Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 119
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1534#962* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 57 | |
Dossier title | Reglement betr. Ein- und Auswanderung, IV (1935–1939) | |
File reference archive | B.31.01.05 • Additional component: Frankreich |
dodis.ch/46040
Cela sert à quelque chose d’aller dans les gares; ce matin, je me suis précipité à la station P. L. M. pour prendre congé de MM. Flandin et Laval, puisqu’ils partaient pour Stresa via territoire suisse; devant le wagon, j’ai rencontré M. Edouard Herriot et vous pensez bien que je n’ai pas omis l’occasion de lui dire l’objet de ma visite d’hier au Président Laval2, en même temps que j’attirais son attention sur les soucis très graves que me procure la manière d’être actuelle du Gouvernement français vis-à-vis des travailleurs étrangers en quête de renouvellement de carte d’identité. Comme M. Herriot est spécialement chargé par le Conseil des Ministres de présider la Commission interministérielle, je savais que mes doléances ne tomberaient pas dans l’oreille d’un sourd.
Le Maire de Lyon a tout d’abord eu une réaction de félicitations et d’admiration à l’égard de l’attitude que la Suisse observe actuellement vis-à-vis du Cabinet de Berlin3; il a dit: «C’est un bel exemple que votre pays donne là à l’Allemagne envers laquelle nous n’avons plus confiance, parce que nous avons trop de preuves que le Cabinet de Berlin ment toujours et impunément». Ensuite, M. Herriot m’a dit qu’il n’était pas mal disposé du tout pour la Suisse, mais qu’il est dans l’obligation de restreindre, d’une manière générale, le nombre des travailleurs étrangers en France; à cela, je lui ai objecté qu’il y a tout de même des nuances à observer: on ne peut pas traiter sur le même pied un ouvrier polonais qui travaille dans les mines du Pas-de-Calais ou un honnête employé de commerce fixé à Paris ou ailleurs depuis de nombreuses années et dont la renommée est intacte; mon interlocuteur a immédiatement reconnu le bien-fondé de mon observation et il m’a encouragé à lui signaler les cas que je lui indiquerai spécialement, étant bien entendu que je ne lui citerais pas les 100000 Suisses qui sont actuellement en France, puisqu’il doit en laisser partir quelques-uns pour diminuer le contingent des travailleurs suisses en France4; mais il a ajouté: il y a dans votre colonie, comme dans tant d’autres agglomérations, certainement des gens auxquels vous ne tenez pas spécialement5; laissez donc partir ceux-là s’ils sont touchés par un ordre de refoulement et dévouez-vous à bon escient; évidemment ce serait bien difficile pour moi; M. Zurlinden vous en parlera au cours de la conférence à laquelle il assistera à Berne lundi prochain.
Pour être complet, je dois avouer que j’ai cru remarquer, tout au fond de la pensée de M. Herriot, une sorte de rancune, parce qu’il a, sans transition, parlé des attaques éhontées auxquelles certains hommes politiques français sont l’objet dans des journaux suisses, par exemple le «Journal de Genève», où le correspondant parisien, M. Pierre Bernus, écrit les critiques qu’il ne peut pas publier dans le «Journal des Débats». J’ai rétorqué à mon interlocuteur qu’en Suisse la presse est complètement libre, de même qu’en France. Le train partait, nous nous séparâmes, mais je retiens que je peux, dorénavant, ne plus écrire au Ministre du Travail, M. Jacquier, qui répond toujours non, mais signaler des cas à M. Herriot, puisqu’il m’y a lui-même invité. D’ailleurs, la parole sera prochainement au Conseil des Ministres lui-même, pour les questions de principe, puisque M. Laval a décidé d’en saisir ses Collègues; à part les questions de principe, il y aura encore les cas particuliers que je pourrai soumettre, en toute franchise, à M. Herriot.
Vous voyez, Monsieur le Conseiller Fédéral, que je ne manque aucune occasion de me préoccuper de la triste situation dans laquelle se trouvent ceux de nos compatriotes qui ont affaire avec l’Administration des cartes pour travailleurs étrangers.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 4/57.↩
- 2
- Le Ministre de Suisse a remis à Pierre Laval une note verbale concernant le problème des Suisses travaillant en France, ainsi qu’une liste de 13 cas de refus de permis de travail (lettre de Dunant à Motta du 9 avril, E 2001 (C) 4/57).↩