Besprechung mit US-Botschafterin Willis betreffend die Erhöhung der amerikanischen Zölle auf Produkte der Uhrenindustrie. Schweizer Protest.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 118
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1967/61#106* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1967/61 68 | |
Dossier title | Horlogerie (1954–1954) | |
File reference archive | 27 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#122* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 20 | |
Dossier title | Etats-Unis d'Amérique : Leland Harrison, John Carter Vincent, Richard Cunningham Patterson, Frances Elizabeth Willis, Henry J. Taylor, Reams (1945–1960) | |
File reference archive | 342.20 |
dodis.ch/9215
Notice du Chef du Département politique, M. Petitpierre1
ENTRETIEN AVEC MISS WILLIS, AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS, LE MERCREDI 28 JUILLET 1954, À 11 HEURES
J’ai prié ce matin Miss Willis de venir me voir au sujet de la décision du Président Eisenhower de majorer les droits de douane sur les produits de l’industrie horlogère2.
Je déclare d’emblée à Miss Willis que le Conseil fédéral s’élève avec vigueur contre la décision du Gouvernement américain de majorer les droits de douane sur les montres, et qu’il considère cette mesure comme «injustifiée et injustifiable»3. Je précise qu’elle est en contradiction avec l’accord intervenu entre la Suisse et les Etats-Unis le 13 octobre 1950 sur la clause échappatoire4. Celleci obligeait le Gouvernement américain à aviser le Gouvernement suisse par écrit de la mesure qu’il envisageait de prendre et à lui donner ainsi la possibilité d’examiner avec lui cette mesure ainsi que les compensations qui pourraient être accordées à la Suisse.
En outre, la clause échappatoire ne peut être appliquée qu’au cas où les importations d’un pays dans l’autre portent ou menacent de porter un préjudice sérieux à l’industrie nationale de ce dernier pays. Les bénéfices réalisés par les fabriques d’horlogerie américaines démontrent que cette condition n’est pas remplie. Le Gouvernement américain explique sa décision par les nécessités de la défense nationale. Cette explication est en réalité un «prétexte»5 invoqué pour essayer de justifier une décision dont les motifs sont de pure politique intérieure. J’ajoute que, comme je l’ai dit récemment à Londres à M. Stassen6, notre opinion publique considérera la décision prise comme un geste inamical des Etats-Unis à l’égard de la Suisse. Les Etats-Unis ont peutêtre dans notre pays leurs meilleurs amis, des amis qui ne sont pas en même temps des obligés. Il peut être indifférent aux Etats-Unis de perdre l’amitié de la Suisse (Miss Willis proteste), mais indépendamment des conséquences graves entre nos deux pays, elle risque d’avoir des répercussions encore beaucoup plus sérieuses sur un plan plus général. Elle est en évidente contradiction avec les principes de liberté dont le Gouvernement et les représentants des Etats-Unis dans les conférences internationales se sont toujours faits les champions. Il est décevant de constater que le jour où l’application de ces principes présente des inconvénients pour les Etats-Unis, le Gouvernement américain y déroge. Cette décision est au surplus difficilement conciliable avec la lutte que les Etats-Unis déclarent vouloir mener pour le relèvement du niveau social des peuples et contre l’extension du communisme7. Ce n’est pas par des mesures militaires qu’on peut lutter efficacement contre ce dernier. Je rappelle qu’en 1952 les conditions n’étaient guère différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui, lorsque le Président Truman s’est opposé à une majoration des droits de douane bien que celle-ci lui fût recommandée par la Commission des tarifs8. Je souligne enfin que l’opinion publique et la presse suisses s’en prendront vivement à la décision du Gouvernement américain. Le Conseil fédéral pense que le mal qui a été fait par cette décision sera difficilement réparable.
Je demande à Miss Willis de prier son Gouvernement d’examiner si la décision prise ne peut pas être reconsidérée ou, à défaut, s’il ne peut pas être prévu que cette décision a un caractère temporaire et sera rapportée à brève échéance. La question des compensations devra faire l’objet de négociations9. Sauf erreur, des contacts ont déjà été pris à cet égard entre l’Ambassade des Etats-Unis et la Division du commerce10. Enfin, dans la question des «adjustments»11, le Gouvernement américain aurait la possibilité de provoquer un certain apaisement en faisant une déclaration claire selon laquelle les dispositions actuelles en matière d’«adjustments» ne seront pas modifiées. Il serait utile de faire de cette manière la démonstration que les Etats-Unis n’entendent pas continuer à nuire par tous les moyens à l’industrie horlogère suisse pour la seule raison que ses produits sont peut-être préférés dans les Etats-Unis aux produits américains.
Miss Willis essaye de justifier la décision du Président Eisenhower. Elle invoque en particulier le fait que depuis 1938 les ventes de montres américaines aux Etats-Unis, qui représentaient alors le 88% du total des ventes de montres, se sont abaissées à environ 40%. Dans le même temps, le nombre des ouvriers de fabriques d’horlogerie américaines, qui était de plus de 8000, est tombé à 4500. (Je ne garantis pas que les chiffres indiqués ici soient ceux qui aient été donnés par Miss Willis.) Le Président avait à examiner si les conditions prévues dans la clause échappatoire étaient remplies. Une commission spéciale était compétente pour trancher cette question. Le Président s’est rallié à son avis.
A propos de l’obligation qu’avait le Gouvernement américain d’informer préalablement le Gouvernement suisse, Miss Willis souligne que notre Légation à Washington a été renseignée par le Département d’Etat. Je relève qu’il s’agissait de renseignements donnés verbalement, d’une manière confidentielle et secrète, et que cette manière de nous renseigner ne correspondait pas à ce qui était expressément prévu par la clause échappatoire12.
Miss Willis a souligné que la décision prise n’implique pas un changement de la politique américaine en matière de liberté des échanges. Le Gouvernement des Etats-Unis reste fidèle à cette politique et aux principes de liberté. La décision prise comporte seulement une exception justifiée par des circonstances particulières. A quoi j’ai répondu que, si chaque fois que l’application d’un principe présente un inconvénient pour les Etats-Unis le Gouvernement américain décide de ne pas appliquer ce principe, il est difficile d’admettre qu’il y est réellement attaché.
Miss Willis, à laquelle j’ai remis le communiqué donné ce matin à la presse par le Conseil fédéral, m’a promis qu’elle ferait part de notre conversation à son Gouvernement et en particulier de mes suggestions précises.
- 1
- E 2800(-)1990/106/20.↩
- 2
- Cf. le télégramme strictement confidentiel de K. Bruggmann à M. Petitpierre du 14 juillet 1954, E 2800(-)1967/61/68.↩
- 3
- Cf. les PVCF-D du 23 et 30 juillet 1954, E 1003(-)1970/344/ R 3106.↩
- 4
- Sur l’«escape clause» cf. DDS, vol. 18, doc. 63, dodis.ch/7803(dodis.ch/7803).↩
- 5
- Pour une analyse de l’argument de la défense nationale, cf. le rapport confidentiel Die Frage der Gefährdung der Wehrbereitschaft der USA durch die Uhrenimporte du 18 mars 1954, E 5001(F)-/13/10 (dodis.ch/9212).↩
- 6
- Sur cette conversation cf. la lettre de M. Petitpierre à H. E. Stassen du 14 juin 1954, E 2800(-)1967/61/68.↩
- 7
- Sur l’anticommunisme et le maccarthysme cf. DDS, vol. 19, doc. 45 et doc. 115.↩
- 8
- Cf. DDS, vol. 19, doc. 10 et doc. 18. Cf. aussi E 2200.36(-)1967/16/2 et E 7004(-)1971/ 39/13.↩
- 9
- Ces négociations ont lieu à Genève du 28 avril au 28 mai 1955, cf. la proposition du Département de l’Economie publique du 2 juin 1955, E 1001(-)-/1/649 (dodis.ch/9224).↩
- 10
- Cf. le télégramme de K. Bruggmann à M. Petitpierre du 15 juillet 1954, E 2800(-)1967/61/ 68.Cf. aussi la note de l’Ambassade des Etats-Unis à Berne du 3 août 1954, ibid. et E 2200.36 (-)1970/71/2.↩
- 11
- Sur la question des «adjustments» cf. DDS, vol. 19, doc. 136. Cf. aussi E 7004(-) 1971/39/13.↩
- 12
- Cf. les notes 1 et 9.↩
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