Classement thématique série 1848–1945:
IV. RÉFUGIÉS, IMMIGRATION, POLICE DES ÉTRANGERS
IV.1 LA SUISSE ET L'IMMIGRATION JUIVE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 12, doc. 423
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001D#1000/1553#5750* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 266 | |
Titolo dossier | Politische Flüchtlinge aus Deutschland und Österreich - Allgemeines (1938–1945) | |
Riferimento archivio | B.41.21.1 • Componente aggiuntiva: Deutschland |
dodis.ch/46683 Le Ministre de Suisse à Bruxelles, M. de Stoutz, au Chef de la Division de Police du Département de Justice et Police, H. Rothmund1
J’ai l’honneur de confirmer ma communication téléphonique d’hier soir à M. Baechtold:
Dans la journée d’hier, le Directeur de l’Agence à Bruxelles des Chemins de fer fédéraux nous avait signalé une très forte demande de billets pour la Suisse de la part de réfugiés juifs allemands. Comme à ce mouvement ne correspondait pas une augmentation des demandes de visas à la Légation, nous en avons conclu que tout ce monde allait sans doute tenter d’entrer en Suisse subrepticement. J’ai cru devoir vous en prévenir aussitôt.
Recherchant les raisons de cette subite fuite vers la Suisse, je suis allé aux Affaires étrangères demander à M. Costermans si quelque nouvelle mesure de rigueur venait d’être prise à l’égard des Juifs allemands en Belgique. M. Costermans, qui n’avait pas connaissance d’une telle mesure, a aussitôt téléphoné au Ministère de la Justice, d’où il a appris qu’il venait d’être procédé, depuis deux jours, dans certains quartiers de Bruxelles à des rafles, qui avaient amené l’arrestation d’un assez grand nombre de Juifs en vue de la vérification des conditions dans lesquelles ils étaient entrés en Belgique. 2500 environ de ces réfugiés sont entrés en Belgique subrepticement en un peu plus d’un mois avec la connivence des autorités allemandes. Une invasion de ce genre, par fournées nocturnes parties d’Aix-la-Chapelle, avait déjà été constatée au cours de l’été dernier. C’est maintenant de Montjoie que se déverse sur le territoire belge ce flot d’émigrants. Il en arrive pas mal aussi par le Luxembourg. C’est cet état de choses qui a décidé le Ministère de la Justice à procéder aux rafles signalées plus haut.
Et ceci m’amène à parler des expériences faites dans l’application de la circulaire du Département de Justice et Police du 4 octobre concernant le contrôle de l’entrée en Suisse des émigrés allemands. Beaucoup de porteurs de passeports allemands neufs se sont présentés ces derniers temps à la Légation. Aucun de ces passeports n’était muni du signe distinctif convenu avec l’Allemagne pour les passeports délivrés aux Juifs. Renseignements pris au Consulat et à la Légation d’Allemagne, ceux-ci sont encore sans instructions de Berlin à ce sujet. Au surplus, quand il est demandé au porteur d’un passeport allemand s’il est non aryen et que, sur sa réponse affirmative, il est invité à passer au Consulat d’Allemagne pour faire munir son passeport du signe distinctif, il se rebiffe invariablement et conteste qu’il puisse appartenir à une Légation de Suisse de lui prescrire d’aller solliciter une intervention du Consulat d’Allemagne. Quand on lui explique que c’est en vertu d’un arrangement conclu entre la Suisse et l’Allemagne que cette mesure est nécessaire, il s’indigne de voir la Suisse de connivence avec l’Allemagne dans les mesures de persécution dirigées contre les Israélites. Beaucoup - et peut-être se trouve-t-il parmi eux des aryens? - estiment infamant qu’on leur pose la question: «aryen ou non aryen? » Nous avons pris le parti de leur dire à tous que le passeport qu’ils présentent n’est pas passible du visa suisse et qu’ils peuvent le présenter tel quel pour l’entrée en Suisse, mais qu’ils s’exposent à être refoulés s’ils sont non aryens; qu’ils peuvent parer à ce risque en obtenant du Consulat d’Allemagne l’apposition du signe distinctif « J», au vu duquel la Légation de Suisse pourra examiner la possibilité de munir leur passeport de 1’«assurance de l’autorisation de séjourner en Suisse 8 jours au maximum».
Toutes ces explications sont fort mal accueillies, notamment de certains Juifs établis depuis très longtemps en Belgique, qui y sont à la tête d’affaires importantes et qui ont l’habitude de combiner leurs voyages d’affaires en Suisse avec des séjours dans nos stations alpestres. Ces Juifs-là déclarent tous que, si tel est le traitement auquel ils doivent être soumis de la part de la Suisse, le tourisme suisse peut les considérer comme à jamais perdus pour lui. Questionné sur l’importance qu’il attribue à cette perte, le Chef de l’Agence du tourisme suisse à Bruxelles nous dit qu’elle n’est certainement pas négligeable. La clientèle de ces Israélites-là représente pour notre tourisme un appoint qui est à considérer. La question se pose, dès lors, de savoir si vos dernières prescriptions sont susceptibles de quelque atténuation en faveur de ces Juifs depuis longtemps et solidement établis en Belgique. Nous ne nous dissimulons pas, d’ailleurs, la difficulté d’introduire un traitement différentiel en faveur d’une certaine catégorie d’Israélites. Je n’en estime pas moins devoir poser la question.
Il s’avère que, ces tout derniers jours, le Consulat d’Allemagne a pris sur lui d’apposer, sur demande, le signe distinctif, sans attendre d’avoir reçu des instructions dans ce sens.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 3/266.↩
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