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Le Consul général et Chargé d’affaires de Suisse en Chine, E. Lardy, à la Division des Affaires étrangères du Département politique1

J’ai l’honneur de vous faire parvenir sous ce pli, à toutes fins utiles, copie d’une lettre2 que notre compatriote Emile Ott, de Canton, m’écrit pour m’annoncer que le Général Chen Chi-tang, ex-dictateur du Kwantung, dont la fuite à Hongkong vient de mettre fin au régime séparatiste de Canton3, est parti pour l’Europe et va résider quelque temps à Ascona (Tessin), avec d’autres personnalités du gouvernement autonome renversé.

Emile Ott est le représentant, dans le Sud, du consortium «Groupe Chine», qui réunit les principales fabriques d’armes françaises, et c’est comme trafiquant d’armes4 qu’il est venu en contact avec le Général.

En d’autres temps, l’arrivée en Suisse de 1’«homme fort de Canton» aurait été pour notre industrie, particulièrement celle des armes et des machines, d’un grand intérêt en raison des commandes possibles. Aujourd’hui, la situation est différente et l’on pouvait croire, ces dernières semaines, que le Général Chen Chitang, après l’éviction complète de son groupe, était définitivement disparu de la scène politique. Mais il est difficile de dire, en Chine, quand un homme est éliminé et, lorsqu’il l’est, d’affirmer que ce soit définitif. La réconciliation récente du Général Tchang Kai-chek avec les généraux du Kiangsi, Li et Pei, qu’il sommait encore, l’autre jour, de quitter le pays, est un exemple de cette instabilité; une rentrée en grâce, tôt ou tard, de Chen Chi-tang n’a rien, dans ces circonstances, d’impossible ni même d’invraisemblable en soi. Le fait que Chen Chi-tang se soit fait au Kwantung, lorsqu’il était au pouvoir, une immense fortune par des moyens irréguliers n’est pas un handicap. Il avait installé son frère comme directeur de la Gabelle (monopole du sel), et un très haut fonctionnaire des Douanes m’a dit que le Général se faisait, pendant un temps, cent mille dollars par jour en employant les navires de la Gabelle à l’importation d’articles de contrebande de Hongkong à Canton. Ses profits sur les fournitures d’armes etc. auraient aussi été considérables. Avant d’obtenir son passeport diplomatique, il aurait dû rendre toutefois, prétend-on, quinze millions faisant partie de la couverture métallique du papiermonnaie, ainsi que neuf ou dix millions de solde arriérée, ce qui a fait dire que son passeport lui était revenu à 25 millions.

Je ne pense pas que dans ces conditions, et sauf intervention de la Légation de Chine à Berne, l’ancien dictateur de la Chine du Sud doive être l’objet d’attentions officielles. Mais le Département de l’Economie Publique, avisé par vous, pourrait examiner l’éventualité de prévenir certaines de nos fabriques, pour les cas ou celles-ci voudraient offrir au Général ou à sa suite une visite de leurs ateliers, soit spontanément, soit sur demande5. Peut-être aviserez-vous également les Autorités tessinoises.