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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 323
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1551#6387* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 217 | |
Dossier title | Amerika-Anleihen 1915, 1919, 1920, 1924 (1932–1934) | |
File reference archive | C.21.11 • Additional component: Vereinigte Staaten von Amerika |
dodis.ch/45865
Le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a promulgué, le 5 juin dernier, une loi du 29 mai qui déclare contraire à l’ordre public tout engagement contractuel stipulant qu’une obligation publique ou privée est payable en or effectif ou à la valeur du dollar-or. Cette loi (Act to assure uniform value to the coins and currencies of the United States) a donc pour effet d’annuler rétroactivement la clause-or, tout en imposant la fiction de l’équipollence du dollar-papier et du dollar-or.
L’abrogation de la clause-or aux Etats-Unis pose pour la Confédération suisse un problème de haute importance, attendu que son emprunt de 30 millions de dollars, émis à New York le 1er avril 1924, est précisément muni d’une clause-or, ainsi qu’il ressort du texte du contrat d’emprunt et du libellé des titres...
Pour répondre aux questions qui affluaient concernant le sort de cet emprunt, le Conseil fédéral a pris, le 9 juin dernier2, la décision suivante: «Das Finanz- und Zolldepartement wird ermächtigt, auf Anfragen betreffend die Goldklausel der 5‘/2%igen Dollaranleihe des Bundes vom Jahre 1924 zu antworten, dass der Bundesrat gedenke, sich an die Anleihensbedingungen zu halten.))
L’approche de l’échéance du 1er octobre et l’éventualité d’un remboursement anticipé de l’emprunt à la date du 1er avril 1934 exigeraient qu’une résolution définitive intervînt incessamment touchant la validité de la clause-d’or insérée dans cet emprunt.
Il n’est point besoin d’insister sur la portée de cette décision, dont les conséquences financières, notamment, ne sont pas quantité négligeable. Nous nous bornerons à relever ici que les dispositions qu’adoptera la Confédération étendront leurs effets au delà de l’emprunt lui-même. Le public suisse détient d’importants dossiers de titres émis aux Etats-Unis par des débiteurs non-américains, qui ne sont souvent que trop enclins à vouloir opposer à tout porteur indistinctement les restrictions dérivant d’une mesure dont l’application ne devrait être que strictement territoriale. Au nom de ces intérêts menacés, l’Association suisse des Banquiers a pris l’initiative de constituer un Comité international contre la répudiation de la clause-or, qui se propose de provoquer des décisions judiciaires pour faire reconnaître les droits acquis des créanciers.
Le sort de l’emprunt émis par la Confédération aux Etats-Unis ne peut, bien entendu, être réglé en prenant en considération ces circonstances étrangères au sujet. La décision doit intervenir en connaissance de cause et après un examen objectif des points de droit soulevés par la promulgation de la loi américaine du 29 mai et son application éventuelle aux porteurs des titres de l’emprunt de 1924. [...]
Comme l’établit le Département des Finances dans sa lettre du 28 août3, la question à résoudre se réduit en définitive à déterminer quel est le droit, - suisse ou américain, - qui régit les rapports contractuels nés entre l’emprunteur et les porteurs. En posant comme prémisse que les parties ne peuvent guère avoir entendu se référer à une loi autre que la «lex loci executionis» et en invoquant diverses autres considérations militant aussi en faveur de l’application du droit américain à l’ensemble du contrat d’emprunt, le Département des Finances arrive inévitablement à la conclusion suivante: «Die Rechtsanwendungsfrage erscheint uns eindeutig gelöst, und die Bestimmungen der «Acts Roosevelt» erachten wir als uneingeschränkt anwendbar».
Jusqu’à plus ample informé, nous ne pouvons guère partager cette opinion. Sans vouloir nous livrer ici à une réfutation en règle de l’argumentation du Département des Finances, nous rappellerons seulement qu’une des thèses le plus lumineusement mises en évidence par les mémorables arrêts rendus en 1929 par la Cour permanente de Justice internationale dans les causes des emprunts serbes et brésiliens4 a trait précisément au principe qu’un Etat ne peut être présumé avoir fait une élection de législation. Pour tout emprunt contracté par un Etat en vertu de lois spéciales qui en fixent les conditions, la substance de la dette sera soumise à la loi de cet Etat, sauf dérogation expresse stipulée au contrat. «Un Etat souverain, déclare la Cour permanente, ne peut être présumé avoir soumis la substance de sa dette et la validité des engagements pris par lui à ce sujet à une autre loi que sa propre loi». Pour qu’il en fût autrement, une référence formelle à une législation étrangère serait indispensable. Or nous ne découvrons aucune disposition dans le contrat d’emprunt de 1924 qui permette d’inférer que la Confédération a entendu laisser déterminer l’étendue de son obligation par les normes du droit américain. Tout au contraire, la garantie donnée aux porteurs touchant l’exemption de tout impôt ou droit de timbre fédéral actuel et futur nous semble constituer une sérieuse indication dans le sens opposé.
Nous inclinons à croire que la loi américaine du 29 mai ne modifie donc que les modalités de paiement exclusivement, posant d’ailleurs ainsi un problème assez délicat, qui est même susceptible d’amener la Confédération suisse à prendre certaines mesures appropriées en constituant, par exemple, un nouveau domicile de paiement hors des Etats-Unis, ou encore en établissant une discrimination selon que le porteur est domicilié aux Etats-Unis ou ailleurs.
Dans la pratique et selon la décision à laquelle s’arrêtera le Conseil fédéral, les prestations dues aux termes de l’emprunt pourront s’effectuer soit sur la base du dollar-or, soit en dollars-papier, soit encore en dollars-papier aux Etats-Unis et en dollars-or en dehors des Etats-Unis.
En portant ce qui précède à votre connaissance, nous avons l’honneur de vous prier de bien vouloir examiner la question juridique soulevée par l’annulation de la clause-or aux Etats-Unis et par les effets de cette mesure sur l’obligation contractée par la Confédération suisse en raison de l’émission de l’emprunt de 1924.
[...]5
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 1/217. Paraphe: CI.↩
- 2
- Cf. no 284.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Publication de la Cour permanente de justice internationale, Série A No 20/21. Recueil des Arrêts. Affaires concernant le paiement de divers emprunts serbes émis en France. Ajjaires relatives au paiement, en or, des emprunts fédéraux brésiliens émis en France.↩
- 5
- Dans sa réponse du 29 septembre suivant, H. Haberlin parvenait aux mêmes conclusions que le Chef du Département politique: /... / Wir gelangen zum Ergebnis, dass die Goldklausel sowohl bei der schweizerischen Anleihe wie bei den drei dänischen Anleihen[cf. no 309]nach wie vor verbindlich ist und dass daher die Zinszahlung und die Kapitalrückzahlung zum Goldwert zu erfolgen haben (E 2001 (C) 1/217).↩
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United States of America (USA) (Economy)
Swiss Franc devaluation of 1936 and international abandonment of the gold standard