dodis.ch/46461
Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique,
P. Bonna, au Ministre de Suisse à
Paris,
A. Dunant1
Confidentiel
Berne, 8 février 1938
Pour faire suite à notre lettre du 5 de ce mois2, nous avons l’honneur de vous faire connaître que Sir George Warner est venu faire hier soir auprès de M. Motta une démarche analogue, quoique plus atténuée, à celle que l’Ambassadeur de France avait accomplie vendredi au sujet de l’attitude prise par la Suisse au Comité spécial pour la mise en œuvre des principes du pacte. M. Motta lui a fait la même réponse qu’à M. Alphand.
Les journalistes qui, dès le 31 janvier, parlaient d’une démarche de protestation de l’Ambassadeur de France et du Ministre de Grande-Bretagne à Berne contre le discours de M. Gorgé ont donc fini par avoir à peu près raison. Bien que les démarches faites n’aient eu ni l’une ni l’autre et en aucune façon le caractère d’une protestation, il est clair, en effet, qu’elles ont été concertées entre Londres et Paris et que M. Alphand et Sir George Warner ont dû recevoir des instructions presque identiques. Que l’initiative de ces démarches doive être recherchée au Quai d’Orsay paraît à peu près hors de doute et montre que, dans cette affaire, la Grande-Bretagne n’a pu se refuser à suivre la France.
Il n’y a sans doute pas lieu de regretter que ces démarches se soient produites. Elles ont fourni au Chef du Département politique une excellente occasion d’insister sur notre point de vue et de marquer clairement, aussi bien vis-à-vis de Londres que de Paris, la nécessité dans laquelle nous nous trouvons de récupérer entièrement notre neutralité traditionnelle et de ne négliger aucun des moyens qui peuvent nous conduire à ce but.
Nous ne pensons pas que, dans les circonstances actuelles, il y ait intérêt à ce que vous amorciez sur le même objet une conversation au Quai d’Orsay, mais nous vous serions reconnaissants, si l’on prenait, du côté français, l’initiative de vous parler de cette affaire, de défendre notre point de vue avec fermeté.