Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.14. ITALIE
2.14.1. RELATIONS ÉCONOMIQUES
Également: Lettre collective des 6 principales holdings suisses du secteur électrique, pour le Chef du DPF. Bref historique et description de leurs intérêts en Italie. Leur importance pour l’économie suisse. Les holdings souhaitent continuer à pouvoir récupérer comme par le passé leurs dividendes par le biais du clearing italo-suisse. Annexe de 20.5.1942
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 14, doc. 198
volume linkBern 1997
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1552#7354* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1552 232 | |
Titre du dossier | Italienisch-schweiz. Wirtschaftsverhandlungen (1941–1943) | |
Référence archives | C.21.21.1 • Composant complémentaire: Italien |
dodis.ch/47384
Notice de l’Attaché de Légation à la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Aubaret1
ENTRETIEN DE M. KOHLI AVEC MM. CAFLISCH, BARTH ET PAYOT CONCERNANT LA PROTECTION DES INTÉRÊTS DES CRÉANCIERS FINANCIERS LORS DES PROCHAINES NÉGOCIATIONS AVEC L’ITALIE. LE 28 MAI 1942 À 11 H 15.
M. Payotremet à M. Kohli la lettre que les six principaux trusts suisses ont adressée à M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz en date du 20 mai2 pour lui exposer les desiderata des créanciers financiers et particulièrement ceux des holdings suisses à l’occasion des prochaines négociations avec l’Italie. Il résume brièvement le contenu de cette adresse (voir copie en annexe) et prie M. Kohli de la soumettre à la bienveillante attention du Chef du Département politique.
M. Kohliremercie et déclare qu’il ne manquera pas de faire tenir cet exposé au Chef du Département.
M. Payotsouligne le rôle des grands trusts si favorable à l’industrie suisse par les nombreux débouchés qu’ils lui ont ouverts à l’étranger au cours de ces 40 dernières années. Aussi serait-il équitable d’assurer une protection suffisante de ces créanciers financiers qui représentent non seulement de gros intérêts suisses mais aussi ceux de nombreux petits épargnants qui leur ont confié leurs économies en devenant actionnaires. L’occasion paraît particulièrement opportune de tenir compte de ces intérêts - mieux encore que par le passé - lors des prochaines négociations italo-suisses, car il serait fort désirable que les créanciers financiers n’aient pas à supporter seuls ou presque les conséquences de la situation actuelle, et que tous les créanciers suisses bénéficient d’un même traitement. Ceci spécialement si une réduction de la quote-part venait à être envisagée.
Le système de clearing en vigueur jusqu’ici est considéré comme bon par les créanciers financiers qui sont d’avis d’en rester si possible à ce genre de clearing «total». Ils préféreraient même un clearing encore plus «total», permettant un meilleur contrôle des transferts et évitant - pour plus de clarté - trop d’exceptions et de comptes spéciaux. Les trusts agissent, en l’occurrence, en accord complet avec les représentants des créanciers financiers qui ont déjà pris connaissance de l’adresse à M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz.
Passant à différents points de détail, M. Payot expose que les créanciers financiers et les trusts sont absolument d’accord de faire le nécessaire pour parer à des abus tels que celui du transfert de capitaux sous le couvert de transferts de revenus.
En résumé, l’essentiel est de préparer le terrain à temps avant l’échéance du 30 juin3.
M. Kohlirépète que l’exposé sera soumis à M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz. Il rappelle que si nous sommes volontiers prêts à veiller autant que possible à la protection des intérêts des holdings suisses, nous sommes en revanche opposés à laisser les holdings étrangères, agissant sous couvert suisse, bénéficier des mêmes avantages. Ce serait en effet au détriment des véritables intérêts suisses et de l’efficacité de notre action vis-à-vis de l’étranger.
M. Payotprécise que les six trusts signataires représentent bien des intérêts suisses, - ce qui ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune controverse. Il donne à ce propos quelques exemples sur leur formation progressive et sur le rôle qu’ils ont eu au bénéfice de l’industrie suisse qui trouve des débouchés considérables dans leurs entreprises à l’étranger.
M. Kohli: Il serait bon de pouvoir établir une liste, même approximative, indiquant l’importance de cette activité des trusts pour l’industrie suisse.
MM. Barth et Payotexposent combien c’est difficile. Les trusts tentent de le faire, mais cela demande d’innombrables recherches dans le passé et la nécessité de contrôler l’origine d’une foule de commandes passées à des industries étrangères collaborant avec des industries suisses ou vice-versa.
M. Kohlicomprend ces difficultés. Revenant à l’Italie, il constate que jusqu’ici les revenus des créances financières ont pu être transférés au 100%, - ce que ses interlocuteurs se plaisent à admettre, tout en indiquant quelles sont leurs craintes pour l’avenir.
M. Kohli répond qu’il n’y a pas de raison de vouloir tout voir en noir. L’augmentation des prix et l’intensification du trafic commercial avec l’Italie - à condition évidemment que celle-ci puisse livrer ce qu’elle promet - doivent permettre de répondre aux besoins des créanciers financiers avec des disponibilités suffisantes au clearing. Il faudra évidemment compter avec des restrictions, - et c’est bien ce que les Italiens ont voulu laisser entendre en parlant d’un «plafond» de 3% lors des négociations de décembre et janvier derniers4. Le précédent de l’Allemagne, mal interprété d’ailleurs par les Italiens, leur sert d’argument comme il était à craindre. Nous leur avons d’ailleurs clairement répondu que nous étions prêts à effectuer nous-mêmes en Suisse les contrôles voulus pour éviter des abus tels que celui des transferts de capitaux camouflés en revenus et que nous ne saurions consentir à un règlement de cette question par le traité. Pour cela, l’appui des trusts nous sera nécessaire, dans leur intérêt même. Peut-être en outre parviendra-t-on à exclure du clearing des ayantsdroit actuels qui ne sont pas ressortissants suisses ou italiens.
M. Caflischadmet qu’il est juste de différencier le traitement applicable aux holdings suisses de celui applicable aux holdings étrangers.
Il est difficile d’établir une liste des commandes passées à l’industrie suisse, car toutes n’ont pas passé par les trusts, beaucoup ayant été données aux industries suisses directement par les entreprises travaillant à l’étranger.
M. Kohli: Nous ne désirons pas une statistique impeccable, mais des indications suffisantes pour servir de bonne base à notre point de vue.
M. Barthindique que c’est bien ainsi que l’a compris sa société par ex.
M. Kohlisuggère qu’on demande aussi des renseignements à l’industrie suisse elle-même, p. ex. à Brown-Boveri, Escher-Wyss, Sulzer, ou encore à des entreprises comme Landis & Gyr, ou même aux ingénieurs suisses.
M. Caflisch: La lettre à M. Pilet-Golaz ne fait que des suggestions d’ordre général, sans entrer dans des détails précis sur tel ou tel point.
A propos du «plafond», M. Caflisch estime que l’allusion faite par les Italiens lors des dernières négociations doit être considérée comme une simple manœuvre. Il n’en faudra pas moins veiller du côté suisse à empêcher les abus de se produire, qu’il s’agisse de tentatives de sociétés ou de créanciers particuliers.
Vouloir exclure du clearing les ayants-droit de nationalité étrangère serait, en revanche, de peu d’effet pratique (à peine 1 °7o probablement): seuls des étrangers domiciliés en Suisse seraient visés par une telle mesure, c.à.d. une forte petite proportion d’ayants-droit puisque les sociétés représentant une majorité d’intérêts étrangers ne sont - déjà aujourd’hui - pas admises au clearing.
M. Payot, après avoir demandé l’avis de M. Kohli, indique qu’il communiquera copie de la lettre à MM. Hotz, Hornberger, Schnorf.
Revenant à la question de la quote-part, M. Payot demande qu’on cherche à obtenir des Italiens que les revenus qui pourraient éventuellement ne pas être transférés par le clearing soient considérés comme «lires de réinvestissement», c.à.d. comme «lire vecchie» utilisables pour constituer des «lire miste»5.
M. Kohlifait allusion aux négociations amorcées quant à l’emploi des «lire vecchie», en relevant qu’elles sont loin d’avoir abouti.
En ce qui concerne le traitement applicable aux différentes catégories de créanciers suisses, il est évident qu’en principe tous doivent être traités également. Mais il ne faut pas oublier que... sans exportations nous n’aurions pas non plus d’importations permettant de payer les créanciers financiers. Il est donc indispensable de faire en sorte que les exportations soient maintenues.
M. Payot: Si nos actionnaires ne reçoivent plus de revenus suffisants, ils ne pourront plus acheter d’oranges italiennes!
Il est nécessaire de faire admettre d’une manière générale le bien-fondé des prétentions des créanciers financiers trop souvent considérés avec une certaine hostilité et traités en... «parents pauvres»!
M. Kohlirelève l’amélioration déjà obtenue dans ce domaine et la compréhension dont font déjà preuve les autres intéressés et les autres autorités.
Pour terminer, il est convenu que les trusts fourniront encore pour la France6, comme ils ont entrepris de le faire pour l’Italie, des précisions sur l’importance de leur rôle pour l’économie suisse et sur leurs desiderata.
Enfin, M. Kohli donne quelques indications sur l’état actuel des pourparlers avec l’Italie.
- 1
- E 2001 (D) 2/232.↩
- 2
- Cf. annexe au présent document.↩
- 3
- A partir de cette date cesseront d’être en vigueur les accords conclus entre la Suisse et l’Italie depuis le 1er janvier 1935, et notamment l’accord de clearing (cf. No 182).↩
- 4
- Cf. No 148 et annexe.↩
- 5
- A ce sujet, cf. l’Accord entre la Confédération suisse et le Royaume d’Italie concernant l’application de l’Accord du 3 décembre 1935 aux paiements afférents aux créances financières, conclu à Rome le 22 juin 1940, en particulier les art. 5 à 7, RO, 1940, II, pp. 1047-1053. Cf. aussi DDS, vol. 13, doc. 322, dodis.ch/47079.↩
- 6
- Cf. No 215.↩
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