Die Unterzeichnung der Abkommen zwischen Spanien und den USA führt in der spanischen Bevölkerung und in der offiziellen Meinung zu Reaktionen. Bemerkungen eines hohen spanischen Funktionärs über die Schweizer Neutralität.
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 19, Dok. 72
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#535* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 262 | |
Dossiertitel | Madrid, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 19 (1953–1954) |
dodis.ch/10262
La conclusion de l’Accord avec les Etats-Unis avait si souvent été ajournée qu’on commençait à douter de sa réalisation. Aussi la signature soudaine des trois traités a-t-elle été accueillie avec un certain étonnement2. Pourquoi estelle intervenue si brusquement? Cette hâte intrigue d’autant plus que certains points importants semblent n’avoir pas été définitivement éclaircis. Les bases dont les Américains doivent assurer l’établissement en Espagne et qui étaient l’enjeu des pourparlers ne sont pas encore indiquées. Dans certains milieux on prétend même qu’elles ne sont pas définitivement fixées.
Selon une personne qui est très proche du Gouvernement, la décision d’aboutir a été prise lors du dernier Conseil des Ministres que Franco a tenu en septembre à Saint-Sébastien. La situation économique du pays rendait nécessaire l’apport des dollars que l’on escomptait depuis si longtemps. Selon cet informateur, le Généralissime aurait décidé d’en finir le plus rapidement possible et aurait donné des ordres pour que l’Ambassadeur d’Amérique, Mr. Dunn, en vacances hors d’Espagne, revînt incessamment pour un échange de vues décisif. Ainsi fut fait, mais alors que Mr. Dunn était encore en voyage, le Chef du Gouvernement jugea plus expéditif d’adresser une lettre personnelle au Président Eisenhower. Cette lettre aurait été conçue en des termes si habiles et convaincants que le Président des Etats-Unis aurait immédiatement convoqué Mr. Dunn aux Etats-Unis où la décision finale aurait été arrêtée. Cette explication paraît plausible. Les finances espagnoles ont effectivement besoin d’une injection de forces nouvelles et les Américains, de leur côté, n’avaient pas de raisons de se dérober à l’Accord en discussion depuis si longtemps. Tergiverser eût même été à fins contraires et des voix au Congrès auraient pu invoquer la détente réelle ou illusoire de la politique internationale pour demander un ajournement «sine die» de l’arrangement avec l’Espagne. Or, les militaires américains considéraient comme nécessaire de combler le vide que formait la péninsule ibérique dans le dispositif défensif de l’Europe. L’ensemble de ces raisons aurait incité les partenaires à conclure.
L’opinion officielle en Espagne démontre beaucoup d’enthousiasme. La presse, inspirée par le Gouvernement, proclame que le peuple espagnol a négocié en sauvegardant son honneur et sa liberté sans que Franco ait cédé une parcelle de la souveraineté nationale. On souligne d’autre part que l’Espagne est restée fidèle à ses propres convictions, c’est-à-dire au point de vue qu’elle avait en 1946 et qui lui a valu l’hostilité presque générale car elle était contraire aux vues politiques de Moscou et de nombreux autres pays qui s’employèrent, plus ou moins consciemment, à mobiliser l’opinion publique mondiale contre Franco3. Toutefois, grâce à son inébranlable position anticommuniste, l’Espagne a peu à peu gagné la confiance des Etats-Unis, dès que ce pays se mit à discerner les intentions occultes du Kremlin. La presse espagnole conclut en disant qu’un peuple, qui a su vaincre le communisme sur son sol et résister ensuite à toutes les pressions extérieures, ne peut qu’être un bon allié. Tels sont les commentaires officiels.
L’opinion générale du pays ne partage guère cette jubilation. L’Espagnol a toujours considéré qu’il était injuste de le mettre à l’écart après la guerre et il ne ressent aucune reconnaissance pour une réhabilitation qu’il considère comme naturelle et tardive. Dans le peuple, les Américains ne sont pas populaires. Un ouvrier me disait: «Nous n’aimons pas beaucoup les Français ni les Anglais mais nous n’aimons pas du tout les Américains car ils veulent profiter de leur puissance matérielle pour dominer le monde. Nous nous étions bien tirés d’affaire sans eux jusqu’ici, pourquoi faut-il leur demander une aumône? On parle d’entraide mais probablement nous aurons à donner de notre sang plus tard. Tout cela pour des dollars ce n’est pas très digne.» Certains militaires de leur côté, bien qu’ils apprécient la possibilité d’un renforcement de l’armée, voient avec souffrance venir le jour où des soldats américains fouleront le territoire national et, en dépit des apaisements qui ont été donnés, auront leur mot à dire dans la conduite des opérations. On entend déjà prononcer le terme de «troupes d’occupation».
Les commerçants enfin ne sont pas plus enthousiastes. Du moment que le 60% de l’Accord américain sera utilisé pour des buts exclusivement militaires, que le 30% sera à peu près à disposition du Gouvernement espagnol et que le 10% sera imputé à des dépenses administratives, ils ne voient guère comment ces fonds pourront donner plus d’essor à l’économie du pays. Ils craignent au contraire, en exagérant probablement ce danger, que la présence de soldats et surtout de fonctionnaires américains et de leurs familles en Espagne ait pour conséquence de provoquer une inflation qui, à l’heure actuelle, est déjà menaçante. Ils se demandent au surplus par quel procédé le Gouvernement espagnol bloquera dans un compte spécial la contrevaleur en pesetas des dollars américains. S’il s’agit de faire fonctionner la planche à billets, comment éviter une dévaluation? En effet, les dollars ne constitueront pas une couverture puisque leur destination est déjà arrêtée.
L’ensemble de ces considérations populaires contrarie quelque peu le Gouvernement qui s’attendait à une réaction plus positive. C’est sans doute pour ce motif que le Général Franco a fait, dans son message aux Cortès, un exposé dans lequel il explique la genèse des accords qui, dit-il, coïncident avec la politique extérieure suivie par le régime depuis la guerre civile jusqu’à présent et qui tend à «servir la puissance, la grandeur et le progrès de la Nation en interprétant loyalement la volonté et les aspirations du peuple espagnol». Le Caudillo dans ce message relève que pendant les périodes difficiles, l’Espagne a conservé des relations amicales avec toutes les nations et qu’elle a même renforcé ses liens avec le Portugal. Seuls les rapports avec la Grande-Bretagne ont déçu les espoirs que l’on croyait permis et les tentatives de rapprochement faites par l’Espagne furent accueillies avec incompréhension. En conclusion, le Chef de l’Etat se déclara heureux de savoir que son pays n’avait pas la moindre responsabilité dans les erreurs commises et dans les tribulations qui ont assailli tant de nations de l’Europe.
Est-ce pour infuser de l’optimisme au peuple que le 1er octobre, jour anniversaire de l’accès au pouvoir de Franco4, une cérémonie plus brillante que de coutume fut organisée? J’eus l’occasion de contempler la file de trois mille hauts fonctionnaires de l’Etat qui passaient dans la salle du trône devant le Caudillo debout sous le dais, pour lui apporter leur hommage. Costumes d’apparat, uniformes, toges et camails se succédaient sans interruption, ne faisant qu’un bref arrêt devant le Chef de l’Etat qui, au garde à vous, recevait avec impassibilité ces témoignages en service commandé. Le Gouvernement, pour la circonstance, avait décrété la fermeture des fabriques et des bureaux pendant quelques heures. Cette mesure ne fut pas vaine car une masse compacte, bien qu’assez inerte, encombrait les abords du Palais. Les journaux parlèrent d’une démonstration fougueuse du peuple pour son chef. Les échos n’en parvinrent pas jusqu’au corps diplomatique qui était sur place.
Les divers commentaires locaux sur l’accord avec les Etats-Unis reflètent des raisons qui sont presque toujours d’ordre sentimental. En réalité, l’Espagnol réfléchi reconnaît qu’il s’agit d’un succès remarquable et que le jugement des pays étrangers à cet égard est plus juste que celui du peuple intéressé lui-même. J’ai eu un long entretien avec un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères dont la science juridique unanimement reconnue s’allie à un sens politique avisé. Il reconnut d’emblée que l’Espagne ne pouvait plus prétendre à la neutralité au sens classique de ce terme mais, me dit-il, la neutralité est-elle encore possible dans le monde actuel? «Vous autres Suisses vous avez échappé à deux guerres et il est vrai que votre neutralité vous a épargné en grande partie le sort de pays moins heureux mais à vrai dire géographiquement plus exposés. La neutralité sans l’appui géographique ne saurait plus guère se concevoir; d’ailleurs l’exemple de la Belgique et de la Hollande le prouve. La Suisse a ses montagnes et ses tunnels. En plus, elle a su tisser patiemment tout un réseau d’institutions d’entraide qui rend service aux belligérants. Il s’agit donc de tout un système et non plus d’un concept dont un pays pourrait se prévaloir de manière inopinée ou occasionnelle. L’Espagne, ajouta-t-il, aurait bien, par sa position géographique, une situation lui permettant de conserver une certaine neutralité mais sa profession de foi anticommuniste, qui n’a pas varié depuis 1936, l’empêche absolument de ne pas s’associer au mouvement de défense de l’Europe contre les entreprises du Kremlin. Si l’on ne peut parler de neutralité en ce qui concerne l’Espagne, on peut en revanche souligner qu’il s’agit d’un accord où elle sauvegarde sa liberté. Nous sommes, ajoutait-il, partenaires des Etats-Unis et non pas satellites. Tous les pays d’Europe ne peuvent en dire autant.»
Je me réserve de revenir sur l’ensemble du problème lorsque les esprits se seront reposés et que les effets pratiques des accords pourront mieux êtres discernés. Dès maintenant je vous en envoie ci-joint le texte officiel5.
- 1
- E 2300(-)-/9001/262.↩
- 2
- Pour le texte de ces accords (Mutual Defence Assistance Agreement, Economic Aid Agreement et Defence Agreement), signés à Madrid le 26 septembre, cf. E 2300(-)-/9001/262.Sur ces accords, cf. aussi E 2001(E)1969/121/249.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 16, doc. 106, dodis.ch/1702(dodis.ch/1702).↩
- 4
- En 1936, à la tête des autorités de Burgos.↩
- 5
- Non reproduit, cf. note 1.↩
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Vereinigte Staaten von Amerika (USA) (Politik) Neutralitätspolitik