Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
15. Italie
15.6. Questions politiques générales
Également: Motta intervient personnellement sur le projet de l’Italie de rompre toute relation avec la SdN. Annexe de 23.11.1933
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 358
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#J1.1#1000/1392#213* | |
Old classification | CH-BAR J 1.1(-)1000/1392 28 | |
Dossier title | Nr. 27: 31.3.1933-15.2.1935 (1918–1939) | |
File reference archive | 15-27 |
dodis.ch/45900
Je lis toujours avec un grand intérêt vos rapports et je suis avec la plus vive attention, les choses d’Italie.
J’avais déjà été frappé (et je dois bien le dire, très désagréablement) par la partie du discours de M. Mussolini2 relative à la situation politique et à la Société des Nations. J’avais trouvé que le langage du Duce manquait de la pondération qu’on est en droit de demander à ceux qui s’arrogent la prétention de parler au nom d’un Etat et d’un peuple.
Les nouvelles que les journaux nous ont portées hier au matin n’ont fait que me confirmer dans mes sentiments. Le Corriere délia Sera (quantum mutatis ab illo!) portait une note qui n’était évidemment pas de la plume de M. Mussolini, mais était d’inspiration officieuse évidente...3
Il ne faut pas se faire des illusions: si le Grand Conseil fasciste décide, au début de décembre, que l’Italie, elle aussi, quitte la Société des Nations, celle-ci aura vécu... Le geste de l’Allemagne4 avait le caractère d’un défi et l’apparence d’un acte d’énergie; il pouvait, à la rigueur, être compris si non approuvé. L’idée de la Gleichberechtigung est à la base de la politique allemande. Or, le Gouvernement allemand pense que cette Gleichberechtigung n’existe, à l’heure actuelle, à Genève, ni en fait ni en droit...
Mais le geste que l’Italie accomplirait, si elle l’accomplit vraiment, serait infiniment plus grave encore...
Pour tout homme impartial le coup mortel à la Société des Nations aurait été donné par M. Mussolini lui-même...
Les arguments de M. Mussolini contre la S.d.N. ne sont pas sérieux. Il faut se demander en quoi le Pacte à quatre5 avec le conciliabule des Grandes Puissances et les méthodes que celles-ci appliqueraient seraient meilleurs que le Pacte de la Société des Nations...
On sent dans les paroles de M. Mussolini l’amour propre blessé... et même un lointain écho de l’affaire de Corfou...6
Mais j’avoue que je ne suis pas trop surpris... Il y avait déjà plusieurs mois, peutêtre plusieurs années que j’entrevoyais le danger... L’esprit de toutes les dictatures est l’esprit de la force et même de la violence. Le droit n’est pour elles qu’un des aspects de la force. La S.d.N. est, malgré tous ses défauts trop évidents mais inévitables, en définitive une grande institution libérale et démocratique. Comme telle elle s’oppose à tout ce qui touche de près ou de loin à l’absolutisme...
Je n’avais cependant pas cru que l’Italie aurait pu assumer devant l’histoire les responsabilités qu’elle semble vouloir braver... Ces quelques réflexions n’ont pour but que de vous informer de mon opinion. Si vous avez l’occasion de parler autour de vous de l’impression que la menace italienne produit en Suisse, vous êtes autorisé à dire que cette impression est franchement mauvaise et que les amis de l’Italie en sont consternés...7
- 1
- Lettre (Copie): J.1.1.1/28.↩
- 2
- Prononcé le 16 novembre devant le Conseil des Corporations. Cf. la lettre de Wagnière du même jour (E 2300 Rom, Archiv-Nr. 33).↩
- 3
- Points de suspension dus à la plume de Motta, comme tous ceux qui apparaissent dans cette lettre.↩
- 4
- En octobre 1933 l’Allemagne avait décidé de quitter la conférence du Désarmement et de se retirer de la SdN. Décision ratifiée le 12 novembre suivant, lors d’un plébiscite, par le peuple allemand.↩
- 5
- Signé le 15 juillet 1933 par l’Italie, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Cf. no 266, n. 2.↩