Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.15. JAPON
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 14, Dok. 223
volume linkBern 1997
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001D#1000/1553#7265* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 402 | |
Dossiertitel | Schutz der Schweizer u. ihres Eigentums in Japan u. in den von ihm besetzten Gebieten (1942–1945) | |
Aktenzeichen Archiv | B.51.330 • Zusatzkomponente: Japan |
dodis.ch/47409
Les restrictions et privations consécutives à la guerre sur le Pacifique n’ont pas affecté sensiblement le moral de notre colonie au Japon. Je le constatais encore lorsque nous avons célébré notre premier août à la Légation. Nos gens se sont fait une philosophie de guerre et, de fait, ils ne se plaignent pas beaucoup. Nombre des nôtres sans doute ont de gros soucis quant à l’avenir de leurs affaires, et plusieurs seraient heureux de quitter un pays qui ne leur offre plus guère de possibilités de gagner convenablement leur pain. Mais ils comprennent les difficultés d’un rapatriement dans les circonstances actuelles; encore la plupart d’entre eux préféreraient-ils gagner d’autres pays, l’Amérique surtout, pour essayer de s’y refaire une existence, la Suisse ne pouvant probablement leur offrir ce dont ils ont été privés ici et ce à quoi ils sont accoutumés. D’un autre côté, la psychose de guerre qui règne dans un pays méfiant comme le Japon n’est guère de nature à rendre aisée à l’étranger la vie de tous les jours. Chacun se sent étroitement surveillé et les mesures de discrimination entre Japonais et étrangers ne se comptent plus. Des régions entières du pays sont fermées aux non-nationaux et tous les déplacements sont d’ailleurs subordonnés à des permis spéciaux délivrés par les préfectures. D’une manière générale cependant, nos Suisses ont pu se rendre aux lieux où les appelaient encore leurs affaires. C’est ainsi qu’il ne m’est jamais revenu que des compatriotes de Kobe avaient été empêchés de se rendre à Tokyo, par exemple, mais les voyages ne peuvent être décidés sur-le-champ, car il faut certains délais pour les permis de voyage. Il n’est pas jusqu’à mon délégué à Yokohama pour les intérêts étrangers qui n’ait besoin d’un ou deux jours pour obtenir la permission de se rendre à la Légation. Un autre de mes délégués, actuellement à Nagasaki, ne peut m’envoyer ses télégrammes en anglais sans les soumettre préalablement en Japonais à l’approbation d’un officier de la gendarmerie de l’armée. Mais, si tracassières soient-elles, toutes ces mesures sont appliquées indistinctement à tout étranger, au point que la femme d’un Ambassadeur d’un pays allié me disait qu’elle ne pouvait aller en automobile à Yokohama sans déclarer à l’aller et au retour son âge à l’agent de police préposé au contrôle de la route.
Pour ce qui est du ravitaillement, la situation s’est un peu améliorée partout, à Kobe comme à Yokohama, grâce aux mesures prises par les étrangers euxmêmes pour s’assurer les provisions nécessaires. On ne peut, bien entendu, tout avoir et les longues queues de Japonaises devant les boutiquiers montrent assez que tout le monde est logé à la même enseigne.
Dans la colonie, les détresses auraient été aussi sans contredit plus grandes si je n’avais pas pu venir en aide à beaucoup en les engageant au service de la Légation et des services extérieurs qui en dépendent. Je fais à cet égard tout ce que je peux, mais mes expériences avec ce personnel de fortune n’ont évidemment pas toujours été très heureuses. Le travail d’une mission diplomatique n’est pas celui d’une maison qui ne fait que de l’importation ou de l’exportation; il est un peu plus difficile et demande surtout beaucoup plus de précision.
Quant aux autres colonies suisses qui, par la force des choses, dépendent maintenant de la Légation, je m’efforce de maintenir autant et aussi bien que possible le contact avec elles2. Nos anciens Consuls, M. Sidler à Manille, M. Arbenz à Singapour et M. Keller à Hongkong sont en relations constantes avec moi et si, comme bien on le pense, ils ne peuvent m’exposer par lettre ou par télégramme tout ce qu’ils ont sur le cœur, j’ai quand même le sentiment que la situation de nos compatriotes, bien que très difficile, n’est pas désespérée. Je sais surtout que nos compatriotes ont vivement apprécié la générosité de notre Gouvernement lorsqu’il m’a autorisé à mettre certains fonds à la disposition des nécessiteux.
L’autre jour, j’ai reçu la visite d’un haut fonctionnaire japonais appartenant à l’administration de Shonanto3; il venait m’apporter des nouvelles de notre colonie. Il ne m’a pas caché que la situation actuelle était plutôt critique, mais, lorsqu’il a appris que j’étais prêt à venir en aide financièrement à mes compatriotes, il s’est montré très satisfait. Pour lui, il importait que nos Suisses pussent tenir quelque temps, livrés à leurs seuls moyens. Il espère, en effet, que nombre de nos Suisses désœuvrés pourront participer à la reconstruction des quartiers détruits de la ville et trouver ainsi un gagne-pain. Il s’est offert très aimablement à prendre un pli pour M. Arbenz, ce que j’ai accepté avec empressement.
Pour ce qui est des Indes néerlandaises, les communications avec le Japon sont plus difficiles, mais on commence à accepter certains télégrammes en japonais. J’en ai même déjà reçu quelques-uns de Batavia. J’espère que, d’ici peu, nous serons en mesure de correspondre plus aisément avec Batavia comme d’ailleurs avec Manille, Hongkong et Singapour.
En ce qui concerne les Philippines, nous envoyons et recevons notre courrier par l’entremise de l’armée japonaise, courrier ouvert, bien entendu, et, par conséquent, lu par les Japonais. Mais, malgré les sérieux inconvénients d’un échange épistolaire opéré dans ces conditions, je me félicite très vivement d’avoir encore ce moyen de demeurer en contact avec notre colonie. Il est néanmoins assez aléatoire, car il suffirait d’un accès de mauvaise humeur d’un officier supérieur pour que ce lien si fragile fût rompu avec les nôtres. Nous sommes bon gré mal gré à la merci des circonstances et des bonnes volontés. Il est juste toutefois de relever qu’en thèse générale et à m’en tenir aux rapports que j’ai reçus de divers côtés, les troupes japonaises se sont bien comportées à l’égard des Suisses. Bien souvent, des Japonais m’ont déclaré qu’ils ne traitaient pas nos nationaux simplement comme des neutres, mais comme des amis.
Quoi qu’il en soit, je vouerai tous mes soins, surtout quand mon personnel de carrière sera au complet - Bossi et Würth vont arriver dans quelques jours - et que j’aurai plus de temps à consacrer à nos intérêts suisses parmi l’avalanche des intérêts étrangers4, à améliorer les rapports avec nos colonies des territoires occupés. Il suffirait, pour tout arranger, que la poste régulière fût rétablie, mais il est douteux que pareil miracle se produise avant longtemps. On a aujourd’hui autre chose à charger sur les bateaux que lettres et colis postaux.
J’ajoute, pour terminer, qu’il est assez problématique que, sous un régime japonais, nos compatriotes d’Extrême-Orient parviennent à reconquérir jamais les positions perdues du chef de l’occupation. Leur condition va donc probablement empirer avec le temps et le jour viendra - et peut-être plus tôt qu’on ne le pense - où il faudra quand même songer à un rapatriement collectif. Ce sera très malheureux pour nous, et ce n’est sans doute pas sans avoir tout tenté que nous nous inclinerons devant l’inévitable. Il ne faut pas oublier qu’à la faveur de ses retentissantes victoires, le Japonais sera plus envahissant que jamais. Ayant le nombre pour lui combiné avec l’amour des monopoles, il ira et s’insinuera partout et, son genre de vie aidant, il ne sera guère possible aux concurrents étrangers plus ou moins tolérés de lutter à armes égales. Si le Japon venait à s’affirmer définitivement dans les territoires où flotte maintenant son drapeau, les temps de l’étranger en Extrême-Orient seraient révolus.
En attendant, je m’inspirerai des instructions télégraphiques que vous m’avez envoyées quant à l’attitude que doivent adopter nos compatriotes dans les territoires occupés à cette heure d’épreuve et d’amertume. Je leur transmettrai la consigne et nous ferons tout ce qui dépend de nous pour leur fournir l’assistance aussi bien morale que financière dont ils auront certainement besoin.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 3/402. Colonies suisses au Japon et dans les territoires occupés.↩
- 2
- Sur la situation des Suisses dans les Indes néerlandaises, cf. No 218.↩
- 4
- En effet la Légation de Suisse représente les intérêts au Japon des pays suivants: Chili, Colombie, Cuba, République dominicaine, Egypte, Empire britannique, Etats-Unis d’Amérique, Guatémala, Irak, Iran, Nicaragua, Panama, Pérou, Vénézuéla, tandis que le Japon a confié la représentation de ses intérêts à la Suisse en Egypte et dans l’Empire britannique.↩
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