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Documents Diplomatiques Suisses, vol. 11, doc. 270
volume linkBern 1989
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1551#4195* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 142 | |
Titre du dossier | Bürgerkrieg in Spanien, Berichte der Schweiz. Gesandtschaft (1936–1939) | |
Référence archives | B.73.E.7 |
dodis.ch/46191 Le Chargé d’affaires a. i. de Suisse à Madrid, E. Fontanel, au Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna1
C’est aujourd’hui, le 23, que j’ai décidé de convoquer la Colonie suisse ou au moins les membres les plus exposés à venir loger à la Légation. Depuis quelques jours, quoique la situation à Madrid fût relativement tranquille, les renseignements parvenus de divers côtés, bien que parfois contradictoires, devenaient néanmoins de plus en plus alarmants. La Colonie elle-même faisait preuve d’une certaine nervosité et manifestait le désir d’être mise en lieu sûr. J’ai donc pris sur moi, après avoir reçu l’autorisation de principe de M. le Ministre Egger2, d’accueillir mes compatriotes à la Principe de Vergara 41 qui est beaucoup plus défendable, vu la hauteur de ses murs et sa cour intérieure. Nous nous trouvons donc environ 55 pour cette première nuit. Les nouvelles du soir, confirmées par des collègues avec qui j’ai eu une conférence, il y a quelques heures, laissent entrevoir que d’ici peu les troupes rebelles, fort bien organisées et réunies entre elles par des réseaux radio-télégraphiques, procèdent à une avance systématique tant du nord, de l’ouest que du sud. Les signes concluants qui me parviennent, ne peuvent pas laisser de doutes sur la prudence avec laquelle doivent être accueillies les nouvelles gouvernementales d’une presse entièrement acquise par le Gouvernement. Vous savez, en effet, que les journaux de droite, l’A.B.C., le «Ya», «El Debate», «Informaciones» ont été séquestrés et «achetés» par les dirigeants. En fait, le Gouvernement n’existe presque que virtuellement. Il court des rumeurs incontrôlables sur l’assassinat de l’ancien Président du Conseil Casares Quiroga, la fuite de Indalecio Prieto3, celle même du Président Azana, etc. Les quelques membres de missions étrangères encore à Madrid ne peuvent pas communiquer avec les chefs de mission partis pour Saint Sébastien et même très peu avec leur propre gouvernement. Ils doivent souvent recourir au canal d’autres capitales pour tâcher d’atteindre la leur. Les communications sont, cela va sans dire, complètement coupées avec l’étranger si ce n’est pas même la voie télégraphique. On prétend que l’Ambassadeur de Grande-Bretagne aurait été blessé par hasard par une balle des rebelles, celui des Etats-Unis aurait été détenu 24 heures. L’atmosphère, comme vous le voyez, est absolument démontée et des craintes sérieuses nous absorbent à la pensée que bien des massacres pourront avoir lieu avant l’établissement d’un régime quelconque. On prétend cependant que les rebelles, désireux d’éviter des effusions de sang, ne procéderaient qu’à un encerclement progressif de Madrid qu’ils conquerraient ainsi peu à peu, mais quelle sera la réaction des milices envoyées comme chair à canon au devant de l’armée en révolte? Que penser d’un Gouvernement qui n’a pu se défendre qu’en appelant le peuple dans la rue, en armant au hasard des jouvenceaux, si ce n’est aussi des filles rouges! Mais n’est-ce pas aussi en faveur du caractère espagnol de constater que dans l’accomplissement des tâches qui leur étaient assignées, ces milices ont fait preuve d’un très grand courage et aussi d’une discipline parfaite, à part peut-être quelques exceptions qu’on ne pouvait guère éviter. Les milices ont servi à transporter toute personne qui pouvait se justifier et beaucoup de courtoisie a même été témoignée à l’égard des étrangers. Elles en avaient, paraît-il, reçu la consigne. Qu’adviendrat-il d’elles si l’avance des rebelles se fait certaine et quelle sera la réaction du peuple?
Voici les points qui me préoccupent, comme ils inquiètent aussi mes collègues et mes compatriotes à la veille d’une des révoltes les plus considérables depuis beaucoup d’années dans un peuple que son caractère passionné et son défaut d’organisation semblent vouer à de perpétuelles convulsions.
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Espagne (Autres)
Guerre civile espagnole (1936–1939)