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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 15, Dok. 315
volume linkBern 1992
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#783* | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 97-98 (1944–1944) |
dodis.ch/47919 Le Chargé d’A ff aires de Suisse à Paris, E. Schlatter, au Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna1
Perspectives politiques. - Le Garde des Sceaux a été, ainsi que vous le savez, l’objet récemment d’assez vives critiques au sein de l’Assemblée consultative, de nombreux orateurs s’étant élevés notamment contre les lenteurs de la justice. Il est vraisemblable, en conséquence, que le Garde des Sceaux va s’efforcer d’accélérer la procédure, mais il est à craindre que, vu l’ambiance qui règne actuellement et la composition des Cours de justice, les inculpés ne pâtissent sérieusement de cette situation.
Les dossiers d’un certain nombre de ressortissants suisses se trouvant actuellement à l’étude, je ne laisse pas d’éprouver quelques craintes quant à la suite qui va être réservée à ces cas, d’autant plus que les Cours de Justice en fonctions, présidées par des Juges de carrière, sont composées de quatre jurés choisis parmi une liste de personnes faisant partie ou étant sympathiques à la Résistance. On peut se demander donc si l’appareil de la justice est entouré de toutes les garanties voulues et si les jurés n’auront pas une tendance à apprécier les cas qui leur sont soumis en se plaçant beaucoup plus sur un plan politique que strictement juridique. J’examine, en conséquence, la possibilité d’une intervention de principe auprès du Garde des Sceaux pour fixer la position des ressortissants suisses qui, la plupart, sont inculpés de commerce avec l’ennemi et tombent de ce fait sous le coup de l’article 79 du Code pénal2.
Il y a lieu de remarquer que, loin de s’atténuer, la vague d’épuration s’étend systématiquement à toutes les professions; elle atteint même, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, certains Français résistants de la première heure, considérés comme n’étant pas suffisamment «purs». Nos ressortissants, de leur côté, n’ont pas échappé à cette marée et, après une accalmie, l’on peut constater depuis quelques semaines un accroissement très net des cas d’arrestation au sein de la Colonie Suisse.
D’une manière générale, l’on peut dire qu’on assiste en ce moment à une évolution qui n’est pas sans présenter quelque analogie avec celle qui fut marquée en son temps par l’opposition des jacobins aux girondins, la teinte jacobine tendant à prédominer dans le personnel occupant les leviers de commande. Il ne serait pas inexact de prétendre que ce qu’il est convenu d’appeler la «Résistance» tend de plus en plus à devenir synonyme de communisme.
Vu la confusion politique qui règne à l’heure actuelle dans le pays, l’on paraît de plus en plus se demander si les élections prévues pour le mois de février sont véritablement opportunes, et s’il n’y aurait pas intérêt à les ajourner à une date ultérieure.
Il y a lieu de signaler, par ailleurs, que dans certains cercles l’on n’exclut pas la possibilité d’une participation de M. Thorez au gouvernement.
Cette participation paraît même être souhaitée dans certains milieux bourgeois qui, à tort ou à raison, considèrent Thorez comme le chef de l’aile droite du parti communiste, dont il serait, dit-on, l’élément le plus pondéré et susceptible, en conséquence, de faire obstacle aux revendications extrémistes aussi bien qu’aux menées anarchistes ou trotzkystes. Il est en tous cas significatif de constater que, peu après l’arrivée de Thorez - et sans doute sous son influence - a été envisagée la création d’un Comité d’Entente chargé de régler les litiges qui peuvent surgir entre socialistes et communistes et d’établir les conditions d’une collaboration confiante entre les deux partis. Il n’est pas impossible, d’autre part, que le Gouvernement soviétique soit désireux de voir Thorez occuper une place prépondérante dans le régime actuel, ne serait-ce, en premier lieu, que pour lui permettre d’effectuer une épuration dans le sein même du parti communiste et de débarrasser ce dernier des éléments considérés comme antistaliniens.
Perspectives financières. - Je me permets de vous donner ci-dessous quelques chiffres, tels que j’ai pu les recueillir, concernant les perspectives de la politique financière et fiscale du Gouvernement Provisoire.
On estime qu’actuellement la circulation fiduciaire s’élève environ à 600 milliards de francs. Grâce à l’Emprunt et à l’échange des billets, environ 200 milliards de francs pourraient être résorbés, ce qui porterait la circulation fiduciaire à 400 milliards de francs. On évalue à 50 milliards environ le montant des billets emportés par les Allemands3. Il semble, d’autre part, que l’Emprunt de la Libération produira environ 135 milliards de francs. L’échange des billets serait pratiqué à partir de la coupure de cinquante francs. Au-dessus d’un certain plafond, qu’il est difficile de fixer, un prélèvement de 10% serait effectué au moment de l’échange. Vu les circonstances, l’on ne pense pas que cette opération soit techniquement possible avant deux ou trois mois. Il est d’ailleurs intéressant de relever que les communistes ne semblent pas très partisans de cette opération. Nul n’ignore, en effet, qu’au cours de ces derniers mois le parti communiste a pu s’adjuger d’assez grosses sommes constituées en billets. Comme, d’autre part, il touche certains crédits de la part d’organisations étrangères, il est compréhensible qu’il soit peu désireux de laisser déceler l’origine des fonds qu’il détient.
On sait qu’actuellement il est procédé, en vertu de l’Ordonnance du 7 octobre 1944 qui prévoit le dépôt obligatoire des devises étrangères et des valeurs mobilières étrangères conservées sur le territoire français, à un véritable inventaire de ces valeurs. Cette première opération serait suivie, dans un avenir plus ou moins éloigné, de ce qu’il est convenu d’appeler «l’offre obligatoire», les valeurs mobilières étrangères étant susceptibles d’être reprises par l’Etat à un taux fixé par lui.
Dans les milieux financiers on prévoit également l’institution d’un impôt cédulaire sur les valeurs mobilières françaises. Il serait, d’autre part, procédé à une augmentation de l’impôt foncier. Afin de permettre aux propriétaires de se libérer envers le fisc, l’Etat aurait recours à une émission d’obligations hypothécaires qui présenteraient une certaine analogie avec les «Hypothekarbriefe» émises en son temps en Allemagne. Il est intéressant, par ailleurs, de noter que le montant des Bons du Trésor en circulation actuellement s’élèverait, d’après des calculs approximatifs, à 1000 milliards de francs. La circulation bancaire s’élève, de son côté, à 400 milliards de francs. L’on envisagerait également un emprunt forcé et une consolidation générale qui ramènerait les valeurs de l’Etat à un taux inférieur à celui pratiqué actuellement.
Dans certains milieux, on ne laisse pas d’éprouver quelques inquiétudes au sujet de l’emprise économique américaine qui tend à se développer en France, notamment sous la forme de participations financières dans de nombreuses affaires. Les secteurs qui paraissent plus particulièrement intéresser les Américains sont la métallurgie (pièces détachées, mécanique) produits chimiques et le caoutchouc. Les Anglais ne seraient pas sans se préoccuper de cette activité. On sait que, récemment, le «Daily Mail» ayant fait à ce sujet une allusion assez mordante, le Général Eisenhover a pris l’initiative d’interdire la diffusion de ce journal durant près d’une semaine. Vous n’ignorez pas, par ailleurs, que des délégations britanniques et américaines se sont récemment rendues à Paris en vue de prendre contact avec certains services du Ministère des Finances et de la Banque de France; il semble du reste que ces conversations n’ont eu qu’une portée générale. Des arrangements sont intervenus en ce qui concerne particulièrement les questions de transferts de fonds (secours) de provenance américaine et britannique à destination de la France. L’arrangement avec les Américains porterait également sur les transferts de fonds d’origine française à destination de l’Amérique. Il ne semble pas que la question du rapport futur entre le franc et la livre ait été abordée; il aurait cependant été décidé qu’en ce qui concerne les commandes passées par la France aux Alliés, le taux du change serait fixé au moment du paiement et non pas au moment de la conclusion du contrat.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Paris/98. Annotation de Pïlet-Golaz en tête du document: En circulation, 16.12.44.↩
- 2
- Ace sujet, cf. les instructions adressées par la DAE du DPF à E. Schlatter le 29 janvier 1945 (E 2001 (E) 1/59).↩
- 3
- Le problème du trafic des billets de banque français fait l’objet d’une correspondance importante des autorités fédérales. Le 8 décembre 1944, la Banque nationale adresse à la SCIPE du DPF la lettre suivante: Mit Schreiben vom 30. pto haben Sie uns Kenntnis vom Inhalt einer Note gegeben, worin die französische Botschaft in Bern auf die von deutscher Seite getätigten umfangreichen Verkäufe von Noten der Banque de France hinweist und den Wunsch der provisorischen Regierung Frankreichs zum Ausdruck bringt, es möchten die schweizerischen Behörden geeignete Massnahmen treffen, um den Handel mit diesen Noten, die grossenteils durch die deutsche Besetzungsmacht aus Frankreich weggeschafft worden sein sollen, zu unterbinden. Entsprechend Ihrem Ersuchen geben wir Ihnen nachstehend unsere Bemerkungen hiezu bekannt, wobei wir uns gleichzeitig auch zu der Vernehmlassung der eidg. Finanzverwaltung vom 2. dies äussern, die uns in Kopie zugekommen ist. Über den Umfang des deutschen Besitzes an französischen Noten sind wir nicht näher orientiert. Indessen kann wohl kein Zweifel darüber bestehen, dass in der Tat grosse Summen französischer Banknoten in deutsche Hände gelangt sind und dass man sich auf deutscher Seite bemüht, diesen Notenbesitz auf neutralen Märkten gegen Devisen einzutauschen. Bereits im Sommer vorigen Jahres hatten wir Gelegenheit, Sie mit Schreiben vom 2. Juli 1943 davon zu unterrichten, dass nach einer uns zugegangenen Information grössere Bestände an französischen Noten, über die man in Kreisen der Wehrmacht im Überfluss verfüge, nach der Schweiz verbracht und hier verkauft wurden. Seit der Befreiung Frankreichs dürfte wohl das Bestreben der Deutschen, sich gegen Hingabe der französischen Noten möglichst rasch andere Zahlungsmittel zu verschaffen, noch bedeutend intensiver geworden sein. Es scheint verständlich, wenn die französische Regierung zu verhindern sucht, dass sich Deutschland die durch den Druck der Besetzung gewonnenen Früchte auf diese Art und Weise zu sichern versucht, und wenn sie daher den Handel mit französischen Noten in den neutralen Ländern nur ungern sieht. Nun hat allerdings, wie von der Finanzverwaltung schon erwähnt worden ist, die Schweizerische Bankiervereinigung ihren Mitgliedern mit Rundschreiben vom 19. und 30. September a.c. bereits nahegelegt, sich im Handel mit ausländischen Banknoten grösste Zurückhaltung aufzuerlegen und insbesondere auch französische Noten nur in kleinen Beträgen im Rahmen der legitimen Bedürfnisse der Veräusserer entgegenzunehmen. In wirksamer Weise unterbunden werden aber damit grössere Notenhandelsgeschäfte nicht; denn Sanktionen für den Fall von Widerhandlungen gegen die erwähnte Empfehlung sind in den beiden Zirkularen nicht vorgesehen und zudem richten sich diese nur an die Mitglieder der Bankiervereinigung, während alle übrigen Firmen und die Privatpersonen im Notenhandel überhaupt keinen Einschränkungen unterworfen sind. Wir halten deshalb dafür, dass es wohl auch heute noch ohne erhebliche Schwierigkeiten möglich ist, grössere Posten fremder Noten in der Schweiz abzusetzen, und dass hierin eine Änderung nur durch ein eigentliches Notenhandelsverbot herbeigeführt werden könnte, wie wir Ihnen dies früher schon dargelegt haben. Gewiss wäre an und für sich auch der von der Finanzverwaltung vorgeschlagene Rückruf der Noten durch die französische Regierung oder durch die Banque de France ein geeignetes Mittel, um eine Verwertung der in deutschen Händen liegenden französischen Noten zu verhindern. Wir fragen uns jedoch, ob eine solch einschneidende Massnahme, von der natürlich auch alle legitimen Besitzer in der Schweiz betroffen würden, den schweizerischen Interessen besser zu dienen vermöchte als ein Notenhandelsverbot. Übrigens darf wohl als sicher angenommen werden, dass die französische Regierung ihrerseits den Gedanken eines Notenrückrufes bereits in Erwägung gezogen hat, aber sich aus Gründen, über die wir nicht näher orientiert sind, hiezu bisher nicht entschliessen konnte. Ein Hinweis der Schweiz auf diesen Weg würde daher wahrscheinlich kaum als befriedigende Antwort auf die Note der französischen Botschaft vom 27. November betrachtet. Die Aussichten eines zivil- oder strafrechtlichen Vorgehens gegen die Besitzer oder Erwerber französischer Noten in der Schweiz dürften in den meisten Fällen nur gering sein, zumal dann, wenn der Handel in solchen Noten weiterhin zugelassen wird, weil naturgemäss jede Handänderung die Herkunft verwischt und dadurch den Nachweis des bösen Glaubens erschwert, wenn nicht verunmöglicht. Gestützt auf die dargelegten Gründe sind wir der Ansicht, dass nur ein Notenhandelsverbot die Einlösung französischer Noten aus deutschem Besitz gegen andere Zahlungsmittel wirksam zu verhindern vermöchte, wobei von Ihnen zu entscheiden sein wird, inwieweit die Verhandlungen über die Gestaltung unserer Wirtschaftsbeziehungen zu Frankreich ein Eintreten auf den Wunsch der Gegenseite überhaupt rechtfertigen (E 2001 (E) 2/558).↩
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