Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.22. SUÈDE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 15, doc. 239
volume linkBern 1992
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2300#1000/716#1023* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2300(-)1000/716 444 | |
Titolo dossier | Stockholm, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 14 (1944–1944) |
dodis.ch/47843
Dans ma première conversation, après mon retour ici2, avec le ministre des affaires étrangères, nous avons abordé la préoccupante question de la pression économique des Anglo-Américains sur les neutres, qui est le sort commun à nos deux pays, bien que leur action s’exerce sur l’un et l’autre dans des formes différentes.
Le jour même de mon départ de Stockholm, le samedi 19 août, j’avais confidentiellement appris la décision que venait de prendre le gouvernement suédois de mettre un terme à toute navigation de bateaux suédois vers des ports allemands. La chose devint publique dès le surlendemain. Il m’avait alors été confié qu’on comptait par cette mesure incisive autonome éviter des demandes formelles anglo-saxonnes attendues auxquelles on ne pourrait accéder.
La manœuvre n’a évidemment pas réussi, car le ministre m’a exposé que, dès le 25 août, les ministres des Etats-Unis et de Grande-Bretagne vinrent lui remettre une même note avec commentaires verbaux à l’appui. La pièce écrite était brève et polie dans les termes. Il y était sommairement déclaré que la situation générale était devenue telle que le moment paraissait venu pour la Suède de soumettre à révision l’ensemble de ses relations économiques avec l’Allemagne. Les commentaires, par contre, étaient plus pressants et laissaient percer la menace qu’une Suède aujourd’hui récalcitrante devrait s’attendre à se voir privée notamment de certaines matières premières dans l’après-guerre. Un langage analogue fut tenu aux représentants de la Suède à Washington, où l’on menait manifestement le train, et à Londres, où l’on suivait de façon quelque peu embarrassée. Quant aux Russes, ils s’associèrent, mais se bornèrent à la démarche écrite, ne mettant dans toute l’affaire aucune insistance.
Lors de la remise des notes, M. Günther demanda à ses deux interlocuteurs si des demandes semblables étaient présentées à d’autres neutres, dont la Suisse. Ils répondirent n’en rien savoir. Plus tard, il aurait été déclaré à Londres que la Suisse recevrait une exhortation du même genre.
Le ministère suédois fit aux trois notes reçues avec célérité une réponse écrite disant essentiellement que la politique économique de la Suède, en tant qu’Etat neutre, consistant à maintenir pendant la guerre avec tous les pays ses échanges traditionnels était bien connue, qu’au surplus, son commerce avec l’Allemagne se trouvait par suite des circonstances réduit au minimum, sans importance réelle pour la conduite de la guerre. Dernièrement, les alliés répliquèrent que la réponse suédoise ne leur paraissait pas satisfaisante, et les choses en sont là pour l’heure.
M. Günther a nettement l’impression que Washington et Londres visent, au-delà de leurs exigences concrètes, la neutralité elle-même, qu’ils ne veulent plus admettre, ni dans le présent, ni surtout pour l’avenir, dans le domaine économique. Il partage, à cet égard, l’avis que les Anglo-Américains doivent considérer la Suède comme plus traitable que la Suisse, soit en raison de l’essence différente de leur neutralité, soit à cause de la plus grande dépendance économique de notre pays vis-à-vis de l’Allemagne.
Je continuerai à me tenir au courant, autant que possible, des ultérieurs développements du problème dans son ensemble et, en vue de cela, il serait d’intérêt pour moi de savoir aussi, en résumé, ce qui se passe chez nous dans ce même domaine.
Le ministre des affaires étrangères a qualifié vis-à-vis de moi les conditions russes imposées à la Finlande comme extrêmement dures. Mais il ne restait à celle-ci décidément plus d’autre issue à une situation que les Finlandais eux-mêmes avaient contribué à rendre inextricable.
- 1
- E 2300 Stockholm/14. M. Pilet-Golaz a lu ce texte le 29 septembre 1944 et l’a mis en circulation parmi ses collaborateurs.↩
- 2
- Lors de son séjour en Suisse, P. Dinichert a notamment eu un entretien le 31 août 1944 avec le Délégué du Conseil fédéral aux Oeuvres d’Entraide internationale, Ed. de Haller. Celui-ci a rédigé la notice suivante: M. Dinichert et moi nous entretenons longuement des petits incidents auxquels a pu donner lieu la collaboration suédo-suisse sur le terrain de la Croix-Rouge. Concernant les quelques tentatives assez choquantes, à distance tout au moins, de la Croix-Rouge et parfois des Autorités suédoises, d’éclipser par leur propagande à l’étranger les actions de la Suisse et du CICR, M. Dinichert me donne l’assurance formelle, qu’il ne faut pas y voir une attitude déterminée, systématique de la Suède et du Gouvernement suédois. Qu’il y ait quelque jalousie au sujet des œuvres charitables et du rôle de la Suisse comme puissance protectrice, M. Dinichert ne le conteste pas. Mais il peut affirmer sans réserve que tant le Gouvernement que l’opinion publique sont animés des meilleures intentions et professent même de l’admiration pour la Suisse (E 2001 (E) 1/149). Deux jours auparavant, Ed. de Haller avait eu un entretien avec le Ministre de Suède à Berne: M. Westrup a compris que l’on entendait observer une démarcation scrupuleuse entre le comité Niesz et l’action Wetter. Je lui explique que si les travaux du comité Niesz n’ont pas fait jusqu’ici l’objet d’aucune publicité, c’est précisément pour éviter une confusion dans l’esprit du public avec l’action Wetter. Concernant cette dernière, M. Westrup a constaté des signes d’impatience dans la presse suisse. Discrètement, il me laisse entendre que tant dans le pays qu’à l’étranger, l’absence de renseignements officiels favorise la diffusion d’informations fantaisistes. J’explique à M. Westrup la méthode suivie par nos Autorités et par M. Wetter et fais ressortir, comme il y a quelques semaines au cours de mon entretien avec Mme Cedergren, les différences fondamentales résultant de la position géographique, du statut politique, de la composition ethnique et religieuse, de la forme de l’Etat, etc., qui font que le même problème n’est pas attaqué de la même façon en Suède et en Suisse. Je souligne notamment que là où, en Suède, on peut s’en tirer avec un comité de 5 à 6 personnes désignées par la couronne, sans soulever aucune objection, on ne s’en tirerait pas en Suisse à moins d’une cinquantaine de membres (cf. comité consultatif von Steiger pour les réfugiés). [...] Pour terminer, je fais observer à M. Westrup que la Suisse est moins riche que la Suède. Mon interlocuteur reconnaît que son pays possède des matières premières et que sa population est d’environ 25% plus nombreuse que celle de la Suisse. Néanmoins, il croit que la fortune nationale suisse, représentée notamment par des investissements considérables à l’étranger, doit en dernière analyse, dépasser celle de la Suède (Notice du 29 août de Ed. de Haller, E 2001 (E) 1/149).↩
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