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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 120
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1535#1435* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1535 158 | |
Dossier title | Contrôle du commerce et de la fabrication des armes et munitions en Suisse (Article constitutionnel concernant le contrôle de l'industrie privée des armements) (1925–1938) | |
File reference archive | B.56.13.7.1.a |
dodis.ch/46041
Au cours de l’année 1933, nous avions été amenés, à la suite de requêtes émanant de quelques associations à tendances pacifistes et notamment à la suite du postulat Perret2, déposé au Conseil national le 10 mars 1932, à examiner d’une façon approfondie la possibilité pour la Confédération d’instituer un contrôle national sur la fabrication et le commerce des armes, munitions et matériels de guerre.
Vous trouverez, sous ce pli, copie de l’exposé que nous avions fait tenir au Département militaire à la date du 7 septembre 19333.
La question avait été soumise ultérieurement au Conseil fédéral et, dans sa séance du 4 décembre de la même année4, celui-ci était arrivé à la conclusion qu’il serait prématuré de résoudre nationalement le problème aussi longtemps qu’il restait un espoir de voir aboutir une réglementation internationale dans le cadre de la Conférence du désarmement5.
Depuis lors, la situation a bien changé. La Conférence du désarmement n’a plus guère de chances d’aboutir, du moins pas dans un avenir rapproché. Il faut même renoncer, pour le moment, à l’idée de conclure, comme y avait songé le gouvernement des Etats-Unis, une convention limitée au contrôle international de la fabrication et du commerce des armes et matériels de guerre. Le comité chargé de traiter ce problème à Genève et dans lequel la Suisse était représentée vient, en effet, d’achever ses travaux sur un rapport6 qui n’invite nullement à l’optimisme. Des divergences de vues considérables se sont manifestées et les textes adoptés en première lecture – la seconde lecture aura lieu on ne sait quand – sont grevés de si nombreuses réserves que le jour nous paraît éloigné où les Etats, notamment les grandes puissances, parviendront à se mettre d’accord sur un texte unique. Trop d’intérêts sont en jeu pour qu’il n’en résulte pas heurts et dissonances.
Les possibilités d’accord qu’avait dû tout naturellement envisager le Conseil fédéral il y a deux ans se sont ainsi avérées chimériques, et, derechef, la question se pose de savoir si, en l’absence de toute réglementation internationale, il n’y aurait pas lieu, pour notre pays, de légiférer, à l’instar de beaucoup d’autres, en cette matière.
Pour nous, la réponse à cette question n’est plus douteuse. Sous peine d’enregistrer de sérieux mécomptes, nous ne pouvons demeurer plus longtemps à l’écart du mouvement législatif qui se poursuit dans la plupart des pays et qui tend à prémunir les Etats contre les dangers du trafic non contrôlé d’armes et de munitions de guerre. La nécessité se fait sentir, chez nous comme ailleurs, d’intervenir législativement ou administrativement dans un domaine où un régime de trop grande liberté peut donner lieu à des abus regrettables et surtout dommageables pour le bon renom de la Confédération.
Depuis quelque temps, le gouvernement britannique, appuyé tout récemment par le gouvernement français, nous a représenté tout l’intérêt qu’il y aurait à ce que la Suisse s’associât, de son côté, aux mesures prises dans plusieurs Etats manufacturiers pour empêcher l’exportation d’armes à destination de la Chine7, en proie actuellement à la guerre civile. Si nous demeurions sourds à ces appels sous prétexte que notre législation ne nous permet pas d’agir pour le moment, on finirait sans doute par nous reprocher d’alimenter indirectement un foyer de guerre dans un pays qui n’a déjà que trop souffert des luttes armées.
D’autre part, le gouvernement italien nous a signalé combien il regretterait de voir la Suisse participer, par son industrie privée, à l’armement de l’Ethiopie, avec laquelle nos voisins se trouvent présentement en difficulté. L’inertie des autorités fédérales serait de nature à entamer l’amitié que nous voue un pays avec lequel nous avons un intérêt majeur à entretenir les meilleures relations.
Le problème, comme vous le voyez, n’est pas seulement important; il est urgent, et nous nous proposons de le soumettre sous peu, d’entente avec le Département militaire, à un nouvel examen du Conseil fédéral.
Encore convient-il d’étudier sur quelles bases nous serions en mesure de légiférer. Ainsi que nous le rappelions dans notre exposé au Département militaire8 (p. 31 et s.), votre Département avait déjà examiné la question lorsqu’il s’agissait pour nous d’adhérer à la convention sur le commerce des armes, signée en 19259
. Il était arrivé à la conclusion que la Constitution nous offre, à ses articles 85, chiffre 610, et 102, chiffre 911, une «base suffisante». Il proposait cependant de recourir à cet effet à une loi plutôt qu’à un arrêté fédéral, étant donné que des sanctions pénales s’attacheraient nécessairement aux violations des mesures de défense et de contrôle qui seraient édictées par la Confédération.
A ce propos, nous avions laissé la question ouverte, nous bornant à dire, dans notre lettre au Département militaire12 (p. 35), qu’«il suffirait, croyons-nous, d’un arrêté fédéral ou peut-être même d’un arrêté du Conseil fédéral». Il s’agirait aujourd’hui de se prononcer définitivement sur ce point.
Quant à nous et vu l’urgence de cette affaire sur laquelle nous nous permettons d’insister, nous pensons qu’un simple arrêté du Conseil fédéral ne saurait guère prêter à de sérieuses objections d’ordre constitutionnel. Il serait difficile de soutenir, en effet, que la fabrication privée d’armes sur notre territoire, avec les répercussions qu’elle peut avoir sur nos relations avec certains Etats, ne touche pas, en quelque manière, «à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité». Le Conseil fédéral nous paraîtrait donc fondé à agir luimême, sur la base de l’article 102 de la Constitution fédérale. Si même certains doutes subsistaient dans votre esprit, peut-être céderont-ils devant l’impérieuse nécessité pour le Gouvernement d’agir, et d’agir vite.
Quoi qu’il en soit, nous vous serions fort obligés d’examiner encore cette question à la lumière de notre droit public et de nous faire connaître votre avis aussitôt que possible.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (C) 5/158. Paraphe: GP.↩
- 2
- Demandant au Conseil fédéral d’examiner par quels voies et moyens il pourrait interdire l’exportation des armes et des munitions de guerre et contrôler leur fabrication.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. PVCF no 1895 du même jour (E 1004 1/343).↩
- 5
- Cf. no 39, dodis.ch/45960 et DDS vol. 10, rubrique 1.1: Conférence pour la réduction et la limitation des armements.↩
- 6
- Le Comité pour la réglementation du commerce et de la fabrication privée et d’Etat des armes et matériels de guerre adopte le rapport sur l’état de ses travaux (en première lecture), le 13 avril 1935. Ce rapport, publié par la SdN, porte le numéro officiel: Conf. D. 168. On en trouve des exemplaires in E 2001 (C) 5/160.↩
- 7
- Cf. no 99.↩
- 8
- Du 7 septembre 1933. Non reproduit.↩
- 9
- Le 17 juin. Le 7 juin 1926, le Conseil fédéral décida de signer cette convention, mais celle-ci n’entra jamais en vigueur, faute d’un nombre suffisant d’adhésions. Cf. DDS vol. 9, no 191, dodis.ch/45208.↩
- 10
- Les affaires de la compétence des deux conseils [Conseil national et Conseil des Etats]sont notamment les suivantes: [...] 6. Les mesures pour la sûreté extérieure, ainsi que pour le maintien de l’indépendance et de la neutralité de la Suisse; les déclarations de guerre et la conclusion de la paix.↩
- 11
- Il [le Conseil fédéral] veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.↩
- 12
- Cf. n. 7 ci-dessus.↩
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Geneva Disarmament Conference (1932–1934)