Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 11, Dok. 176
volume linkBern 1989
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001C#1000/1535#1503* | |
Dossiertitel | Abrogation des sanction contre l'Italie (1935–1936) | |
Aktenzeichen Archiv | B.56.14.3.a |
dodis.ch/46097
Comme vous l’aurez appris par les journaux, le Comité des XVIII2, souscomité du Comité de coordination constitué en vue de l’application de l’article 16 à l’Italie, a examiné, samedi, la position de la Suisse telle qu’elle résulte de notre communication, en date du 28 octobre3, au Secrétaire général de la Société des Nations.
La discussion sur les questions économiques4 n’a pas soulevé de difficultés particulières. Elle provoqua tout au plus certaines réserves du délégué de la France, M. Coulondre, et du délégué de l’Afrique du sud, M. te Water. M. Motta a insisté, entre autres, sur le fait que, si la Suisse ne pouvait s’associer à la proposition no 3 (arrêt des importations italiennes), elle n’entendait pas pour autant tirer profit en quoi que ce fût de son abstention. Il a rappelé que la suggestion faite, il y a quelque temps, par la délégation suisse5 avait précisément pour effet d’empêcher que l’Italie obtienne, grâce à ses échanges avec la Suisse, un excédent de devises qui lui permette d’acheter des marchandises destinées à la conduite des opérations de guerre. Le gouvernement fédéral veillera, déclara le chef du Département politique, à ce que pareil excédent soit rendu impossible grâce à un système de compensations excluant tous paiements directs.
Quant à la question plus délicate des armes, munitions et matériels de guerre, on nous reproche, dans certains milieux, d’avoir interdit également l’importation et le transit des armes à destination de l’Ethiopie6. Les critiques viennent notamment du côté français et, dans la séance de samedi7, M. Coulondre, appuyé ensuite par les Etats de la Petite Entente et de l’Entente balkanique, ainsi que par la Grande-Bretagne et 1’ U.R.S.S., a lu une déclaration aux termes de laquelle «le gouvernement de la République française ne reconnaît pas comme fondée la justification que le gouvernement fédéral a cru pouvoir tirer de la Convention de La Haye de 19078 et de son statut de neutralité». Le délégué français a souligné «qu’il ne pouvait laisser se créer sur ce point un précédent que, de l’avis du gouvernement français, la Société des Nations ne saurait accepter».
La délégation française et les autres délégations qui lui donnèrent leur appui reconnurent cependant que, dans l’espèce, la question ne présentait pas «une grande importance pratique». Elles tenaient cependant à réserver l’avenir.
M. Motta exposa les raisons9 qui avaient amené le Conseil fédéral à appliquer l’embargo sur les armes à destination des deux belligérants. Il rappela que, «si les Etats neutres sont libres de faire... ce qu’ils estiment le plus conforme à la situation politique du moment, ils ont une obligation essentielle qui est prévue à l’article 9 de la Convention de La Haye, celle de traiter les belligérants de la même façon». «Si donc, précisa le représentant du Conseil fédéral, l’on voulait interpréter la neutralité telle qu’elle a toujours existé pour la Suisse, telle qu’elle a été consacrée dans les actes internationaux, telle qu’elle a été définie dans la Convention de 1907 de La Haye, la Suisse ne pouvait, sans manquer à son devoir de neutralité tel qu’elle l’a toujours conçu, faire autre chose que mettre l’embargo sur les armes, munitions et matériels de guerre destinés à l’Ethiopie.»
Pour ce qui est de l’avenir, M. Motta déclara que le gouvernement fédéral ne se refuserait sans doute pas à soumettre la question à un nouvel examen, mais il fit toutes réserves sur la possibilité de modifier notre attitude. Tout au plus admit-il qu’en matière de transit d’armes et munitions destinées au pays victime d’une agression, il serait peut-être possible pour la Confédération, dans un cas d’espèce donné, d’apporter certaines atténuations à la règle générale posée dans la Convention de La Haye de 1907.
En tout état de cause, on a pu constater, une fois de plus, que notre neutralité perpétuelle, qui a pourtant été consacrée comme un «fait unique» par la Déclaration de Londres10, est une notion sur laquelle les délégués à Genève possèdent des données assez rudimentaires. Nous nous serions attendus, en particulier, à plus de compréhension de la part de la délégation française.
Nous ne croyons pas cependant que dans l’ensemble, notre attitude ait été mal accueillie. On reconnaît bon gré mal gré notre situation spéciale et, si certaines réserves sont formulées, c’est plus pour affirmer d’une façon générale le principe de la solidarité qui fait règle au sein de la Société des Nations que pour contester les conditions très particulières dans lesquelles nous devons nous solidariser avec l’action entreprise par la Société des Nations sur la base de l’article 16 du pacte11.
Les sanctions économiques et financières entreront en vigueur, comme vous le savez, le 18 novembre. D’ici là, la situation peut encore se modifier, bien qu’à cet égard, certains doutes soient permis. A en juger par ce que nous avons appris, les pourparlers de paix paraissent encore loin d’entrer dans une phase décisive. Mais tout espoir n’est pas perdu de voir, dans un avenir rapproché, le Conseil de la Société des Nations se réunir pour examiner des propositions acceptables pour l’une et l’autre partie en conflit. C’est le vœu qui a été formulé, samedi dernier, au sein du Comité de coordination12, notamment par M. Laval et Sir Samuel Hoare, et auquel M. Motta s’est associé de tout cœur.
- 1
- Rapport (Copie): E 2001 (C) 5/163. Paraphe: GP.↩
- 2
- Cf. no 160, n.l.↩
- 3
- Cf. annexe II au no 172.↩
- 4
- Le samedi 2 novembre, au Comité des Dix-huit (JO. SDN, 1935, Supplément spécial no 146, pp. 35 ss.).↩
- 5
- Cf. no 160, et n. 8.↩
- 6
- Cf. annexe I au no 172.↩
- 7
- Cf. JO.SDN, 1935, Supplément spécial no 146, pp. 39ss.↩
- 8
- Cf. annexe II au no 172, n. 12.↩
- 9
- Cf. JO. SDN, 1935, Supplément spécial no 146, pp. 40–41.↩
- 10
- Cf. no 145, n. 6.↩
- 11
- Cf. no 145, n. 5.↩
- 12
- Cf. JO. SDN, 1935, Supplément spécial no 146, pp. 8ss.↩