Classement thématique série 1848–1945:
V. AFFAIRES MILITAIRES ET FAITS DE GUERRE
4. Contacts militaires avec l’étranger
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 13, doc. 308
volume linkBern 1991
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2809#1000/723#28* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2809(-)1000/723 2 | |
Titolo dossier | Conférence avec le Général (1939–1941) | |
Riferimento archivio | 3 |
dodis.ch/47065
Une note interne de l’E.M.G.2 a attiré l’attention sur le problème des conventions militaires à conclure ou à ne pas conclure dans l’éventualité du cas N.
La solution de ce problème extrêmement délicat et d’une importance capitale est de la compétence du Conseil fédéral. Elle pose toutefois diverses questions militaires au sujet desquelles il convient que le Commandant en chef de l’Armée se prononce avant qu’une décision soit prise. Cette décision ne peut intervenir qu’au dernier moment, car, si le problème comporte certains éléments constants, il est dominé par un élément variable: la situation générale politique et militaire, qui évolue au jour le jour.
La décision à intervenir est entièrement libre. Rien ne la préjuge en droit.
Le traité de Paris du 20 novembre 1815, notamment, donne à la Suisse une base juridique pour appeler à l’aide en cas d’agression. Il ne l’oblige nullement à le faire.
Par la déclaration de Londres du 13 février 19203, la Suisse s’est engagée à faire «tous les sacrifices pour défendre elle-même son propre territoire en toutes circonstances». Mais elle reste libre de se défendre seule ou avec d’autres puissances.
Le 4 décembre 1917, les Gouvernements français, anglais et américain renouvelèrent leur précédente déclaration de neutralité sous réserve «que leurs ennemis n’auraient pas pénétré sur son territoire»4. Le Conseil fédéral répondit qu’il lui appartenait seul, en vertu de sa souveraineté et conformément aux déclarations des Congrès de Vienne et de Paris, de prendre les mesures nécessaires à la défense de la Suisse. Il était donc décidé à maintenir la neutralité par ses propres forces et, le cas échéant, à s’opposer à toute violation de la frontière. Cette réponse se terminait par ces mots: «La Confédération revendique pour elle seule le droit de décider si et dans quelles conditions il lui conviendrait de faire appel au concours des puissances étrangères». Cette revendication a été réaffirmée à diverses reprises. Elle n’a jamais été contestée.
La Suisse n’a d’autre part, en raison de sa neutralité, conclu aucun accord ni entrepris aucun pourparler en vue d’organiser une coopération avec un autre Etat pour le cas où elle serait attaquée.
Le problème ne comporte donc qu’une question d’opportunité: Est-il avantageux pour la Suisse de se défendre seule ou d’appeler un autre Etat à l’aide?
Le Président Max Huber affirmait dans une conférence faite l’automne dernier à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich: «Es ist... wichtig festzuhalten... dass die Stellung eines kleinen Staates innerhalb einer selbstsiegreichen Allianz wenig vorteilhaft ist.» Sans doute un petit Etat ne peut-il espérer vaincre seul un ennemi très supérieur en nombre, mais, en s’alliant avec un ou plusieurs Etats plus puissants que lui, il paie d’avance les chances d’une victoire commune en aliénant une partie de son indépendance au profit de ses alliés. Il doit subordonner son armée à un haut commandement étranger. Il perd sa liberté d’action politique, économique et financière pour rester dans tous les domaines solidaire de ses associés. Il a fallu vingt ans à la Belgique pour s’affranchir de la tutelle franco-britannique sous laquelle la guerre de 1914/1918 l’avait placée. En cas de défaite, sa faiblesse le rend plus vulnérable que ses alliés. En cas de victoire, les intérêts du faible ne sont satisfaits qu’au prorata de la force qu’il a apportée à la coalition.
Une victoire finale ne suffit donc pas à elle seule à contrebalancer les inconvénients d’une alliance. Ces inconvénients ne sont compensés que si l’intervention d’un allié puissant a pour effet d’éviter, au moins en partie, au petit pays l’envahissement et le ravage de son territoire par l’ennemi. Cet effet ne peut être atteint que si le concours militaire qui lui est donné est assez rapide et assez massif pour lui permettre de tenir et de vaincre chez lui.
Le sort de l’Etat allié dont le territoire a été entièrement conquis et dont l’existence nominale ne repose plus que sur un gouvernement sans pouvoir effectif et sur les débris d’une armée reconstituée en terre étrangère n’est certainement pas meilleur que le sort de l’Etat qui s’est battu seul et a succombé. Il est probable qu’il est pire, car il subit des représailles, non seulement pour des faits dont il est responsable, mais aussi pour les actes de ses alliés. La guerre durera pour l’Etat envahi aussi longtemps que pour ses alliés, sauf une paix séparée qui ne peut être meilleure que s’il s’était battu seul et l’exposera de plus au reproche de trahison. Si, en définitive, l’envahisseur est vaincu, les chances du petit Etat seront peut-être influencées par son appartenance à la coalition victorieuse, mais l’Etat qui s’est battu seul et a succombé profitera lui aussi de la défaite de son ennemi, surtout s’il a pu se refuser à un règlement définitif.
L’exemple de la Finlande montre qu’un petit Etat qui résiste par les armes à un adversaire très supérieur en nombre peut, même réduit à ses seules forces, espérer sauvegarder son indépendance et se faire respecter de son adversaire. Il montre aussi que l’absence d’un secours militaire ne le prive pas nécessairement de toute aide du dehors, notamment dans le domaine économique et financier. Pour accepter la guerre sans pouvoir croire à la victoire et se passer de l’espérance qu’un allié apportera ce qui manque (aviation, munitions, vivres, etc.), il faut, toutefois, qu’un peuple ait une force morale peu commune.
A ces remarques d’ordre général s’ajoutent pour la Suisse, dans le cas N, les considérations ci-après:
a) Si la Suisse appelle une aide de l’Ouest et place son armée sous un commandement étranger, la défense sera organisée de façon à retarder le plus longtemps possible une avance de l’ennemi en direction de l’ouest et les mesures qui seront prises à cet effet ne seront peut-être pas celles qui permettraient à l’armée suisse de tenir elle-même le plus longtemps possible en utilisant les ressources de son terrain.
b) Une aide O. aurait, dans les conjonctures présentes, pour conséquence de provoquer une attaque venant du Sud contre la Suisse, qui aurait ainsi à se battre au nord et au sud des Alpes. Cette éventualité redoutable pourrait peut-être être évitée et même transformée en bons offices si la Suisse se défendait seule.
c) On peut espérer qu’en cas de défaite, l’attitude de l’envahisseur serait plus conciliante si la Suisse s’était défendue seule que si elle faisait partie d’une coalition. Il serait, toutefois dangereux de se faire trop d’illusions à cet égard en raison des aspirations pangermanistes avec lesquelles il faudrait compter.
d) Au rétablissement de la paix générale, la Suisse pourrait plus facilement revenir à son statut de neutralité traditionnelle si elle s’est défendue seule que si elle a appartenu à une coalition5.
- 1
- E 2809 1/2. Paraphe: UW.↩
- 3
- Cf. DDS, vol 6, Nos 364 (dodis.ch/43639), 365 (dodis.ch/43640), 367 (dodis.ch/43642) et 368 (dodis.ch/43643).↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 6, doc. 364, dodis.ch/43639, doc. 365, dodis.ch/43640, doc. 367, dodis.ch/43642, doc. 368, dodis.ch/43643.↩
- 5
- Le 17 juin 1940, le Président de la Confédération, M. Pilet-Golaz, adresse une lettre au Général Guisan: Pour examiner les questions soulevées par la note que le colonel Logoz vous a remise et dont il m’a fait tenir une copie, questions qui depuis ont été étudiées par mon département du point de vue de la politique extérieure, j’aimerais avoir un entretien avec mes collègues de la délégation, M. Minger et vous-même.Pilet-Golaz propose que la rencontre ait lieu le 19 juin à son domicile. Sur les conséquences de cette conférence, cf. la lettre du Général Guisan du 25 juin 1940, publiée en annexe III au No 316.↩
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