Nous recevons de notre Légation à Washington le télégramme ci-joint2 nous informant que la délégation des États-Unis soulèvera la question du droit de vote des États non membres mais représentés par des observateurs dans la Commission économique pour l’Europe.
La question est déjà ancienne. Elle a été soulevée régulièrement par l’Union Soviétique, la Pologne et la Tchécoslovaquie au cours des années précédentes. N’étant pas membres des Nations Unies, 8 États qui participent aux travaux de la Commission économique pour l’Europe n’y ont pas droit de vote. Ce sont la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, l’Albanie, l’Italie, l’Autriche, la Finlande et la Suisse. Sans doute les pays de l’Europe orientale espéraient-ils renforcer leur position lors des votes puisque quatre de ces huit États font partie du camp communiste, alors que sur les quatre autres la Suisse et, dans une certaine mesure, la Finlande et l’Autriche, ne suivraient pas forcément le camp occidental. Leur tentative s’est heurtée à l’opposition des autres pays. Ceux-ci ont fait valoir que le droit de vote était lié à la qualité de membre et qu’il n’était pas justifié en conséquence de l’accorder aux États non membres.
Pour notre part, nous avons toujours déclaré que nous ne refuserions pas le droit de vote s’il nous était offert; toutefois, nous ne le demandons pas. Nous considérions en effet pouvoir collaborer utilement avec la CEE même sans l’avoir. Le droit de vote s’exerce d’ailleurs plus sur des questions politiques que techniques et nous serions souvent embarrassés de prendre position si nous avions à le faire. Le problème a été réglé en 1952 en ce sens que le Conseil économique et social a autorisé les comités techniques de la CEE, mais pas la Commission économique elle-même, à accorder le droit de vote aux États non membres.
L’initiative actuelle des États-Unis est fâcheuse. Les deux solutions qu’elle nous offre comportent chacune des inconvénients. Si les États-Unis demandent que la Suisse ait le droit de vote comme l’Italie, nous sommes englobés dans le bloc occidental; si au contraire les États-Unis ne font pas mention de la Suisse, nous sommes rejetés dans l’autre bloc. De toute façon, nous risquons d’être dans une position moins indépendante que nous ne l’avons été jusqu’à maintenant. Il me semble que, dans ces conditions, nous devrions chercher à dissuader les Américains de poursuivre leur idée. J’ai préparé à cet effet le projet de télégramme ci-joint3 que je me permets de soumettre à votre approbation.