Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 76
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#441* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 38 | |
Dossier title | Union national, Genève; Empfang durch Mussolini 1937 (1937–1945) | |
File reference archive | A.45.13.1 |
dodis.ch/46336
J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre du 12 mai2 relative aux audiences accordées par M. Mussolini à M. Oltramare, et de me référer à ma conversation de ce matin avec M. Frölicher.
Ainsi que je viens de le dire à M. Frölicher, le Ministre De Peppo, Chef de Cabinet au Ministère des Affaires Etrangères, avait manifesté dans l’après-midi d’avant-hier le désir de me voir. C’était l’après-midi du jour où avait paru dans le «Messaggero» et dans presque l’ensemble de la presse italienne le second communiqué relatif aux audiences accordées à M. Oltramare, et plus particulièrement au sujet de la ligne aérienne Paris-Turin-Rome, avec escale à Genève.
Pensant que je recevrais peut-être entre-temps des instructions de votre part, j’ai différé ma visite à M. De Peppo qui n’a eu lieu que hier vers midi (le 13 mai). M. De Peppo, avec lequel nous entretenons d’ailleurs des rapports tout à fait cordiaux, m’a dit d’emblée qu’il désirait me parler, de la part du Comte Ciano, de la question de la ligne aérienne au sujet de laquelle j’avais peut-être déjà vu une communication dans la presse. J’ai immédiatement répliqué en disant que j’avais, en effet, vu ces communiqués à ma plus grande surprise, et que je regrettais les répercussions que la publication donnée à des communiqués maladroits et hautement inopportuns devait nécessairement avoir provoquées dans les sphères fédérales.
J’ai saisi cette occasion pour exposer à mon interlocuteur - d’après l’axiome «principiis obsta» - que les affaires touchant à notre pays devaient toujours être examinées au dehors avec une profonde notion de l’histoire; qu’au cours des siècles, la Suisse avait appris la leçon que pour être fidèle à sa mission, elle devait non seulement écarter toute ingérence extérieure, mais aussi toute apparence d’ingérence. J’ai ajouté que même les initiatives les mieux intentionnées n’échappaient pas à une réaction venant, dans ce domaine, des profondeurs de notre âme nationale. Tout en soulignant que je n’étais pas encore chargé d’une démarche, mais que je voyais venir un nuage, j’ai dit à titre personnel à M. De Peppo que la publicité donnée aux audiences à Oltramare - qui n’avait aucun contact quelconque avec la représentation officielle de la Confédération - aurait très probablement des suites au point de vue intérieur chez nous et qu’il fallait éviter à tout prix même l’apparence que les mouvements nés chez nous reçoivent de l’encouragement du dehors, encouragement qui, d’ailleurs, ne ferait que saper leur action, vu l’attitude traditionnelle du peuple. Je dois dire que M. De Peppo a montré une parfaite compréhension de ce point de vue, que j’ai cru nécessaire et urgent d’exposer une fois pour toutes, et que vous me chargerez sans doute d’expliquer à nouveau au Ministre des Affaires Etrangères personnellement. Au cours de la conversation, j’ai cru peu à peu comprendre - bien qu’il me soit difficile de faire une affirmation à ce sujet - que le Ministère des Affaires Etrangères lui-même avait senti quelque embarras à la suite des audiences du Duce. M. De Peppo m’a, en effet, dit que «dès qu’il avait lu la nouvelle, le Comte Ciano s’était informé s’il y avait eu des pourparlers au sujet du fond du problème avec la Légation» et si on s’était mis en contact avec moi. Déjà dans la matinée du 12, il avait chargé son Chef de Cabinet de se mettre en rapport avec moi pour entendre ce que j’avais à dire.
Quant au fond même de la question, j’ai naturellement dit que j’étais absolument sans instructions, mais que la publicité dont nous venions de lui parler pouvait peut-être gêner les tractations au sujet d’un projet pouvant en luimême être utile. M. De Peppo m’a réitéré que les autorités italiennes ne désiraient que faire une chose agréable aux autorités fédérales. J’ai pris acte de cette déclaration, que j’ai promis de vous relater.
Qu’il me soit permis de dire à cette occasion, Monsieur le Président, combien il est nécessaire que toutes les questions, même de caractère technique, intéressant les rapports italo-suisses soient régulièrement signalées à votre Légation. Je viens d’apprendre que l’Office Fédéral aérien s’est abouché directement, il y a quelques semaines, avec des autorités italiennes au sujet de la ligne aérienne dont il s’agit. Dans un Etat totalitaire comme l’Italie, on finit par ne plus comprendre, vu ces correspondances directes de certains dicastères - je rappelle, à titre d’autre exemple, les pourparlers qu’a eus ici le Lt Colonel Gerber à propos d’un meeting de Dübendorf, sans chercher, au moment où il fallait, le moindre contact avec la Légation - qui parle véritablement au nom du pays. Nous devons, de même, mettre absolument un frein à toute velléité de porter directement dehors, sans passer par le canal des autorités fédérales, des problèmes touchant à tel ou tel Canton. Je sais bien, Monsieur le Président, que vous partagez absolument cette manière de voir qui s’impose, je le répète, plus qu’ailleurs vis-à-vis d’un Etat totalitaire, où toute décision importante aboutit aux mêmes personnes.
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