dodis.ch/46395 Le Président de la Confédération, G. Motta, au Consul général de Suisse à Shanghaï et Chargé d’affaires en Chine, E. Lardy1
Nous avons eu l’honneur de recevoir le fort intéressant rapport du 10 septembre2 par lequel vous avez bien voulu nous mettre au courant des mesures que vous avez prises en raison du conflit sino-japonais et de la situation tragique dans laquelle s’est trouvée Shanghaï. Nous vous remercions très particulièrement de cet exposé fort clair de la situation difficile à laquelle vous avez fait face avec un esprit d’initiative et un dévouement auxquels nous tenons à rendre hommage. Nous approuvons entièrement les dispositions que vous avez prises et nous vous serons reconnaissants d’être auprès de notre colonie si éprouvée l’interprète de notre sympathie et de nos sentiments de solidarité.
Nous avons été vivement peinés par la mort de notre compatriote M. Brunner et nous faisons des vœux pour que l’évolution des événements atténue la menace qui pèse actuellement sur la vie et les biens des Suisses de Shanghaï.
Quant à la réparation des dommages subis par nos compatriotes, nous craignons qu’il n’y ait pas grande illusion à se faire sur les chances d’obtenir une indemnité raisonnable. Les expériences faites dans ce domaine sont peu encourageantes. Nous sommes désireux, toutefois, de ne rien négliger de ce qui pourrait contribuer à un règlement ultérieur.
Ainsi que nous vous l’avons télégraphié, nous ne croyons pas qu’il puisse être utile à cet effet d’imiter les Gouvernements qui ont formulé des réserves générales quant à un devoir d’indemnisation de la part des Etats responsables. La portée d’une telle réserve est purement politique; c’est une façon de désapprouver les fauteurs du conflit et de tenter d’intimider la Chine et le Japon en les rendant attentifs aux responsabilités d’ordre international qu’ils encourent. Cette manifestation politique n’est guère compatible avec la réserve que notre neutralité traditionnelle et notre éloignement nous commandent.
Nous ne verrions guère d’inconvénients, en revanche, à formuler des demandes précises d’indemnités pour la réparation des dommages dont il pourrait être établi que la cause provient d’un acte contraire au droit des gens imputable à l’armée japonaise ou à l’armée chinoise. Nous vous autorisons, dans les cas concrets qui se présenteraient, à effectuer des démarches dans ce sens auprès du Gouvernement chinois.
Pour les réclamations à présenter au Japon, nous n’aurions pas d’objections à ce que, pour gagner du temps, vous fissiez directement parvenir à notre Légation à Tokyo les données de fait qui devraient leur servir de base. Il y aurait lieu, toutefois, de nous en envoyer un double afin que nous puissions adresser, au besoin, à M. Thurnheer les instructions télégraphiques qui lui seront sans doute nécessaires dans chaque espèce.