Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATION BILATÉRALES ET LA VIE DES ÉTATS
II.1 ALLEMAGNE
II.1.1. QUESTIONS DE POLITIQUE GÉNÉRALE ET BILATÉRALE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 12, doc. 161
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#J1.1#1000/1392#15* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR J 1.1(-)1000/1392 2 | |
Titolo dossier | Faszikel 7: Deutschland (1915–1950) | |
Riferimento archivio | 03.07.F |
dodis.ch/46421 Le Ministre de Suisse à Berlin, P. Dinichert, au Président de la Confédération, G. Motta1
J’étais sur le point de vous écrire pour vous soumettre quelques idées sur les conséquences à tirer du départ forcé de M. Böschenstein2 lorsque je reçus connaissance de l’article que publie la «Neue Zürcher Zeitung» du 7 décembre3 sur la réorganisation de notre service extérieur.
Je me rends compte du coup qu’il doit me porter. Vu la forme que prennent manifestement les tentatives répétées de quelques personnes coalisées contre moi, pour des raisons que je n’ai jamais bien saisies, je ne puis qu’avoir recours à vous et au Conseil fédéral, dont je dépens. C’est à lui, et à lui seul, que je dois des comptes, comme je suis en droit d’en attendre protection et justice.
Que me reproche-t-on? Si je comprends bien, de la faiblesse, du manque de savoir-faire vis-à-vis d’un régime gouvernemental spécial.
Mais, je le demande, quand et sur quoi ai-je fait preuve de faiblesse? Sur toutes affaires de quelque importance que j’ai eu à traiter ici, je vous ai rendu compte de manière aussi complète que possible de mes démarches, de mes arguments, de mes objections. Je ne me souviens pas d’un seul cas où vous les avez trouvés insuffisants, où vous ayez cru devoir me prescrire plus d’insistance et de fermeté. Parfois même, je suis allé au-delà du cadre strict de vos instructions. Si vous relisiez, par exemple, mes nombreux rapports dans l’affaire Jacob4, vous constateriez à nouveau que j’y ai déployé, dès le premier jour, toute l’énergie et la dialectique dont j’étais capable.
Vis-à-vis de vous, j’ose rappeler également combien de fois j’ai sollicité des instructions dépassant celles que Berne croyait devoir me donner. Je pourrais citer de cela de nombreux exemples. Etait-ce alors faiblesse ou crainte de déplaire ici? Je n’ai certes, pour me défendre vis-à-vis du dehors, aucun moyen de faire valoir cette constatation. Que pouvais-je faire d’autre, en toute circonstance, que d’agir finalement selon les instructions reçues.
Je sais et j’ai senti que le cours pris par la visite de M. Schulthess en février dernier m’a fortement desservi en faisant douter de l’efficacité de ma mission dans une question de particulière importance5. Or vous êtes seul à savoir ce qui en est en réalité. Cela m’a été formellement déclaré ici par la plus haute instance et vous a été officiellement confirmé à Berne: Il n’y aurait pas eu l’entretien Hitler-Schulthess ni déclarations subséquentes sans le travail préparatoire de longue haleine que j’avais accompli ici, en dernier lieu avec le ministre des affaires étrangères lui-même.
On m’avait reproché encore, à l’époque, l’incident du message téléphonique plus ou moins énigmatique6 lors des mesures prises par le Conseil fédéral contre l’organisation des groupements nationaux-socialistes en Suisse. Sur la base de ce que contient le dossier que vous seul connaissez complètement, il éclate à l’évidence que je ne pouvais agir autrement que je ne l’ai fait et que, si une faute a été commise, ce n’est pas ici.
Lors de l’interpellation sur la visite de M. Schulthess à Berlin au printemps dernier, vous avez bien voulu déclarer au Parlement7 que je possédais la confiance entière et du Conseil fédéral et du gouvernement allemand. J’en avais été apaisé parce qu’il me paraissait que cela était exact. Qu’est-ce qui s’est modifié depuis lors?
De la part du Conseil fédéral, vous ne m’en avez rien dit au cours de nos entretiens de cet automne. Au contraire, vous m’avez rendu justice en mettant au point, même vis-à-vis de vos collègues, les circonstances particulières qui ont accompagné le voyage de M. Schulthess. Et quant à Berlin, je suis convaincu que ma situation est aussi bonne que je puis le souhaiter, non point, je l’affirme hautement, parce que je suis faible et «présomptueux», mais uniquement parce que je me suis toujours appliqué à être correct, droit et franc. Vous serait-il jamais parvenu, précédemment ou aujourd’hui, de milieux informés d’ici un écho contraire?
Je ne me cramponne point à mon poste. Mais je n’ai pas à l’abandonner sans savoir ce qu’on me reproche autrement que par des affirmations de presse sans preuve aucune. Faiblesse! Monsieur le Président, je me cabre et je continuerai à me cabrer à ce mot; car, à mon égard, j’éprouve que rien n’est plus injuste. Bien entendu, je me suis toujours conformé à des instructions que j’aurais parfois souhaité autres, mais dont je reconnaissais qu’elles tendaient à aplanir et non point à aggraver les choses. C’est à ma pensée intime qu’on eût peut-être pu adresser le reproche contraire à celui de faiblesse.
Je ne veux ici faire allusion aux fréquents rapports politiques que je vous envoie que pour constater que je ne saurais suffire à cette tâche si, de toutes parts ici, on ne me témoignait pas une confiance qui est pour moi une satisfaction de tous les jours.
Je me sens en ce moment la victime d’une campagne de presse. Cela seul suffit-il pour discréditer un serviteur de l’Etat après de longues années de carrière? Je dois vous en laisser juges, vous, Monsieur le Président, et le Conseil fédéral, et je ne puis que faire appel à votre et à son sens de justice et d’équité, n’ayant pas la possibilité de me défendre moi-même.
Je regrette vivement l’ennui qui vous est causé et vous prie, Monsieur le Président, d’agréer mes sentiments de très haute considération et de respectueux dévouement8.
- 1
- Lettre: J.1.1.1/2.↩
- 2
- Sur l’affaire Böschenstein, cf. No 155 et carton E 2001 (D) 3/15 où se trouve une lettre de Dinichert du 10 décembre 1937 dans laquelle il justifie son attitude.↩
- 3
- Article rédactionnel non signé. Pour l’opinion du correspondant de la Neue Zürcher Zeitung à Berlin sur Dinichert, cf. DDS 11, No 219 et le No 163 A de ce volume.↩
- 4
- Cf. DDS 11, table méthodique II.1.4.↩
- 5
- Cf. No 41.↩
- 6
- Cf. DDS 11, No 219.↩
- 7
- Cf. les réponses de Motta à l’interpellation Malche, faite au Conseil des Etats à la séance du 9 mars 1937 (E 1401 1/239), et aux interpellations Huber (St-Gall) et Meyer (Lucerne), faites au Conseil national le 10 mars 1937 (E 1301 1/322).↩
- 8
- Réponse de Mot ta, cf. No 162.↩
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