dodis.ch/46597
Le Chef de la Division des A ff aires étrangères du Département politique,
P. Bonna, à l’ancien Ministre de Suisse à
Rome,
G. Wagnière1
Confidentielle
Berne, 7 juillet 1938
Ainsi que M. J.-F. Wagnière vous l’a exposé verbalement, le Ministre de Grande-Bretagne à Berne a été chargé par son Gouvernement de demander2 au Conseil fédéral de désigner un officier suisse comme membre d’une commission d’enquête, à laquelle participeraient également des représentants de la Grande-Bretagne, de la Norvège et des Pays-Bas, pour élucider sur place, dans chaque cas particulier, si les bombardements de villes ouvertes en Espagne poursuivent ou non des buts militaires. Dans l’idée du Gouvernement britannique, cette commission, qui se trouverait en liaison avec le Comité de nonintervention, résiderait en France, mais se rendrait, au besoin, sur place en Espagne pour procéder, immédiatement après des bombardements suspects, aux constatations opportunes. La commission ne pourrait naturellement fonctionner qu’avec l’accord des deux partis en présence en Espagne, qui auraient à donner leur assentiment au principe même de l’enquête et au choix des membres de la commission.
Bien que le Gouvernement britannique semble attacher une grande importance à cette affaire et que nous sachions que le Gouvernement néerlandais a déjà donné une acceptation de principe, il nous paraît assez douteux que le Conseil fédéral, qui n’a pas encore pu examiner la demande qui lui est faite, soit en mesure d’y répondre par l’affirmative. La désignation d’un délégué du Conseil fédéral dans une commission d’enquête de ce genre prendrait, nous semble-t-il, un caractère plus politique qu’humanitaire et se concilierait mal avec la ligne de conduite que la Confédération a suivie, dès le début, dans le conflit espagnol.
La question se présenterait, à notre avis, sous un jour différent si, au lieu de faire appel au Gouvernement de la Confédération, le Gouvernement britannique s’adressait au Comité international de la Croix-Rouge, qui a déjà adressé un appel aux deux belligérants en Espagne au sujet des bombardements de villes ouvertes, et lui demandait de se faire représenter dans la commission envisagée par un officier suisse. L’opinion du Conseil fédéral doit naturellement être réservée, mais nous pensons qu’il ne se refuserait pas à autoriser un officier de notre armée à participer aux travaux de ladite commission comme représentant du C.I.C.R.
Avant d’examiner plus avant une solution de ce genre, il nous a paru, toutefois, nécessaire de prendre officieusement contact avec le C.I.C.R. et d’apprendre s’il serait disposé, au cas où le Gouvernement britannique le demanderait, à se faire représenter dans la commission d’enquête que la Grande-Bretagne cherche à organiser.
Nous n’avons pas besoin de souligner le caractère préliminaire et confidentiel de la présente communication et de vous recommander une extrême discrétion. Nous vous serons particulièrement obligés des indications qu’il vous serait possible de nous donner au sujet de l’accueil que le C.I.C.R. ferait à des ouvertures plus précises3.