Bericht über eine Dienstreise des Schweizer Konsuls bei zwei Schweizer Familien, die Wiederaufnahme der Kämpfe der Fellagas, die Abreise der Franzosen und Schweizer, die unbestrittene Popularität der Schweiz in Tunesien, die Präsenz von rund 50'000 französischen Soldaten und die Angst der Schweizer vor der Übergabe der Rechtssprechung in tunesische Hände.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 143
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-05#1970/245#732* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-05(-)1970/245 30 | |
Dossier title | Protection des Suisses en Tunisie (1954–1957) | |
File reference archive | B.31.0.2 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1970/217#5997* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1970/217 301 | |
Dossier title | Tunesien (1954–1956) | |
File reference archive | B.73.0.0.1.(3) • Additional component: Frankreich |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1973/157#13* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1973/157 2 | |
Dossier title | Tunesien (1954–1960) | |
File reference archive | B.51.30 • Additional component: Tunesien |
dodis.ch/9425 SÉCURITÉ MATÉRIELLE ET JURIDIQUE DES RESSORTISSANTS SUISSES EN TUNISIE
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que, conformément à la faculté que m’a conférée le Département politique dans sa lettre du 6 décembre écoulé2, j’ai effectué les 26 et 27 de ce mois un voyage de service auprès de deux familles suisses domiciliées dans la région du Kef, voisine de la frontière algérienne.
Selon des rumeurs persistantes en effet, provenant surtout de cette contrée, la population européenne semblait craindre de plus en plus la reprise de l’activité des fellagas. Ainsi, on signalait quelques attaques de fermes et de personnes isolées; on apprenait également que les autorités militaires, sensibles à ces nouvelles, avaient décidé de mettre leurs troupes en état d’alerte. Un de nos compatriotes, M. Lugeon fils qui, l’an dernier, avait été blessé par les dissidents tunisiens, m’a fait part lors de son récent passage au Consulat, qu’un lieutenant français lui avait remis «en cachette» il y a quelques jours des grenades pour lui permettre de se défendre si cela devait être à nouveau nécessaire. Enfin, certains signes dans l’attitude indigène pouvaient, paraît-il, encore renforcer cette inquiétude qui depuis la reddition de décembre avait pourtant cédé le pas a un large sentiment d’apaisement.
En me rendant sur place, j’ai pu constater que les autorités françaises, qui avaient depuis l’été dernier pris un ensemble de mesures propres à parer à certaines éventualités, ont maintenu et même renforcé leurs dispositifs. Tout le village du Kef est actuellement occupé par des militaires. En cours de route, j’ai rencontré une colonne de 6 tanks légers. L’aviation donnerait aussi son appui à des actions sur lesquelles le secret est gardé. Toutes les fermes appartenant à des non-indigènes sont militairement protégées.
La propriété de M. Bernasconi et celle de M. Lugeon3, isolées au milieu d’une plaine, sont pourvues d’un groupe de soldats armés d’une mitrailleuse et de mitraillettes. Une sentinelle fait constamment le guet, tandis que les autres hommes, qui ont installé de petites fortifications de campagne (sacs de sable, murs en pierre, barbelés), continuent à les perfectionner. Je tiens à préciser que la famille Bernasconi n’habite pas leur ferme, mais a pris domicile dans la maison de famille se trouvant au Kef et où elle se sent parfaitement en sécurité. Par prudence, les frères Bernasconi ont évité de se rendre dans les champs situés dans une région quelque peu éloignée; les travaux y sont exécutés par les indigènes sous la surveillance d’un contre-maître tunisien. Quant à la famille Lugeon, elle évite également de circuler hors des grandes routes; elle est d’ailleurs domiciliée dans le village d’Ebba-Ksour, laissant le domaine sous la garde des soldats français. Il est naturellement difficile de savoir dans quelle mesure les craintes énoncées sont vraiment fondées. Quoi qu’il en soit, le renforcement quasi massif des forces militaires dans cette région, comme du reste dans toute la Régence, fera réfléchir les groupes demeurés insoumis avant qu’ils ne passent à l’attaque soit d’une ferme gardée, soit même d’un village, ainsi que la rumeur leur en avait prêté l’intention.
Il est intéressant de noter que ce sentiment d’insécurité est sujet à des variations assez sensibles d’une semaine à l’autre. Autant les inquiétudes étaient-elles vives il y a une dizaine de jours, autant elles paraissent dissipées depuis cette fin de semaine. La population non-indigène est ainsi soumise à des influences opposées qui, suivant les circonstances, la rendent optimiste ou pessimiste. Beaucoup ne résistent pas à cet état de choses et, en particulier, les colons français commencent à quitter le pays. Nos compatriotes n’échappent pas, il faut le dire, à cette ambiance déprimante. Ils se demandent s’ils doivent rester ou, au contraire, transférer d’ores et déjà tout ou partie de leur patrimoine dans un pays plus sûr. Pour se réconforter, certains se disent volontiers que les Tunisiens feront peut-être une différence entre eux et les colons français. Ils cherchent de cette manière à se donner confiance en constatant qu’ils jouissent auprès des travailleurs indigènes d’une considération fondée sur les égards qu’ils ont toujours eus envers eux. Sans vouloir trop faire fond sur des idées de ce genre, on doit relever que notre pays bénéficie en Tunisie d’une indiscutable popularité. D’autre part, la situation n’est pas compromise au point que ces colons ne puissent pas, en marquant une présence efficace et fructueuse, surmonter les difficultés présentes. Au reste, une constatation semble actuellement dominer la situation: l’action des fellagas a débuté alors qu’il y avait 2000 hommes de troupes en Tunisie, aujourd’hui il y en a 50’000, ce qui a permis à la France d’entreprendre une action de plus en plus pressante et efficace pour maintenir l’ordre et la sécurité.
Notons à ce propos que tant M. Lugeon que M. Bernasconi n’ont formulé aucune plainte, mais au contraire ont exprimé leur reconnaissance envers les autorités françaises qui s’emploient d’une façon très attentive à les protéger. De fait, on ne peut manquer d’être impressionné en voyant sur place ces fermes suisses gardées par des soldats français qui – soit dit en passant – déclarent être heureux de le faire. En comparant ces mesures à celles qui ont été appliquées à des ressortissants français, on ne peut pas s’empêcher de penser que les autorités résidentielles ont désiré marquer un soin particulier pour la protection de nos compatriotes, surtout depuis qu’elles ont à leur disposition les moyens nécessaires. C’est ainsi que M. Bernasconi m’a confirmé que lors des dernières récoltes un détachement de quelque 30 hommes avait été affecté à sa ferme pendant plus de quatre semaines, avec tout le matériel (mitrailleuses montées, etc.), lequel, sur route, faisait avec ses propres machines agricoles une colonne longue de plus de 2 km.
Ces constatations m’ont amené à me demander s’il n’était pas opportun de laisser entendre peut-être au cours d’une démarche de votre Légation auprès du Ministère des Affaires étrangères, la satisfaction ressentie à propos des mesures que les autorités résidentielles ont prises en vue d’assurer la sécurité de nos compatriotes agriculteurs les plus exposés. Il n’est pas exclu qu’une telle démarche aurait éventuellement un écho favorable auprès du Résident Général4, ce qui ne laisserait pas de me faciliter mes propres interventions au cas où des circonstances subitement aggravées et toujours encore possibles devaient les rendre très pressantes.
En même temps et pour le cas où cela n’aurait pas encore été fait, ce serait peut-être l’occasion de signaler à ce Ministère, si toutefois vous deviez l’estimer opportun – et sur ce point je me réfère à mon rapport du 17 décembre5 dernier au sujet de l’opportunité de démarches éventuelles relatives au statut de nos compatriotes en Tunisie –, l’intérêt avec lequel les négociations franco-tunisiennes ont été suivies en tant qu’elles concernent le statut en cause, notamment les problèmes de la justice et de la police, ces deux questions touchant à la sécurité des Suisses dans la Régence. Ces derniers n’ont pas caché leur souci de voir la justice passer en mains tunisiennes. Ils savent combien l’administration indigène est sujette à des influences, ce qui la rendait bien difficilement capable d’assurer l’application des lois avec toutes les garanties de bonne justice. D’autre part, si la police devait être exercée par les gens du pays, nos ressortissants pourraient être exposés à des actes arbitraires et discriminatoires, surtout s’ils devaient entrer en conflit avec les indigènes.
Les autorités britanniques et italiennes auraient récemment entrepris par l’entremise de leur Ambassade à Paris des démarches dans ce sens auprès du Gouvernement français. Toutefois, il faut observer que ces pays avaient peut-être en l’occurrence leurs raisons particulières de le faire. Il s’agissait notamment de donner un argument de plus aux négociateurs français pour s’opposer à certaines revendications tunisiennes dans les domaines en cause. Il n’est pas certain que la Suisse ait le même intérêt, d’autant plus qu’une démarche très directe jetant une suspicion sur la future administration tunisienne ne manquerait pas d’éveiller une sorte de méfiance dans l’esprit de ces indigènes, méfiance qu’il serait peut-être difficile d’effacer dans ses effets lorsque par la force des choses l’administration du Bey élargira de plus en plus le cercle de ses compétences. Mais d’un autre côté, je pense qu’il pourrait être utile de s’assurer derechef auprès du Gouvernement français que les droits de nos compatriotes soient sauvegardés.
Vous m’obligeriez vivement en me faisant part des remarques que les divers points abordés dans le présent rapport seraient éventuellement à même de vous suggérer6.
- 1
- Rapport (Copie): E 2200.41(-)1970/245/30.↩
- 2
- Non retrouvée.↩
- 3
- Un membre de cette famille, Claude Lugeon a déjà été victime d’une attaque et sérieusement blessé le 13 juin 1954, cf. E 2001(E)1969/121/166.Sur cette affaire ainsi que sur la situation des Suisses en Tunisie, cf. le rapport de H. Voirier à A. Zehnder du 16 juillet 1954, E 2001(E)1973/157/2 (dodis.ch/9426).↩
- 5
- Cf. le rapport de L. B. Guillaume à la Légation de Suisse à Paris du 17 décembre 1954, E 2001(E)1973/157/2.↩
- 6
- Cf. la lettre de P. A. von Salis au Département politique du 31 janvier 1955, non reproduite. Une copie de cette lettre est envoyée au Consulat de Suisse à Tunis.↩
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