Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.21. ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 50
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#212* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 105 | |
Dossier title | Bukarest, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 11 (1943–1944) |
dodis.ch/47654
Sans avoir sollicité une audience, j’ai été avisé vendredi soir, 3 décembre, que M. le Maréchal Antonesco m’attendait le lendemain à 11 heures 30.
Il m’a reçu dans sa villa de Baneasa, en présence du président intérimaire, ministre des Affaires étrangères. Ce dernier, dont la santé n’est pas encore complètement rétablie, portait de grosses lunettes noires. Dans l’escalier conduisant aux appartements du «Conducator», j’ai croisé le Nonce qui en sortait.
Ignorant les motifs de l’appel qu’ils m’avaient adressé, j’ai laissé mes deux interlocuteurs conduire à leur gré l’entretien. En prenant congé d’eux, mon sentiment était qu’ils n’avaient rien de particulier à me dire. Est-ce le maréchal qui a exprimé le désir de «causer» avec certains diplomates? L’initiative est-elle venue de M. Mihai Antonesco et, dans l’affirmative, le premier ministre désirait-il me faire constater par moi-même les «changements» qu’il m’avait signalés dans l’attitude générale du «Conducator»? En vérité, je n’en sais rien.
Je crois inutile de vous rapporter en détail une conversation à bâtons rompus, qui a duré près d’une heure. Je me bornerai à mentionner quelques points d’intérêt politique ou psychologique. [...]
A propos, par exemple, de ravitaillement, il s’exprima en ces termes: «Nous avons passé par des moments très difficiles. Aujourd’hui que les choses vont mieux, on nous reproche de vivre dans l’abondance. On nous adjure de songer à l’«Europe». L’Europe s’est-elle inquiétée de notre sort quand elle était mieux pourvue et que nous nous trouvions mal en point? Pour une fois que j’ai l’occasion de constituer des réserves dans le pays, je ne la laisserai pas échapper. Quant au surplus, je préfère le vendre à de bons clients comme vous.»
Comme il s’informait de ce que la Suisse serait disposée à importer de Roumanie, M. Mihai Antonesco saisit la balle au bond pour dire que M. Clodius était enfin revenu à Bucarest et qu’il espérait pouvoir régler avec lui la question des transports à destination de pays neutres. Ce retour du ministre allemand signifie-t-il que le gouvernement roumain s’est incliné devant les exigences de M. von Killinger? Peut-être a-t-il fait des concessions en matière militaire (chapitre que mes interlocuteurs n’ont pas abordé). Sur le plan économique, la résistance ne semble pas faiblir. Au sujet du problème monétaire, le maréchal m’a dit: «Si le gouvernement se voit obligé d’acheter aux agriculteurs leurs produits, mais sans pouvoir les exporter avec profit, il faudra émettre du papier pour payer cet achat. Cela, nous pouvons nous en accommoder. Mais nous n’irons pas plus loin. Je me refuse à faire de l’inflation pour permettre au Reich d’acheter à crédit nos céréales et nos pétroles.» Sur ce point, le «Conducator» partage donc les vues du gouverneur de la Banque nationale.
Quelques jours auparavant, un administrateur de cet institut m’avait demandé un visa de passeport en faveur de M. Alexandre Ottulesco, que l’on veut envoyer en Suisse pour s’y soigner. Je désirais me convaincre qu’il ne s’agissait ni d’une maladie diplomatique ni d’un complot tendant à évincer le gouverneur. Le maréchal m’a donné l’assurance qu’il ne songeait pas à relever de ses fonctions M. Ottulesco. «C’est mon ami, je tiens à lui et, bien que P«on» ait cherché à «diriger» mon choix sur un autre, je suis décidé à le garder. Mais il est très surmené, souffre d’insomnie et broie du noir. Un séjour dans une de vos excellentes maisons de santé le remettra.»
J’ai saisi l’occasion pour dire que je m’efforcais de combattre les bruits absurdes qui, après avoir circulé quelque temps à Bucarest, ont passé dans certains de nos journaux, ainsi qu’à la radio de Londres: 30000 Roumains, disait-on, sollicitaient des visas pour la Suisse. J’ai signalé, cependant, que, parmi ceux qui cherchent à se rendre chez nous, il y a un assez fort pourcentage de diplomates et d’hommes politiques et que cette tendance, si elle devait gagner du terrain, pourrait faire naître l’impression qu’une certaine nervosité, pour ne pas dire plus, règne dans quelques milieux de la capitale. Le maréchal m’a répondu qu’il avait donné l’ordre de lui communiquer les noms de tous les Roumains qui demandaient des passeports. Je ne crois pas qu’il soit enclin à favoriser les-«évasions».
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