Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 20, doc. 27
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001E#1970/217#3743* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(E)1970/217 190 | |
Titre du dossier | Schweizer in der französischen Fremdenlegion (1955–1957) | |
Référence archives | B.37.10 • Composant complémentaire: Frankreich |
dodis.ch/11517
Dans une lettre d’aujourd’hui concernant le légionnaire Hermann Hostettler, je vous ai cité un passage des lignes qu’il m’a écrites après son arrestation. «Wir wurden schwer verhört» dit-il en parlant de lui et de son compatriote Melet3, «aber keiner sagte was, dass wir bei dem Konsul waren». Cela veut dire qu’exerçant sur eux des sévices corporels, on avait cherché à savoir avec qui ils avaient été en contact pendant leurs dix jours d’absence et qui se serait fait complice de leur fuite.
A réflexion, il est clair que, si ces deux jeunes gens avaient cédé à la pression qui était faite sur eux, ils auraient dû avouer qu’ils s’étaient présentés à plusieurs reprises au Consulat, que je m’étais occupé d’eux, que, sur instructions demandées télégraphiquement à Berne4, on leur aurait vraisemblablement remis passeport et viatique et qu’en attendant, on leur avait donné un peu d’argent pour se nourrir.
Autrement dit, les Autorités françaises auraient pu apprendre, à cette occasion-là, que le Consulat de Suisse en Algérie n’était pas étranger à certains cas de désertion.
Je constate que, jusqu’à présent, nous avons agi de cas en cas, d’entente avec le Département, mais sans principes bien déterminés et sans toujours mesurer les conséquences que pourrait avoir notre entremise dans la tentative d’évasion d’un légionnaire.
Il me paraît dès lors souhaitable que les questions que peut soulever la désertion de nos nationaux de la Légion étrangère fassent, de votre part, l’objet d’un examen attentif et, le cas échéant, d’instructions pour l’avenir.
Il est un point, en particulier, sur lequel je désirerais être fixé: dois-je, par principe, prêter mon secours à des tentatives de désertion?
Si l’engagement dans un service militaire étranger constitue chez nous un acte civiquement condamnable et qu’au demeurant la loi suisse sanctionne, il n’en est pas moins vrai que la désertion, en tant que telle, constitue également un acte peu honorable en soi. Il est donc permis de se demander si la position morale du Consulat est compatible avec le concours qu’il pourrait accorder dans des cas de désertion et si, d’une manière générale, nous ne risquons pas d’affaiblir notre position dans les démarches que nous tentons de faire auprès du Commandement de la Légion étrangère directement.
Subsidiairement, si mon concours doit être prêté, jusqu’où doit-il aller?
Etablir un passeport ne constitue certes qu’un acte administratif. Avancer de l’argent à un Suisse de passage qui en est complètement démuni entre encore dans les attributions du Consulat. Mais, procurer des vêtements civils à un déserteur, lui prendre ou lui réserver des places de bateau ou d’avion, lui accorder l’hospitalité du Consulat pendant les heures du bureau et s’occuper de lui trouver un gîte sûr pour la nuit, sont autant d’actes qui relèvent de la complicité, telle que la sanctionne le Code de justice militaire français. Pourtant, nous les avons accomplis dans certains cas pour mettre le maximum de chance dans la tentative d’évasion, au risque de nous compromettre gravement.
Si, à première vue, la réponse aux deux questions posées semble devoir être négative, pour des raisons de droit et de morale, irions-nous, à l’encontre de notre solidarité nationale, jusqu’à refuser aide au déserteur suisse qui viendrait se présenter au guichet de mon Consulat?
Je pense, au contraire, que le Consulat, sans se compromettre au point décrit plus haut, devrait lui donner la chance de regagner la Suisse. Cependant, l’aide que nous pourrions lui accorder devrait, à l’exclusion de tout autre concours de notre part, se limiter uniquement à l’octroi d’un passeport et à une avance d’argent. Autrement dit, notre aide devrait se limiter à celle que nous apportons aux personnes suisses qui, dans certains cas, ayant perdu papiers et argent, sollicitent leur rapatriement. Du côté français, le reproche de commettre des actes autres que ceux qui entrent normalement dans les attributions d’un consulat ne pourrait pas nous être adressé.
Toutefois, comme le facteur temps est aussi important que l’octroi même du passeport et du viatique, il faudrait que je puisse agir sans en référer préalablement à la Centrale5. Les cas Hostettler et Melet illustrent les conséquences que peuvent entraîner certains retards.
Tout autrement pourraient être envisagés les cas de désertion des légionnaires suisses qui étaient encore mineurs au moment de leur engagement. (A noter toutefois que certains ont signé en donnant un autre âge que le leur.)
De mon avis, on devrait pouvoir faire une distinction entre les engagés majeurs et les engagés mineurs, en prêtant un plus grand concours à ces derniers. En effet, ne pourrait-on pas admettre que le principe de favoriser la désertion des engagés mineurs n’est qu’une réplique au témoignage de mauvaise volonté que nous donne la France, en refusant de reconnaître pour non valable l’engagement d’un Suisse mineur, alors même que le Code civil français dit bien que la capacité de l’étranger en France est régie par sa loi nationale?
Les combats dans l’Aurès et en Kabylie sont beaucoup plus meurtriers que ne le disent les journaux. Les tués et les blessés parmi les légionnaires engagés dans ces combats sont nombreux, paraît-il. Il est probable que, voyant la mort de si près, plusieurs Suisses sous l’uniforme français penseront préférable de sauver leur peau en désertant. Comme le premier souci de celui qui déserte est de rallier au plus vite le Consulat et de me demander de lui aider à fuir, je voudrais être parfaitement au clair sur les devoirs qui m’incombent.
Je vous remercie donc de vouloir bien vous pencher sur les problèmes que je me suis permis de vous exposer6.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1970/217/190.↩
- 2
- Note manuscrite de Zehnder en tête du document: M’en parler.↩
- 3
- Cf. E 2001(E)1970/217/195 ainsi que E 2200.73(-)1973/142/2.↩
- 4
- Cf. le télégramme No 5 du Consulat de Suisse à Alger au DPF du 24 août 1955, ibid.↩
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