 juillet et dont copie a été envoyée au Département politique fédéral3.
Comme je l’ai relevé dans cette lettre, M. Churchill a visité la Suisse en 1936 (Zurich) et il m’a fait part de son désir de pouvoir s’y rendre à nouveau sans trop tarder, soit en mission officielle, soit à titre privé. Son prédécesseur, M. C. D. Howe, a été en Suisse à plusieurs reprises pour participer à des conférences internationales (en particulier GATT à Genève) et on peut s’attendre que M. Churchill fera de même.
J’ai également rendu visite au nouveau chef du Département de l’Intérieur (Secrétaire d’Etat), Mme Ellen Fairclough. A cette occasion, j’ai discuté des quelques cas de séquestre4 qui nous préoccupent depuis plus de 10 ans et dont la liquidation ne paraît pas avancer. J’ai fait rapport à ce sujet à M. le Ministre Stucki5.
J’ai également examiné avec Mme Fairclough les problèmes qui se posent en rapport avec le transfert de domicile de nos entreprises économiques, tel qu’il est prévu par décision du Conseil fédéral du 12 avril 19576. Elle m’a répondu que ces problèmes étaient d’un grand intérêt pour le Canada et qu’elle les étudiera avec la plus grande bienveillance, dès que nous aurons fait quelques progrès dans nos négociations avec le Ministère des Affaires extérieures; ces négociations malheureusement n’avancent que très lentement par suite du fait que ce Ministère est encore sans chef permanent7, ainsi qu’en raison de la réduction du personnel de l’Ambassade.
Mme Fairclough s’est beaucoup intéressée à la structure de notre gouvernement, du Conseil national et spécialement du Conseil des Etats, ainsi qu’à notre système électoral, à notre régime parlementaire, etc. Elle ne connaît pas la Suisse, mais elle espère pouvoir s’y rendre pour s’orienter davantage sur nos institutions et notre démocratie. Elle était assez bien au courant de l’organisation de la Migros et connaît personnellement M. Duttweiler qu’elle a rencontré à plusieurs reprises lorsqu’elle était secrétaire de l’Association des grossistes canadiens.
J’ai aussi rendu visite à M. John Diefenbaker, le nouveau Premier Ministre et Secrétaire d’Etat aux Affaires extérieures, que je connais depuis quelque temps déjà, car il était membre du parlement depuis de nombreuses années et chef de l’opposition. M. Diefenbaker a également montré un grand intérêt à nos institutions. Mme Diefenbaker a visité la Suisse à plusieurs reprises déjà, mais le nouveau Premier Ministre ne la connaît pas. Il m’a dit qu’il comptait s’y rendre à titre privé, pour étudier sur place nos institutions politiques. Je l’ai prié de me faire connaître ses projets à temps, afin que je puisse le munir de lettres d’introduction et lui faciliter ainsi les interviews qu’il cherchera sans doute à prendre. Je lui ai demandé en outre s’il avait l’intention de mettre ses projets à exécution dans un proche avenir, mais il m’a répondu que les travaux d’organisation de son gouvernement le préoccupaient outre mesure en ce moment et qu’il ne lui sera guère possible de visiter notre pays avant l’année prochaine.
L’occasion s’est présentée de lui parler des Conventions de Genève de 19498 et de notre intérêt de les voir ratifiées par le parlement canadien. Je confirme à ce sujet mon rapport du 9 août9 que vous aurez obtenu entre temps.
J’ai également fait part à M. Diefenbaker de tout l’intérêt que nous portions à l’achat d’uranium canadien et à la conclusion d’un accord atomique. Sur ce point, j’ai fait rapport au Délégué aux questions atomiques les 30 juillet10 et 8 août11, avec copie pour le Département politique.
Avec M. George Hees, le nouveau Ministre des Transports, j’ai discuté les projets de la Swissair d’établir un service direct entre Zurich/Genève et Montréal12. Il a exprimé sa grande satisfaction au sujet de ces projets, ajoutant que toute amélioration dans le secteur des transports amenait un rapprochement entre les pays que l’on ne pouvait que considérer comme avantageux.
M. Hees connaît la Suisse assez bien, ayant participé à des matchs de hockey sur glace, du temps où il était étudiant à l’université de Cambridge en Angleterre. Il a ainsi joué contre des équipes suisses de hockey à Davos, Berne et Zurich. Il ajoute qu’il était un fervent du ski et qu’il avait l’espoir de pouvoir se rendre en Suisse l’hiver prochain pour y pratiquer ce sport. Il connaît bien les descentes du Parsenn, d’Arosa et de St. Moritz.
M. Hees a relevé à plusieurs reprises qu’il ne favorisait pas la politique de ses prédécesseurs libéraux, consistant à accorder un monopole aux Trans Canada Airlines. Il désirerait voir s’établir une concurrence sur une base privée, ce qui, à son avis, serait à l’avantage du Canada.
Je n’ai pas voulu entrer dans plus de détails au sujet de la Swissair et des possibilités de développement qui s’offriraient éventuellement à elle en rapport avec la nouvelle ligne projetée pour Montréal, étant donné que je n’ai pas été suffisamment documenté sur la politique aérienne suisse, malgré mes demandes réitérées auprès de l’Office fédéral de l’air. Il est à craindre d’ailleurs que M. Hees se heurtera aux accord très restrictifs que le Canada s’est vu contraint de signer avec les Etats-Unis d’Amérique concernant l’établissement de lignes aériennes sur le continent de l’Amérique du Nord. Je reverrai M. Hees ces prochains jours.
Je compte aller voir encore les autres nouveaux membres du cabinet avec lesquels nous avons des problèmes à discuter. Mais, pour le moment, le successeur de M. L. B. Pearson, ancien Ministre des Affaires extérieures, n’a pas encore été nommé. Le Premier Ministre conserve cet important portefeuille provisoirement entre ses mains. Il semble rencontrer certaines difficultés à trouver un homme qualifié comme chef de ce département13.
J’ai également eu un entretien avec le Ministre des Finances, M. Donald M. Fleming, qui comme presque tous ses collègues est Canadien anglais, mais qui en revanche parle bien le français. Il s’intéresse surtout aux investissements suisses au Canada qu’il approuve sans hésitation, car ils forment un certain contrepoids aux énormes investissements des Etats-Unis au Canada.
Avec le nouveau Ministre de la Justice, M. E. Davie Fulton, que je connaissais également déjà auparavant, nous n’avons pas trop de problèmes à discuter.
D’une conversation que j’ai eue avec le Général G. R. Pearkes, Ministre de la Défense nationale, il ressort que ses collègues s’attendent à une réduction importante du budget militaire, qui leur permettrait de remplir les promesses faites pendant la campagne électorale et au sujet desquelles je vous ai déjà fait rapport. Il s’agit surtout de l’augmentation des traitements des fonctionnaires, de la majoration des pensions de vieillesse, de la réduction des impôts directs et indirects, de l’octroi des subsides aux producteurs de blé. Or, les fonds nécessaires pour remplir ces promesses ne sont pas disponibles. M. Pearkes m’a dit qu’il était responsable de la défense du pays et qu’il lui paraissait impossible de réduire son budget, bien que celui-ci absorbe 35 à 40% des recettes de l’Etat et s’élève à un montant de près de deux milliards de dollars par an. Sans doute, a-t-il ajouté, les nouvelles armes nucléaires exigent-elles une nouvelle orientation de la défense du pays et de l’organisation de l’armée, mais pour le moment il ne voyait vraiment pas de quelle façon une réduction du budget de son département pourrait s’effectuer. Il a précisé que tous ces problèmes étaient néanmoins encore à l’étude. De son côté, il m’a demandé des renseignements sur la manière de voir ces problèmes en Suisse.
J’ai également discuté de ces questions avec le chef de l’Etat-major général14, qui n’a pas changé et qui m’a dit que tout naturellement il se voyait contraint d’insister sur la nécessité de ne pas réduire le budget militaire. Il ne croit pas que le nouveau ministre de la Défense accepterait d’exposer le Canada aux risques d’une amputation du budget militaire. La plupart des dépenses prévues à ce titre revêtent un caractère fixe, ainsi pour l’armement avec les nouvelles armes, y compris l’aviation, pour l’OTAN, pour les trois lignes de radar transversales en construction dans le nord du Canada, etc.
- 1
- E 2300(-)-/9001/323.↩
- 2
- Les élections ont eu lieu le 10 juin 1957. Le parti conservateur-progressiste a obtenu une majorité relative, cf. le rapport politique No 12 de V. Nef du 18 juin 1957, non reproduit.↩
- 3
- Cf. le rapport de V. Nef à la Division du Commerce du DFEP du 25 juillet 1957, E 2001(E)1978/84/571.↩
- 6
- Cf. l’Arrêté du Conseil fédéral protégeant par des mesures conservatoires les personnes morales, sociétés de personnes et raisons individuelles du 12 avril 1957, RO, 1957, pp. 337–349.↩
- 7
- Le Ministère des Affaires extérieures a été dirigé du 21 juin au 13 septembre 1957 par le Premier Ministre J. G. Diefenbaker. A partir du 13 septembre 1957 S. Smith a pris en charge le poste de Secrétaire d’Etat aux Affaires extérieures, cf. E 2001(E)1970/217/75.↩
- 8
- Sur la question des Conventions de Genève de 1949, cf. le procès verbal concernant la Conférence diplomatique pour l’élaboration de conventions destinées à protéger les victimes de la guerre, du 1er avril 1949, E 1004.1(-)-/1/504 (dodis.ch/3069) et la ratification des Conventions de Genève du 24 mars 1950, E 1004.1(-)-/1/515 (dodis.ch/7181).↩
- 9
- Cf. le rapport de V. Nef à M. Petitpierre du 9 août 1957, E 2003(A)1978/29/275.↩
- 12
- L’accord entre le Gouvernement du Canada et le Conseil fédéral suisse, relatif aux services aériens a été signé à Berne le 10 janvier 1958, cf. RO, 1961, pp. 1095–1103 (dodis.ch/10479) et E 2003(A)1971/44/189.↩
- 13
- Cf. note 6.↩
- 14
- Lt. Gen. H. D. Graham.↩