Classement thématique série 1848–1945:
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES
III.5. TRANSIT
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 15, doc. 117
volume linkBern 1992
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E7110#1976/134#369* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 7110(-)1976/134 61 | |
Titre du dossier | Transit durch die Schweiz (1944–1944) | |
Référence archives | 871.8 |
dodis.ch/47721 Compte-rendu d’une séance des négociations économiques entre les représentants alliés et suisses sur la question du transit1
Keller expose le point de vue du Gouvernement suisse tel qu’il est résumé dans les dernières instructions reçues de M. Pilet-Golaz2. La Suisse entend décider en toute souveraineté de cette question et n’a pas l’intention de négocier un arrangement avec un autre pays. Elle s’en tient à sa politique de stricte neutralité qui lui enjoint de surveiller de très près la situation et de prendre, selon les circonstances, toutes les mesures qui s’imposent. C’est pourquoi les mesures prises au sujet du transit sont flexibles et varient selon la situation. Keller demande ensuite que Hohl soit autorisé, en tant qu’il s’agit de cette question, à exposer le point de vue du Gouvernement suisse.
Hohl précise que la Suisse étant encerclée par l’Allemagne et des territoires occupés par cette dernière, cette question du transit est particulièrement importante à l’heure actuelle et délicate puisque tous les transports venant ou partant de Suisse doivent s’effectuer par territoires occupés. La Suisse s’en tient au principe de la liberté du transport telle que prévue par la Convention du St. Gothard. Il mentionne cependant que l’article 3 de cette Convention comporte une réserve très importante, celle de la neutralité suisse. Cette neutralité, inutile de dire que la Suisse en est plus que jamais consciente et qu’elle veille par conséquent à exclure tous transports ayant un caractère militaire, transports de troupes, de matériel de guerre, etc. Il convient d’ajouter d’ailleurs que, jusqu’ici, aucune demande n’a été faite à la Suisse au sujet de transports militaires. Hohl fait ensuite allusion à la nouvelle situation créée par l’occupation de l’Italie du nord qui a obligé le Gouvernement suisse à prendre des mesures spéciales. Etant donné que les marchandises transportées du nord de l’Italie en Allemagne pourraient consister en marchandises réquisitionnées, etc., il a été entendu qu’un transport anormal de marchandises ne serait pas autorisé et qu’en outre tout transport de marchandises réquisitionnées serait exclu. La difficulté consiste cependant à établir une différence entre les transports dans les courants commerciaux normaux et les autres. Afin d’éviter toute discussion, la Suisse a établi une liste des marchandises dont le transport dans le sens sudnord est désormais interdit. Cette liste n’a pas un caractère définitif. Elle vaut pour le moment, mais pourra être modifiée selon les circonstances. En effet, les décisions prises par le Gouvernement suisse sont conditionnées par la «clausula rebus sic stantibus». Hohl explique ensuite le caractère du contrôle qui est extrêmement sérieux et efficace, confié aux services suisses des douanes, lesquels contrôlent chaque wagon et veillent également à ce que les transports ne prennent des proportions qui ne seraient pas justifiées par les échanges commerciaux normaux.
Foot prend note de la liste des marchandises qui lui est remise et demande depuis quand elle est entrée en vigueur.
Hohl: Depuis le début de février, elle s’applique aux marchandises transportées d’Italie en Allemagne.
Keller fait remarquer que l’interdiction de transporter des combustibles liquides s’applique aux transports dans les deux sens. Cette interdiction ne constitue cependant pas de la part de la Suisse une admission qu’il s’agit de matériel de guerre, mais constitue une interdiction d’une marchandise particulière, comme c’est le cas pour d’autres.
Foot: Le Gouvernement suisse a-t-il l’intention de maintenir cette liste?
Hohl: Oui, aussi longtemps que la situation qui prévaut actuellement en Italie du nord se maintiendra. Les mêmes mesures pourraient être prises en ce qui concerne le transport depuis la France au cas où cela deviendrait nécessaire.
Foot: La liste sera-t-elle modifiée? Il faudrait que toutes les marchandises réquisitionnées soient exclues et l’on aurait ainsi deux catégories de marchandises:
1) marchandises réquisitionnées ou pillées,
2) marchandises mentionnées sur la liste.
Il est hors de doute que la Suisse a le droit de suivre une politique unilatérale indépendante en ce qui concerne ces transits, mais serait-elle cependant prête à tenir compte de nos desiderata?
Keller fait remarquer que les décisions qui ont été prises l’ont été précisément à la suite de suggestions du MEW. Le Gouvernement suisse serait toujours prêt à adapter de nouvelles mesures aux nouvelles circonstances dans le cadre du principe général qui est d’admettre le transit des échanges commerciaux normaux.
Foot: Admettriez-vous, par exemple, le transport de diamants industriels?
Keller: Cela dépend entièrement de savoir s’il s’agit d’un commerce normal.
Foot: Qu’en serait-il en ce qui concerne les transports d’or?
Keller: La question ne s’est pas posée jusqu’ici.
Seebohm désirerait qu’on ajoute sur la liste des transports exclus, les transports des travailleurs.
Hohl: Ce transport a été interdit depuis l’été 1943.
Foot: Dans les deux sens?
Hohl: Oui. Tout transport collectif de travailleurs est interdit.
Foot demande quelques précisions au sujet du contrôle.
Hohl explique que ce sont les douanes qui sont chargées de ce contrôle et qu’elles examinent chaque transport de très près.
Keller: C’est ainsi, par exemple, qu’en ouvrant une caisse, les douanes trouvèrent certain matériel dont il était difficile de dire si le transport était justifié ou non; le cas fut signalé à Berne qui examina la chose et les marchandises purent être arrêtées à Lugano. Le contrôle est extrêmement strict et très effectif.
Foot: Chaque wagon est-il examiné?
Keller: Oui.
Foot: Y a-t-il des wagons scellés?
Hohl: S’il y en a, nous les ouvrons.
Seebohm demande si le MEW pourrait être informé d’une manière ou d’une autre au sujet des transports entre l’Allemagne et l’Italie.
Hohl fait remarquer que le Gouvernement britannique est, [en fait au courant puisque la Légation de Grande-Bretagne à Berne sait quels sont ces transports.
Foot: Si le Gouvernement britannique apportait la preuve que telle marchandise a été réquisitionnée, qu’en serait-il?
Hohl: Nous examinerions alors le cas.
Foot: Y a-t-il une limitation en ce qui concerne le trafic des marchandises autorisées?
Keller: Il n’y a pas de plafond général, mais le principe des échanges sur une base commerciale normale implique certaines limites. A ceci s’ajoutent les restrictions mentionnées sur la liste. Nous entendons en outre surveiller de près les quantités de marchandises transportées et limiter le transport dans certains cas spéciaux (position 360. p. ex.). Il faut aussi tenir compte du fait que la capacité de transport des chemins de fer suisses n’est pas illimitée. Du point de vue technique, il y a également une limite.
Foot demande s’il y a un plafond en ce qui a trait aux marchandises transportées du nord au sud.
Keller: Non, la question a été examinée, mais il n’a pas été possible de limiter le transit à un plafond général.
Foot: Qu’en est-il des transports de charbon?
Keller: Ils ont diminué en 1943 par rapport à 1942.
Foot: Oui, mais n’augmentent-ils pas à nouveau?
Keller: Il est exact que les transports ont augmenté depuis l’été 1943 et sont actuellement de l’ordre des transports effectués en 1942.
Foot: Qu’en serait-il si vous constatiez une augmentation considérable du trafic?
Hohl: Nous trouverions alors certainement un moyen de le régulariser.
Lovât: Sur quelle définition du matériel de guerre vous basez-vous?
Keller: Sur la définition généralement admise par la Convention de La Haye. En ce qui concerne le combustible liquide, nous n’admettons pas juridiquement qu’il s’agit de matériel de guerre, mais nous avons interdit le transit de cette marchandise de notre propre volonté.
Lovât: Qu’en est-il du personnel militaire?
Hohl: Le transport est absolument interdit. Le visa de transit étant accordé par Berne, il est facile d’exclure ce trafic.
Keller explique que la Suisse a voulu, dès le début, exclure tout transit de personnel militaire et fait allusion à l’attitude différente adoptée, par exemple, par la Suède.
Lovât: Pourquoi n’avez-vous pas pu fixer un plafond général?
Keller: Parce que nous avions le sentiment que nous nous exposerions alors à une même demande de la part de l’Allemagne. Etant donné que le transport des marchandises suisses par les pays occupés actuellement par l’Allemagne ne correspond absolument pas au trafic normal d’avant-guerre, cela nous aurait mis dans une position extrêmement difficile.
Lovât: Ne pourriez-vous pas établir un plafond technique au moins en ce qui concerne le trafic nord-sud?
Keller: Nous avons essayé. Il est entendu que les wagons ne doivent pas être surchargés.
Foot: Ne pourriez-vous pas fixer vous-mêmes une certaine limite?
Hohl: Les chemins de fer fédéraux sont les premiers intéressés à limiter ce trafic d’eux-mêmes.
Foot: Dans le cas où d’autres lignes de chemins de fer seraient bloquées et que l’on exercerait sur vous une certaine pression pour augmenter le trafic, que feriez-vous?
Hohl: Nous déciderions selon notre politique générale, c’est-à-dire que nous prendrions des mesures pour veiller à ce que le trafic reste normal.
Foot: Seriez-vous prêts à faire une déclaration à ce sujet?
Keller: Nous pouvons dire que nous nous adapterions toujours à toute nouvelle situation.
Rief 1er: Qu’en est-il du trafic routier?
Keller: Il est inexistant, étant donné les difficultés de ravitaillement en benzine, mais en principe les restrictions s’appliqueraient également à ce genre de transport.
Lovât: Y a-t-il des statistiques quelconques au sujet de ces transits?
Keller: Non, mais en fait vous savez tout ce qui se passe par l’entremise de vos amis italiens à Berne.
Seebohm: Serait-il possible d’avoir une copie de l’exposé que le Dr Hohl a fait au début de la séance.
Keller: Nous ne sommes pas en mesure de donner une déclaration officielle mais il n’y aurait pas d’inconvénient à vous transmettre une copie des instructions que nous avons reçues étant entendu qu’il s’agit d’instructions et rien de plus3.
Foot se déclare d’accord et il est entendu que la question du transit sera examinée à nouveau après un nouvel examen des marchandises figurant sur la liste qui a été remise au MEW.
- 1
- E 7110/1976/134/61. Cette séance a eu lieu le 5 avril 1944 à 16 heures au Ministère britannique de l’Economie de guerre. Le présent document a été rédigé le lendemain. Participaient à cette séance: D. Foot, D. Seebohm, W. Riefler, Lovât, P. Keller, R. Hohl, C. Rezzonico et J.-G. de Rham.↩
- 2
- Cf. Nos 77 et 101 et les télégrammes de mars 1944, E 2001 (D) 3/349.↩
- 3
- Cf. No 121.↩