Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
19. Roumanie
19.2. Emprunt roumain
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 353
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#3968* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 167 | |
Dossier title | Stabilisierungsanleihen von 1929, Transfermoratorium (1931–1934) | |
File reference archive | C.42 • Additional component: Rumänien |
dodis.ch/45895
En me référant à votre dépêche du 1er de ce mois et pour faire suite à mon rapport d’hier2 relatif au résultat des négociations engagées à Paris par M. Madgearu3 au sujet des emprunts émis par le Gouvernement roumain4, j’ai l’honneur de vous faire connaître que le Ministère des Finances a publié un communiqué que reproduisent la plupart des journaux de ce matin et aux termes duquel les porteurs suisses comme les porteurs français de rentes roumaines auraient adhéré à l’accord du 26 octobre5
. Il vous intéressera sans doute de connaître l’opinion que m’a exprimée hier M. Titulesco sur la situation financière de la Roumanie en général et, en particulier, sur les fautes commises par M. Madgearu dans les négociations relatives à la dette extérieure. L’avis de M. Titulesco me semble mériter de retenir votre attention, car, ainsi que vous le savez, l’actuel Ministre des Affaires Etrangères a détenu à deux reprises le portefeuille des Finances.
Dans la conversation que j’ai eue avec lui, il s’est exprimé à peu près en ces termes:
«Nous avions certes le droit de réclamer et même d’exiger que nos créanciers tiennent compte de notre situation financière et nous consentent certaines facilités. En effet, si l’on considère les conditions dans lesquelles furent émis nos emprunts, les monnaies qui furent adoptées dans les stipulations et, d’autre part, la formidable dépréciation de notre devise nationale, nous demander de payer intégralement les intérêts prévus équivaudrait à nous imposer des taux usuraires du 25 à 30%. Mais, précisément parce que nous avions le bon droit pour nous, nous ne pouvions nous permettre aucune faute de tactique. Or, mon collègue Madgearu, dont je ne conteste aucunement les qualités et les mérites, a fait preuve dans ses relations avec les porteurs étrangers et avec leurs gouvernements respectifs de la plus grande maladresse. La décision unilatérale qu’il prit en septembre dernier6 était une faute presque irréparable. Lorsqu’il s’en aperçut, il me dépêcha son sous-secrétaire d’Etat pour me demander d’arranger les choses. Je ne pus me retenir de lui répondre qu’il était un peu tard et que le plus adroit des potiers ne saurait raccomoder en quelques heures un vase brisé en mille morceaux.»
«J’essayai néanmoins de réparer le dommage et je fis savoir à M. Paul-Boncour que, pour sortir de l’impasse où nous avait placés le geste de M. Madgearu, je ne voyais qu’un seul moyen: appeler mon collègue à Paris et négocier avec lui.» «Laissez-lui croire, dis-je à mon collègue français, qu’il n’aura affaire qu’à vous et au Ministre des Finances. Quand il sera au Quai d’Orsay, vous trouverez facilement le moyen, sans trop blesser son amour-propre, de l’amener à causer avec vos banquiers et avec les représentants des porteurs.»
«Le conseil n’était pas mauvais et Paul-Boncour n’a pas dû se repentir de l’avoir suivi.»
M. Titulesco m’a parlé ensuite de l’état présent des finances roumaines et, à ce propos, m’a répété certaines déclarations qu’il m’avait déjà faites à Genève au début du mois d’octobre dernier. Elles sont de la teneur suivante:
«Je me plais à espérer que les experts qui devront évaluer notre capacité de payement comprendront tout le tragique de notre situation. Elle est cent fois pire que celle de l’Autriche sur laquelle, cependant, tout le monde s’apitoie. Vingt millions de Roumains n’arrivent pas à payer au fisc plus de 12 milliards de lei, de telle sorte que, si les traitements de nos fonctionnaires, les pensions de nos retraités, de nos invalides de guerre, etc., étaient intégralement servis, il ne resterait exactement rien pour les autres dépenses de l’Etat.»
«Tel est l’effet de la crise actuelle sur les pays agricoles comme le nôtre. Dans les Etats fortement industrialisés, cette crise se traduit par l’aggravation du chômage et par un appauvrissement général de la population. Les finances publiques peuvent néanmoins dans ces conditions rester prospères. C’est l’inverse qui se produit chez nous. Les produits de notre sol valent à peine le cinquième de ce qu’ils valaient il y a quelques années. Néanmoins, nos paysans ont un toit sur leurs têtes et de quoi manger à leur faim. Mais l’Etat est complètement ruiné. C’est une chose qu’on ne devrait pas oublier lorsqu’on parle de notre situation financière.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 3/167.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Ministre roumain des Finances.↩
- 4
- Cf. no 325.↩
- 5
- Signé à Paris par le Ministre Madgearu et par les représentants des associations de porteurs de différents pays, dont la Suisse. Cet accord, qui réglait à titre provisoire et jusqu’au 31 mars 1934 le sort des emprunts directement émis par le Gouvernement roumain, était généralement considéré comme un succès pour les porteurs de titres. Cf. texte de l’accord in E 2001 (C) 3/167.Dans une autre lettre au Département politique du 23 novembre suivant, le Ministre de Week relate son entrevue avec le successeur de Madgearu au Ministère des finances, Brâtianu: [...] Je n’ai pas manqué de rappeler à M. Brâtianu que l’épargne suisse est intéressée pour 120 millions de francs suisses au sort des emprunts roumains. Il m’a répondu que son gouvernement respecterait les engagements pris par M. Madgearu dans l’accord provisoire du 26 octobre et qu’il se proposait de reprendre la négociation au mois de janvier prochain dans l’esprit le plus conciliant. [...] ( E 2001 (C) 3/167).↩
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