dodis.ch/46375 Le Département politique
1 au Chef du Département militaire, R.
Minger2
Confidentiel Berne, 18 août 1937
Nous avons l’honneur de vous exposer que le Ministre du Japon est venu, d’ordre de son Gouvernement, nous informer de la nécessité où se trouveraient les autorités japonaises de saisir comme contrebande de guerre les envois d’armes et de munitions à destination de la Chine. M. Amau était chargé également d’exprimer, à titre amical, le désir que, pour abréger le conflit actuel, les Etats tiers interdisent l’exportation de matériel de guerre à destination de leurs adversaires.
Nous avons répondu au Ministre du Japon que, dans l’état actuel de notre législation, l’exportation d’armes et de munitions de Suisse à destination d’autres pays que l’Espagne n’était pas réglementée et que la convention de La Haye concernant les droits et devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre leur laissait la faculté de décider s’il convenait de permettre l’exportation et le transit d’armes et de munitions pour le compte de l’un et l’autre des belligérants ou de l’interdire pour tous les deux. Nous lui avons promis, toutefois, d’examiner avec vous si des mesures devraient être prises en raison des événements dont la Chine est actuellement le théâtre.
Nous inclinons à penser, en effet, que, nonobstant l’article 7 de la convention de La Haye de 1907 et la pratique que nous avons suivie dans la guerre de 1914/18, la livraison de matériel de guerre aux deux groupes de belligérants risque de ne plus être jugée entièrement compatible avec la neutralité absolue. Il est incontestable que, dans ce domaine surtout, il faut tenir compte, non seulement des textes, mais de l’opinion générale et que celle-ci ne peut manquer d’être influencée par la récente législation américaine sur la neutralité des Etats-Unis qui proscrit la vente d’armes aux belligérants.
Pour déterminer l’attitude qu’il est prudent d’adopter à l’égard de la démarche faite par le Ministre du Japon, il faudrait donc établir s’il y a actuellement en cours d’exécution en Suisse des contrats de livraison d’armes à destination soit de la Chine soit du Japon. Si les deux Etats en conflit sont acquéreurs d’armes en Suisse ou s’ils ne le sont ni l’un ni l’autre, il n’y aurait guère d’inconvénient à laisser aller provisoirement les choses. Si l’un seulement d’entre eux, en revanche, cherche à compléter son armement en Suisse, il conviendrait, à notre avis, que le Conseil fédéral examinât l’opportunité d’interdire un commerce qui pourrait être, pour notre pays, une source de très graves difficultés3.