Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
1. Allemagne
1.8. Questions politiques générales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 93
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#6199* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 304 | |
Dossier title | Allgemeines (1933–1945) | |
File reference archive | B.51.12.Uch • Additional component: Deutschland |
dodis.ch/46014
Nous avons eu l’honneur de recevoir votre rapport politique du 18 janvier2 nous relatant le fort intéressant entretien que vous aviez eu, la veille, avec le Secrétaire d’Etat von Bülow. Nous vous en remercions très vivement.
Nous ne saurions vous dissimuler que la lecture de ce rapport nous a un peu troublés. Le langage de M. de Bülow nous paraît avoir été, d’une façon générale et sur tous les sujets si divers abordés au cours de votre conversation, tellement réticent qu’il est difficile de se défendre de l’idée qu’il avait dans l’esprit des objectifs beaucoup plus complexes que ceux qu’il a laissé entrevoir. Ces réticences obligent à se demander s’il conviendrait de prendre au sérieux les desseins, à première vue tout à fait déraisonnables, que les adversaires les plus acharnés de l’Allemagne prêtent à la politique étrangère du Ille Reich et dont l’article ci-joint du Journal des Débats3 fournit un assez bon exemple. Nous vous serions très reconnaissants de nous dire ce que vous en pensez et de nous aider ainsi à mettre au point une impression dont nous nous rendons fort bien compte qu’elle ne peut répondre à la réalité, évidemment beaucoup plus nuancée, sans parvenir à démêler ce qui est vraisemblable, possible et tout à fait exclu.
La partie de votre conversation avec M. de Bülow qui a trait aux visées pangermanistes sur la Suisse et au prix qu’aurait à nos yeux une déclaration explicite de M. Hitler les désavouant nettement est, naturellement, celle qui a retenu notre plus grande attention4. Comme nous croyons pouvoir admettre que M. de Bülow connaît notre pays et a pour lui de la sympathie, il nous paraît exclu qu’il n’ait pas compris que l’indépendance et la neutralité de la Suisse sont dans l’intérêt de l’Allemagne comme de tous les autres Etats de l’Europe. Nous nous refusons donc à attribuer sa réaction assez décevante au souci de ne pas compromettre la réalisation plus ou moins prochaine d’un objectif impérialiste. Il nous paraît, en revanche, assez plausible que, dans les conjonctures actuelles, l’Office allemand des Affaires étrangères se trouverait embarrassé pour faire admettre aux dirigeants du parti national-socialiste et à M. Hitler lui-même l’opportunité d’exclure formellement la Suisse allemande des territoires revendiqués par les pangermanistes extrémistes et désirerait éviter d’ouvrir une controverse interne sur ce sujet. Cette explication ferait comprendre jusqu’à un certain point la vivacité inattendue dont votre interlocuteur a fait preuve. Elle concorde, d’ailleurs, avec notre sentiment que, sur ce point si important, il convient d’être circonspect et de ne pas risquer, en insistant au mauvais moment, un échec qui irait à fin contraire du but poursuivi.
Bien que la réponse de M. de Bülow nous engage à redoubler de prudence à cet égard, nous ne pouvons nous cacher pourtant que les visées sur la Suisse que caressent ouvertement, en Allemagne, des milieux pangermanistes que nous voulons croire sans réelle influence pèsent beaucoup plus lourdement qu’on ne paraît s’en rendre compte à Berlin sur les relations germano-suisses. C’est certainement à la manifestation réitérée de telles tendances que l’on doit attribuer pour une large part la méfiance à l’égard du Ille Reich qui va sans cesse croissant dans l’opinion et dans la presse suisses et il nous semble clair qu’il serait vain d’espérer une détente tant que le Führer du national-socialisme n’aura pas coupé court à des tendances qui constituent une menace directe pour notre indépendance.
Nous n’oublions pas que MM. Goebbels et von Neurath ont fait au soussigné, le 26 septembre 1933, des déclarations rassurantes, auxquelles nous avons donné la publicité nécessaire5. Mais, d’une part, ces déclarations n’ont pas mis fin, en Allemagne, à l’état d’esprit qui est pour beaucoup de Suisses une source constante d’inquiétude et, d’autre part, les événements ont si clairement montré que M. Hitler ne se gênait pas de désavouer ses porte-parole les plus autorisés, que la valeur des apaisements qui nous ont été donnés s’en trouve singulièrement amoindrie.
Sans vouloir nous fixer un délai pour la réalisation de cet objectif et sans nous départir de la circonspection indispensable, nous devons donc continuer à nous assigner pour but d’amener à la prochaine occasion favorable le chef du Gouvernement allemand à prendre position contre les pangermanistes et à déclarer nettement que le national-socialisme respectera l’indépendance et la neutralité de la Suisse6. Nous vous serons reconnaissants de continuer à travailler dans ce sens et nous chercherons de notre côté à seconder vos efforts par le canal de la Légation d’Allemagne à Berne.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 3/304. Paraphe: GD.↩
- 2
- Cf. n. 3 ci-dessous.↩
- 3
- Non retrouvé.↩
- 4
- Il s’agit du passage suivant: [...] Ich benutzte schliesslich diese rein persönliche Unterhaltung, um eine Anspielung zu machen auf die pangermanistischen Gedankengänge, die hin und wieder, jedenfalls zu oft in deutschen Veröffentlichungen der jüngsten Zeit in mehr oder weniger verhüllter Form zum Ausdrucke kommen. Ich fügte bei, dass wenn wir derartige Auslassungen auch nicht ernst nehmen wollten, die öffentliche Meinung in der Schweiz sich dieserhalb doch äusserst empfindlich zeige, namentlich seitdem im Reiche nichts ohne ausdrückliche oder stillschweigende Billigung der Behörden veröffentlicht werden könne. Deshalb sei kürzlich in der schweizerischen Presse sogar der Wunsch laut geworden, es möchte gelegentlich eine nicht misszuverstehende Erklärung über die Unantastbarkeit der schweizerischen Unabhängigkeit von höchster deutscher Stelle abgegeben werden. Dass dieser Gedanke mir selbst von Ihnen, in Ihrem Schreiben... vom 3. dieses Monats, mitgeteilt worden ist, habe ich für einmal verschwiegen[Remarque marginale de G. Motta: richtig!].
Herr von Bülow reagierte denn auch ungewohnt lebhaft auf meine Bemerkung, indem er zu zwei Malen erwiderte, es würde sich hier schwerlich jemand zur Abgabe der gedachten Erklärung bereit finden lassen, da man sich damit lächerlich machen müsste. Ich glaubte, dazu bemerken zu können, dass ich für seine, Bülow’s, Entgegnung volles Verständnis habe, immerhin in der bestimmten Erwartung, dass sich nichts zutragen werde, das ein Verlangen unsererseits nach einer amtlichen Versicherung wie die erwähnte rechtfertigen sollte. Damit schien mir der Weg zu Vorstellungen wegen allfälliger Veröffentlichungen oder Reden gebührend vorbereitet. [...]( E 2300Berlin, Archiv-Nr. 36).↩
- 5
- Cf. DDS vol. 10, no 336, dodis.ch/45878.↩
- 6
- Cf. no 124.↩
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