dodis.ch/46401 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Chargé d’Affaires de la Légation de Suisse à Bruxelles, C. Jenny1
Nous avons eu l’honneur de recevoir votre rapport politique No 18, du 16 octobre2, relatif à l’engagement pris par l’Allemagne de respecter et de faire respecter l’inviolabilité et l’intégrité de la Belgique. Nous vous remercions de vos commentaires, qui appellent également, à notre avis, certaines remarques.
Ainsi en ce qui concerne le cas réservé «où la Belgique, dans un conflit armé où l’Allemagne se trouverait engagée, concourrait à une action militaire contre elle», du côté belge aussi bien que du côté allemand, on déclare que cette action militaire s’entendrait non seulement d’une participation des forces armées belges à des opérations contre l’Allemagne, mais aussi de l’utilisation à ces fins du territoire belge par les forces d’autres puissances. Dans sa déclaration du 29 avril 1937 à la Chambre des Représentants, M. Spaak, Ministre des Affaires étrangères, avait déjà spécifié qu’«en aucune hypothèse le droit de passage ne peut être imposé à la Belgique en dehors de son consentement». Ce qui n’empêche pas le Gouvernement belge de préciser dans son commentaire qu’il n’a «il va sans dire... nullement perdu de vue ses obligations de membre de la Société des Nations». Faut-il admettre que ce commentaire ne vise que d’éventuelles sanctions politiques ou financières et qu’on n’envisagerait même pas à Bruxelles la possibilité d’une participation à des sanctions militaires? D’un autre côté, est-il concevable - bien que les textes officiels publiés n’en disent rien - que la Belgique n’ait pas eu à prendre en retour, à l’égard de l’Allemagne, l’engagement de rester neutre en cas d’action militaire dirigée contre cette dernière?
Quant à l’engagement pris par l’Allemagne d’« accorder assistance à la Belgique dans le cas où elle serait l’objet d’une attaque ou invasion», la déclaration ne précise pas les conditions dans lesquelles il serait exécutable. Le commentaire belge ne contient aucune indication quelconque à ce sujet. Ce qui est assez surprenant, étant donné que le commentaire allemand spécifie qu’il y aura assistance en faveur de la Belgique si celle-ci en exprime le vœu. Il ne suffirait donc pas à l’Allemagne, semble-t-il, d’alléguer que des avions ennemis ont atterri en Belgique pour pouvoir, de sa propre initiative, imposer son assistance ou reprendre sa liberté. La question est d’une importance telle qu’il est difficile d’admettre qu’elle n’a pas été résolue. C’est pourtant ce qu’on voudrait faire admettre à Bruxelles, à en croire le «Temps» du 15 octobre, qui prétend que, selon les sphères autorisées belges, seul le texte de la déclaration allemande et des commentaires officiels lierait les deux Gouvernements.
Nous pensons vous intéresser en vous communiquant à ce sujet la copie du rapport politique No 55, du 15 octobre, de la Légation de Suisse à Berlin3
. Nous joignons également à ce pli une copie du rapport politique No 11, du 16 octobre, de la Légation de Suisse à La Haye4, qui indique quelle est la position des Pays-Bas; vous verrez, notamment, que, selon M. Patijn, le nouveau Ministre néerlandais des Affaires étrangères, les Pays-Bas observeraient probablement la même attitude que la Belgique si l’Allemagne se montrait disposée à leur donner des assurances analogues.