dodis.ch/47441

Notice du Délégué du Conseil fédéral aux Œuvres d’Entraide internationale, E. de Haller, pour le Chef du Département politique, M. Pilet-Golaz1

ENFANTS JUIFS APATRIDES DE FRANCE

La réponse négative rapportée de Vichy par l’amiral Bard2, les renseignements fournis par M. Stucki3 quant au transport des enfants juifs apatrides aux Etats-Unis et la perspective de collaborer à l’hospitalisation des enfants juifs réfugiés en Suisse m’ont permis de freiner assez sérieusement les élans du Comité exécutif4: On ne parle plus d’exiger l’accueil, en Suisse, de milliers d’enfants. Par contre, on demeure préoccupé - et les rapports des homes en France entretiennent ce sentiment - du sort de nos pupilles en France que l’on croit exposés à de nouvelles mesures.

D’autre part, on est assez troublé par le nombre d’enfants admis en Suisse à titre individuel ensuite de démarches faites en leur faveur auprès du Département fédéral de Justice et Police. C’est ainsi que l’abbé Gross5, directeur de l’œuvre française correspondant à notre «Caritas», aurait pu faire admettre en Suisse - et obtenir, à cet effet, une autorisation de sortie du territoire français - 20 enfants juifs. Les milieux de la Croix-Rouge suisse, Secours aux Enfants, soit dans le pays même, soit surtout dans les établissements de France non-occupée, sont frappés par l’ouverture apparemment libérale de la «petite porte» alors que leur organisation, officiellement reconnue, n’a pu jusqu’ici faire franchir la frontière à un seul enfant juif.

Ne pourrait-on pas calmer une fois pour toutes ces milieux et assainir l’atmosphère en tentant d’admettre les 168 enfants juifs de nos établissements de France ou au moins les 80 d’entre eux qui ont dépassé l’âge de 16 ans et sont, par conséquent, les plus immédiatement exposés? Tel est le vœu que le Col. Remund, président du Comité exécutif, m’a instamment demandé de soumettre au Chef du Département politique.

Je me permets de proposer que l’on prie M. Stucki de demander à Vichy, avant son départ pour la Suisse la semaine prochaine, si les autorités françaises délivreraient des visas de sortie à ces 168, respectivement 80 enfants au cas où la Suisse les accueillerait. Comme il est plus que probable que la réponse sera négative, cette affaire pourrait être ainsi enfin enterrée6.