Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.1 LE RETOUR DE LA SUISSE À LA NEUTRALITÉ INTÉGRALE
Également: Motta aimerait connaître les réactions anglaises à son discours. Annexe de 10.1.1938
Également: Motta exprime sa satisfaction devant la réaction des milieux officiels anglais. Annexe de 11.1.1938
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 12, Dok. 175
volume linkBern 1994
Mehr… |▼▶2 Aufbewahrungsorte
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#484* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 231 | |
Dossiertitel | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 32 (1938–1938) |
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001D#1000/1554#19* | |
Dossiertitel | La neutralité de la Suisse et les Etats étrangers: Grande-Bretagne (1937–1938) | |
Aktenzeichen Archiv | E.12.2.4 |
dodis.ch/46435 1
Par lettre du 31 décembre2, vous avez bien voulu attirer mon attention sur le fait que vous attacheriez du prix à être renseigné sur l’écho qu’a eu votre discours au Conseil National le 22 décembre3, en Grande-Bretagne et notamment sur ce que ressentent les milieux dirigeants en face de l’attitude de la Suisse à l’égard de la Société des Nations. Je dois m’excuser d’avoir tant tardé à vous adresser ce rapport; je m’étais proposé de vous l’envoyer depuis bien des jours, mais son expédition a subi un sensible délai par suite de Paffluence de besogne de cette dernière quinzaine.
Je n’ai pas manqué pourtant de joindre à mes envois journaliers de coupures de presse, les articles qui ont paru dans les journaux anglais. Vous aurez constaté que leur nombre a été très restreint; cela s’explique par le fait suivant: d’une part, la discussion au Conseil National a coïncidé avec des événements en Extrême-Orient qui ont fortement préoccupé l’opinion publique anglaise, ainsi qu’avec la clôture du Parlement britannique sur une note de politique étrangère, et, d’autre part, elle a également coïncidé avec les fêtes de fin d’année où, pendant deux jours, il ne paraissait pas de journaux.
Il est connu que les événements continentaux qui ne sont pas d’un intérêt particulier et direct pour le public anglais ne figurent dans les colonnes des quotidiens que très rarement au-delà du lendemain ou du surlendemain du jour où ils se sont produits. Vous aurez vu cependant les comptes rendus du «Times», du «Daily Telegraph» et du «Manchester Guardian» du 23 décembre; j’ajoute en annexe l’article du 28 décembre, du «Manchester Guardian» également et celui du 1er janvier de P«Economist», coupures que j’avais retenues pour les joindre à mon rapport.
Ce manque d’allusion de la presse de Londres en cette occurrence est regrettable, bien qu’il s’explique; il me fait revenir à ma lettre du 8 novembre, dans laquelle j’avais attiré votre attention sur les suppositions entièrement erronées qui étaient faites dans des organes anglais importants au sujet de l’attitude suisse à l’égard du pacte anticommuniste Rome-Berlin-Tokyo. J’avais alors suggéré qu’un contact plus direct entre le Département politique et les correspondants de la presse britannique serait sans doute de nature à éviter de pareils malentendus. Aussi ne pouvais-je me rallier tout à fait au point de vue de votre Division des Affaires Etrangères lorsque, dans sa réponse du 11 novembre, elle exprimait l’opinion que d’une part les correspondants anglais étaient, comme on le savait, fort peu versés en ce qui concerne la mentalité politique suisse - d’où ces malentendus - et, de l’autre, prétendait que la thèse de neutralité était à tel point chose établie qu’il n’y avait pas lieu de donner à ce sujet des explications spéciales à la presse. Je serais enclin à répondre que si les informations données par les correspondants anglais témoignent une fois de plus de leur manque de compréhension - et d’intérêt - pour les affaires et conditions de notre pays, ce serait là une raison de plus pour corriger cette lacune.
Un contact régulier et suivi avec les représentants de la presse des autres pays, tel, semble-t-il, que maintiennent systématiquement les Ministères des Affaires Etrangères de tous les pays européens, grands et petits, serait certainement pour nous autres Suisses, d’une très grande utilité et se révélerait tout à notre avantage, précisément dans des cas aussi importants que fut celui du 22 décembre. Je songe en premier lieu aux Anglais, «peu versés dans les affaires suisses», puisque la presse allemande, française et italienne a, comme c’est naturel, largement voué son attention à ce discours.
Cette suggestion, qui pourrait peut-être faire, à un moment donné, l’objet d’un examen, n’est mentionné ici qu’accidentellement.
J’ai déjà eu l’occasion, dans des précédents rapports, de parler de l’effet qu’a produit en Grande-Bretagne la sortie de l’Italie de la Société des Nations. L’Anglais ne s’est pas laissé remuer par cet acte qui matériellement ne change que fort peu aux conditions existant depuis bien des mois. On aurait même observé une tendance qui pourrait être interprétée comme un signe de soulagement; une situation nette est au fond préférable à un état équivoque qui n’est ni chair ni poisson.
Cependant, la déclaration allemande, qui suivit immédiatement et frappa au fond plus sérieusement Genève que la sortie de l’Italie, a fait bien plus d’impression. On se demandait même, à un certain moment, avec quelque anxiété, lequel des deux Gouvernements dictatoriaux avait été, en fin de compte, le vrai instigateur de cette démonstration. Etait-ce Rome ou était-ce Berlin? Ce fut évidemment une action soigneusement préparée entre les deux Puissances, pour accentuer l’axe. Alors que pour Rome cela ne change rien, ou presque rien, cela renforce, selon la tactique appliquée par les Allemands, la position de Berlin dans la question des colonies. Dans cet ordre d’idées, l’action se dirigerait en premier lieu directement contre la Grande-Bretagne.
En outre, puisqu’il ne reste à Genève plus que les deux Démocraties et la Russie comme Grandes Puissances, il se produit fatalement une répercussion parmi les petits pays de l’Europe. L’Anglais a, ainsi que je l’ai dit dans mon dernier rapport, le sentiment qu’il y a sur le continent une espèce de campagne anti-britannique, mouvement qui, selon certains observateurs de ce côté de la Manche, irait en se renforçant depuis le début des difficultés italo-britanniques.
Que ce sentiment soit fondé ou non - il l’est peut-être dans une certaine mesure -, le fait est que le Gouvernement de Whitehall observe avec une très grande attention ce qui se passe sur le Continent, tout autant chez les petits que chez les grands. Et il est certes très bien renseigné.
Il est inutile de vouloir ignorer le fait que la politique suisse ne jouit pas aujourd’hui de la confiance absolue et de la bienveillance anglaise, c’est-à-dire du Foreign Office, ainsi que c’était traditionnellement le cas avant la complication éthiopienne. Toutefois, il n’y a pas lieu d’exagérer ce regrettable changement de sentiments, car il faut ajouter que depuis les jours des sanctions, l’irritation s’est décidément calmée et on tient de plus en plus compte de notre position très spéciale au centre des axes nord-sud et ouest-est.
Il ne faut d’autre part pas oublier que les Anglais, tout en n’ayant pas l’air d’être rancuniers, gardent bien le souvenir de ce qui les a contrariés. Ainsi, il y a des moments où ils sont enclins à regarder de nouveau les choses à travers les lunettes des temps où ils croyaient avoir des raisons d’être fâchés.
Quand l’Italie est sortie de Genève et l’Allemagne a fait sa déclaration, on s’attendait naturellement, au Foreign Office, aux possibilités d’une répercussion sur la Suisse. Ce n’est pas à moi qu’on a fait des allusions de ce genre et, comme vous le pensez bien, je me suis abstenu d’entamer cette conversation, car je devais admettre, comme un fait acquis, qu’il ne peut y avoir un doute quelconque sur l’attitude de la Suisse neutre. Je devais admettre comme acquis également, que quoique nous fassions en face de la nouvelle situation, nous ne ferons d’autre politique que de la politique purement suisse et purement neutre.
Mais la disposition à Whitehall à l’égard de l’Italie est telle, que n’importe quelle répercussion d’un mouvement partant du Palais Venezia, qui se produit dans un autre pays et qui pourrait plaire aux Italiens, est à première vue interprétée par les Anglais comme un acte indésirable. Ainsi, le jour après le discours de Sig. Mussolini, le Chef du Département des renseignements a demandé d’emblée à l’un de nos journalistes: «Et la Suisse, va-t-elle quitter?» Puis, après avoir reçu une réponse exprimant le doute le plus positif, il a ajouté: «D’ailleurs, si elle en sortait, ce n’est pas nous qui en souffririons.»
Certains milieux de gauche surtout ne nous pardonnent pas notre reconnaissance de jure de l’Empire italien et ceux-là mêmes s’obstinent à nous mettre, à chaque occasion qui se présente, dans le même panier que les «vassaux» de l’Italie. Rome et la presse fasciste font d’ailleurs leur possible, comme c’est naturel, pour souligner l’excellente entente avec la Suisse. De temps en temps vous recevez des coupures de la presse anglaise citant des articles italiens de cette note.
Il reste donc sans doute, dans l’atmosphère politique de Londres, quelque chose qui indique, tantôt plus vaguement, tantôt plus directement, qu’on croit observer en Suisse plus de sympathie pour l’Italie que pour la Grande-Bretagne. C’est aussi, par conséquent, sous cet angle qu’on juge notre attitude vis-à-vis de la Société des Nations en détresse.
Ce dernier point, notamment notre position en face de Genève, n’a pas actuellement, il faut l’ajouter, beaucoup de poids, puisque la Grande-Bretagne elle-même s’est décidée à détacher sa politique de la Ligue, reconnaissant que celle-ci n’est plus aujourd’hui, instrument assez solide pour s’y baser. Elle adopte cette attitude avec la conviction qu’en ce qui la concerne elle-même, elle a tout fait pour sauver le pacte et le prestige de l’Institution de Genève et elle en a la conscience nette. Si elle a échoué dans cet effort, c’est la faute des autres.
Sans le dire, les milieux officiels maintiennent certainement que la Grande-Bretagne, au moment critique, a été lâchée par la majorité des Etats membres. Notamment par les petits Etats, non seulement par les «vassaux» de l’Italie, mais aussi par la Suisse et d’autres, tant au nord qu’à l’est et au sud-est.
Dans des conditions de cette sorte, l’exposé clair, direct et complet sur la position de la Suisse du 22 décembre n’a pu avoir qu’un effet favorable. Au Foreign Office, si j’interprète bien mes observations, on en a pris note avec très grand intérêt, et pour ce qui est de notre point de vue à l’égard de Genève, on a montré de la satisfaction. Nous ne pouvons que regretter que le public qui lit les journaux ait à peine eu l’occasion de prendre bonne note de ce qui est véritablement la politique de notre Gouvernement et ce qui est la pensée de notre peuple4.
- 1
- (Copie): E 2001 (D) 4/2. Suisse et Société des Nations.↩
- 2
- Non reproduite. Le 10 janvier, Motta renouvelait à Paravicini son désir d’être renseigné sur l’attitude des sphères officielles compétentes anglaises en ces termes: Je m’intéresserais beaucoup de connaître quelles sont les réactions importantes que mon discours du 22 décembre devant le Conseil national dans la question «La Suisse et la Société des Nations» a suscitées dans l’opinion et aussi, si possible, dans les sphères officielles compétentes. Comme je n’ai encore rien reçu à ce sujet dans vos rapports, j’aimerais que vous vouliez bien les compléter. Je suis d’ailleurs certain que si mon discours - approuvé par le Conseil fédéral au préalable - a été vraiment lu en entier, on se sera fortifié dans l’impression que la Suisse a rendu de cette manière un véritable service à la Société des Nations. (J. 1.1.1/29).↩
- 3
- Cf. No 169.↩
- 4
- Dans une lettre manuscrite du 11 janvier à Paravicini, Motta déclare au sujet de ce rapport: Je m’attendais à ce que mon discours du 22 déc. fît une bonne impression sur les milieux officiels anglais. Je m’étais déjà entretenu avec M. Warner qui m’avait semblé compréhensif. Je suis heureux d’apprendre par votre rapport que mon attente n’était point trompeuse. Mais qu’il est difficile d’être juste et d’être impartial! (J. 1.1.1/29).↩