Groupe d’Oslo
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 13, doc. 172
volume linkBern 1991
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1551#6067* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 198 | |
Titre du dossier | Conférence des Ministres des Affaires étrangères des Pays du Nord, Copenhague 1938; Konferenz der Oslostaaten betr. die wirtschaftliche Neutralität, Brüssel 1939 (1938–1948) | |
Référence archives | B.75.1 |
dodis.ch/46929
En complément des informations que nous vous avons fournies les 20, 22, 23
et 25 de ce mois2 sur les principaux aspects de l’actualité politique, nous avons
l’honneur de porter à votre connaissance, sur la Suisse et le groupe d’Oslo, les renseignements ci-après:
Depuis quelques années, le Danemark et les deux états de la Scandinavie, la
Norvège et la Suède, ont constitué un groupement connu sous le nom de groupe des états d’Oslo.
Il semble bien qu’à l’origine, le but que l’on se proposait d’atteindre ait été
défini par une convention dite «accord d’Oslo» de 1930, qui porte notamment sur des questions de politique douanière et sur les rapports commerciaux entre les états contractants. Le groupe tient, depuis lors, des conférences périodiques auxquelles les ministres des affaires étrangères des trois pays ont l’habitude de prendre part.
Des conversations ont eu lieu également en marge des assemblées de la
Société des Nations.
Le but premier paraît s’être rapidement élargi et les rencontres subséquentes ont plutôt facilité des échanges de vues «sur les questions de politique générale ainsi que sur d’autres problèmes offrant un intérêt commun».
Le 16 juin 1938, M. Munch, ministre des affaires étrangères du Danemark, agissant en son nom personnel et en celui de ses deux collègues, invita un nombre d’états plus élevé à se rencontrer à Copenhague les 21 et 22 juillet. L’élargissement du groupe devait s’étendre à la Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et à la Suisse.
La réunion de Copenhague se proposait d’élucider certains problèmes tels que celui de la neutralité et les sanctions économiques, telles qu’elles sont prévues aux termes de l’article 16 du pacte de la Société des Nations.
Or, la Suisse avait recouvré depuis le 14 mai précédent sa neutralité intégrale dans le cadre de la Société des Nations3 et nous ne tenions pas beaucoup à voir se rouvrir, même dans le cadre restreint de la conférence de Copenhague, un débat que nous avions tout intérêt à considérer comme clos.
Le Conseil fédéral fut d’avis de refuser l’invitation du ministre danois, l’opinion publique suisse admettant difficilement les voyages à l’étranger des membres du gouvernement, et le gouvernement lui-même ayant pris l’habitude de réduire les exceptions aux cas extraordinaires.
La conférence de Copenhague avait décidé de tenir à Bruxelles sa prochaine session, et celle-ci a eu lieu le 23 août 1939.
La Belgique aurait eu l’intention d’élargir encore le cadre du groupe d’Oslo et d’y inviter l’Espagne, peut-être aussi le Portugal, voire même la Roumanie.
Il n’en reste pas moins vrai que les états représentés à Bruxelles le 23 août étaient: la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Grand Duché du Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède.
La Belgique paraît avoir attaché un très grand prix à cette manifestation, et notre légation à Stockholm nous a donné à ce sujet les informations suivantes:
«Sa convocation est due à une initiative absolument personnelle du roi des Belges. C’est aux environs du 10 août qu’il en entretint le président du conseil, M. Pierlot, qui se rallia aussitôt à l’idée royale. Aucun autre membre du cabinet belge n’en eut connaissance avant que la réunion ne fût assurée.
Un diplomate belge attaché au ministère des affaires étrangères, le prince de Ligne, fut immédiatement dépêché par avion auprès des rois de Suède, d’abord, de Danemark et de Norvège, ensuite. Les trois souverains, d’entente avec leurs ministères des affaires étrangères, firent bon accueil à la proposition venue de Bruxelles. La Finlande fut ensuite saisie et un envoyé spécial également chargé de la même mission auprès de la reine des Pays-Bas.
Le roi des Belges eût souhaité associer d’autres états encore à la manifestation de paix qu’il envisageait, tels le Portugal et, le cas échéant, l’Espagne, ainsi que la Roumanie et tout particulièrement la Suisse. Les pays du nord firent objection à ce projet. La Norvège aurait été seule, cependant, à formuler une réserve quant à la Suisse, estimant préférable de ne s’adresser qu’aux pays du groupe d’Oslo. A Bruxelles, où l’on tenait à la participation de la Suisse, on fit un nouvel effort à cet effet en envoyant voler le prince de Ligne une deuxième fois vers le nord. Il en aurait rapporté l’acquiescement général à la convocation de la Suisse. Mais cela avait pris du temps et c’est ainsi que l’invitation envoyée à Berne subit un regrettable retard4.»
Un premier résultat de la conférence de Bruxelles fut l’appel en faveur de la paix dont le roi Léopold a donné lecture, le 23 août au soir, avant le dîner offert à Bruxelles en l’honneur des ministres des affaires étrangères du groupe.
Comme le Danemark l’avait fait en 1938, la Belgique, elle aussi, a invité le Conseil fédéral et celui-ci a, derechef, décliné l’invitation.
Le communiqué publié à l’issue de la séance du Conseil fédéral a la teneur suivante:
«Le chef du Département politique a rendu compte au Conseil fédéral des raisons de politique générale pour lesquelles il n’a pas été possible de donner suite à la démarche faite le 22 août par le ministre de Belgique à Berne tendant à ce que le gouvernement fédéral se fasse représenter, le lendemain, à Bruxelles, à la conférence des délégués des gouvernements des états du groupe d’Oslo. Le Conseil fédéral a approuvé cette attitude. Il a cependant pris connaissance avec sympathie de l’appel que le roi des Belges a formulé, au nom des chefs d’états représentés, à l’issue de la conférence de Bruxelles. Les nobles paroles du roi Léopold III rencontrent sa pleine adhésion morale.»
La conférence de Bruxelles a eu pourtant un autre résultat. Notre légation en Belgique l’esquissait le 23 août en ces termes:
«Un second point pourrait faire l’objet des discussions de la conférence, c’est-à-dire les répercussions d’un conflit éventuel sur les états signataires de la convention d’Oslo. Ici deux questions priment: celles de la défense nationale et celle du ravitaillement.
On s’attend d’autre part à une déclaration de la part des états d’Oslo faisant ressortir leur ferme volonté de maintenir une stricte indépendance et leur neutralité.
Selon la presse belge, le travail le plus utile pourrait être fourni sur la question du ravitaillement des différents pays en cas de guerre. Ce travail devrait consister à rechercher les moyens de se venir mutuellement en aide, vu les restrictions inévitables qui se produiraient dans les transports maritimes internationaux et de trouver une solution pratique à ces problèmes.»
En effet, la légation de Belgique à Berne nous informait, le 28 août, de la décision qui avait été prise par la conférence de poursuivre l’étude des intérêts communs aux états du groupe, notamment sur les points suivants:
1°) contrôle des échanges commerciaux en temps de guerre;
2°) ravitaillement, transports maritimes, etc. en temps de guerre;
3°) statut de la neutralité.
Le gouvernement belge demandait également si la Suisse pourrait s’associer au comité permanent constitué pour l’étude de ces problèmes.
Dans sa séance du 2 septembre5, le Conseil fédéral, tout en estimant ne pas pouvoir faire adhésion au groupe d’Oslo et au comité permanent de Bruxelles, a retenu tout l’intérêt qu’il y aurait pour la Suisse à être au courant des points de vues d’autres états neutres sur des questions qui se posent également pour notre pays. Il a proposé, en conséquence, que la Suisse soit autorisée à «assister» aux délibérations du comité permanent, ce qui a été accepté, et par la Belgique, et par les autres états neutres du groupe.
Notre intention n’est pas de nous étendre plus longuement sur les travaux qui se poursuivent au sein du comité et de ses deux sous-comités. M. de Stoutz nous renseigne à ce sujet et nous pourrons, le moment venu et si besoin est, vous transmettre des informations.
Nous voudrions plutôt commenter brièvement les raisons du refus que nous avons opposé aux invitations danoise et belge ainsi que les motifs de la décision que le Conseil fédéral a prise de se faire représenter au comité permanent par un observateur.
Notre neutralité diffère de celles des autres états neutres en ceci qu’elle est perpétuelle, contractuelle, et que la Suisse l’a érigée en maxime d’état, ce qui nous permet de parler de son caractère spécial, voire unique. Ce caractère exceptionnel a d’ailleurs été reconnu le 14 mai 1938 par la Société des Nations elle-même. Notre pays éprouve également une certaine appréhension, justifiée à notre avis, à l’égard de toute politique d’association. Nous préférons régler nos difficultés nous-mêmes, prendre des mesures autonomes de protection ou de surveillance, conformes à nos besoins, à nos moyens et à nos usages.
Le groupe d’Oslo ne compte que des états riverains de la mer et il n’est pas impossible que ces états se trouvent, du fait de leur situation géographique, plus soumis que nous aux pressions que pourraient être tentés d’exercer sur eux les deux groupes de belligérants.
La mesure que nous avons prise et qui consiste simplement à être tenus au courant des travaux du comité de Bruxelles nous paraît marquer d’une façon suffisante notre solidarité à l’égard des autres pays neutres, souligner, sans y insister, notre situation particulière et, enfin, satisfaire le besoin que nous pouvons éprouver d’informations et de renseignements. Nous sommes donc d’avis, pour le moment, de persister dans notre attitude et de poursuivre dans la voie où nous nous sommes engagés.
- 1
- (Copie): E 2001 (D) 1/198.↩
- 2
- Non reproduites.↩
- 3
- Cf. E 2001 (D) 1/21, E 2001 (D) 3/299, E 2001 (D) 4/1 et 2.↩
- 4
- En bas de page: N.B. Nous avons, en effet, reçu l’invitation belge la veille de la conférence.↩
- 5
- Cf. E 1004.1 1/389, No1681. Dans la séance du 29 août, le Chef du Département politique avait informé ses collègues de la demande du Ministre de Belgique à Berne; puis Motta avait proposé de répondre dans le sens indiqué dans le présent document. Toutefois, le Chef du Département de l’Economie publique, H. Obrecht, avait demandé l’ajournement de la décision. Lors de la séance du 2 septembre, Obrecht apporta son adhésion à la proposition de Motta qui fut adoptée par le Conseil fédéral.↩
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