Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
B. AVEC LES ÉTATS EUROPÉENS NON LIMITROPHES
6. Grande-Bretagne
6.1. Affaires politiques et militaires
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 21
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#485* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 232 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 33 (1939–1939) |
dodis.ch/46778
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre dépêche confidentielle du 3 courant2 à laquelle était annexé le texte d’un rapport du 31 janvier, de mon collègue aux Pays-Bas. Je saisis cette occasion pour vous exprimer en même temps mes remerciements pour votre lettre du 31 janvier qui se réfère à mes R.P. Nos 5 et 63 et à laquelle était jointe la copie d’une dépêche de M. le Ministre Frölicher du 17 janvier4.
Je crois être en mesure de vous renseigner d’une façon à peu près exacte sur les circonstances qui ont amené M. Patijn à parler à M. de Pury de consultations entre Londres et Paris concernant l’intégrité des territoires néerlandais et suisse. Mes renseignements proviennent d’un entretien avec le Chargé d’Affaires des Pays-Bas et, en outre, d’une source «directe» que je ne suis pas autorisé à nommer et qui, selon moi, peut avoir été l’informateur originaire de mon interlocuteur hollandais.
En utilisant les informations recueillies, je reconstruis ce qui s’est passé de la façon suivante:
Le Foreign Office, ou peut-être le Cabinet lui-même, inquiété par les rumeurs de préparations ou projets nazistes, a examiné la position qui se présenterait dans l’éventualité d’une agression allemande contre la frontière orientale de la Hollande. L’intégrité du territoire néerlandais constituant pour la Grande-Bretagne un intérêt vital, le Foreign Office s’est mis à consulter la France afin que les deux Gouvernements s’entendent secrètement sur une attitude ou une action commune pour le cas où la Hollande viendrait à être sérieusement menacée du côté est.
Les deux parties furent d’accord sur le fait que pareille attaque toucherait directement la sécurité des Iles Britanniques et indirectement celle de la France et que, dès lors, une entente définie à ce sujet serait chose à examiner de près. Cependant, du côté français, on a saisi l’occasion pour faire ressortir que, ce que les Pays-Bas sont pour la Grande-Bretagne, la Suisse l’est dans la même mesure pour la France. Donc un arrangement de précaution franco-britannique devrait comprendre non seulement la Hollande, mais aussi la Suisse.
Je n’ai pas pu savoir d’une manière certaine s’il y a eu des échanges de vue proprement dits entre le Foreign Office et le Quai d’Orsay. Je suis enclin à dire qu’il ne s’est agi jusqu’ici que de conversations plus ou moins provisoires entre Lord Halifax et M. Corbin, conversations au sujet desquelles les deux Gouvernements furent tenus au courant. La Belgique, paraîtrait-il, a également été attirée à un moment donné, mais je ne sais pas quelle fut l’attitude que l’Ambassadeur de Belgique avait été chargé d’adopter par Bruxelles. Dans tous les cas, je ne crois pas me tromper en disant que le champ des échanges de vue n’a pas dépassé les milieux diplomatiques de Londres.
Les choses en sont restées là. Il n’y a pas eu de négociations entre les Ministères des Affaires Etrangères et il semble que, jusqu’à nouvel ordre, on ne poursuit pas plus loin ce projet. Mon interlocuteur hollandais m’a encore dit que sa première source d’information s’était dédite peu de jours après lui avoir causé, l’informant que sa communication était due à une confusion et qu’il ne fallait pas en faire usage. Sans doute, au moment de l’entretien Patijn-de Pury, cette rectification n’était-elle pas encore entre les mains du Ministère hollandais des Affaires Etrangères.
Or, je n’ai aucune raison pour croire qu’il y ait eu confusion. La chose s’est sans doute passée comme je viens de l’exposer. Mon collègue de Hollande est d’ailleurs de mon avis. Mais on s’est apparemment dit, au sein du petit cercle qui s’occupait de ce projet, qu’il vaudrait mieux le garder secret et qu’il faudrait effacer autant que possible la trace de l’information communiquée, à titre secret il est vrai, mais d’une façon très positive quand même.
Jusqu’ici, la presse n’a fait aucune mention directe de ce projet. Je sais cependant que certains journalistes en ont connaissance depuis quelque temps déjà. S’ils n’en ont pas parlé, c’est évidemment par suite des instructions reçues des quartiers officiels.
Je comprends fort bien votre point de vue de ne pas vouloir faire des sondages au Foreign Office. Tout en n’ayant pas d’intérêt à décourager de pareilles mesures de protection à notre égard, nous devons cependant éviter de donner l’impression d’avoir nous-mêmes quoi que ce soit à faire avec ce projet. Nous ne pouvons pas empêcher les autres de prendre des précautions pour l’éventualité d’une situation internationale dans la nature de laquelle rentre géographiquement et stratégiquement, entre autres, la Suisse, mais nous pouvons, vu notre neutralité, l’ignorer, tout en tâchant, bien entendu, de savoir aussi exactement que possible ce qui en est. Un sondage au Foreign Office pourrait facilement induire en erreur au sujet de notre attitude.
Nous possédons d’ailleurs déjà les indications voulues de ce côté-là. Lord Halifax m’a déclaré, comme vous le savez, que la situation de notre pays n’a pas fait l’objet d’un examen au sein du Cabinet. Il n’a pas ajouté que, d’autre part, le Foreign Office s’en est occupé. Or, puisque je crois savoir que le Foreign Office a en effet fait certaines études, à la suite des conversations susmentionnées, sur les possibilités en Hollande et en Suisse, les milieux dirigeant la politique étrangère sont évidemment arrivés à la conclusion qu’il est plus prudent de garder le silence et de ne pas attirer l’attention des Gouvernements de Berne et de La Haye, ou de leurs représentants à Londres. Cette ligne de conduite fut sans doute aussi la raison de la rectification subséquente de la première information donnée au Chargé d’Affaires des Pays-Bas.
Donc, en résumé, je dirais que:
1. l’information comme telle est, dans ses lignes principales, exacte;
2. le Foreign Office (ou le Cabinet) juge indiqué de garder le secret et de répondre négativement ou évasivement à des sondages venant des côtés hollandais ou suisse;
3. le projet se trouve actuellement en suspens en ce sens qu’il a peut-être été abandonné jusqu’à nouvel ordre. On ne se trompera pas en prévoyant une reprise des pourparlers dans un avenir plus ou moins rapproché suivant les événements;
4. j’ai personnellement des indications dignes de confiance que, dans le cas où un arrangement serait conclu, le Foreign Office et le Quai d’Orsay s’arrangeraient de façon à ce que les Gouvernements Suisse et Néerlandais n’en sachent rien - officiellement ou officieusement -, ce qui ne nous empêcherait probablement pas de nous procurer autrement, dans les lignes essentielles, l’information dont nous aurions besoin.
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