Language: French
13.3.1933 (Monday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 13.3.1933
Minutes of the Federal Council (PVCF)
Le Conseil fédéral examine la réponse de l’Italie concernant l’activité de sa police en Suisse.
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Jean-Claude Favez et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 246

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Bern 1982

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dodis.ch/45788
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 13 mars 19331

372. Agissements de la police italienne en Suisse. Démarche à Rome

Dans la séance du 10 mars, M. le chef du département politique a rappelé la démarche diplomatique faite à Rome au sujet de l’affaire Firstermacher\ après que la chambre d’accusation du Tribunal fédéral par son ordonnance de nonlieu3, eut empêché cette affaire de suivre son cours en justice. M. Wagniére eut alors une longue conversation avec M. Suvich, secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères, auquel il laissa un aide-mémoire4 exposant que le Conseil fédéral ne pouvait pas tolérer que la police italienne pratiquât l’espionnage sur sol suisse. M. Wagniére avait rendu compte de sa démarche par une lettre du 11 février5, mais la réponse du gouvernement italien ne lui a été remise que le 9 mars. Son télégramme relatant cette réponse exposait qu’elle n’était pas satisfaisante, et notre ministre lui-même demandait l’autorisation de faire une démarche auprès de M. Mussolini pour chercher à obtenir une déclaration qui tienne compte de notre protestation.

Aujourd’hui, M. Motta complète ses informations du 10 mars. M. Suvich a communiqué à M. Wagnière un rapport de M. Bocchini, directeur de la police, qui est un tissu de contre-vérités. Il reconnaît que le préfet de Varese s’est rendu exceptionnellement en Suisse pour une affaire de service, mais conteste sur tous les autres points les faits mentionnés dans l’aide-mémoire, prétendant notamment que Firstermacher n’a jamais appartenu à la police italienne et n’en a jamais reçu des passeports. M. Wagnière a protesté contre ces dénégations, mais il n’est pas parvenu à convaincre M. Suvich de la fausseté des allégations contenues dans le rapport.

M. Suvich avait proposé à M. Wagniére une réponse en quatre points qui peuvent se résumer ainsi: 1° La police italienne n’a jamais fait surveiller des ressortissants suisses sur territoire suisse; 2° elle n’a pas pu se désintéresser de l’activité délictueuse, et parfois compromettante pour des intérêts importants italiens, exercée par des ressortissants italiens, d’autant plus qu’elle avait l’impression que les autorités fédérales et cantonales ne poursuivaient pas ces individus avec une énergie suffisante; 3° la sûreté italienne a l’intention d’agir avec tous les égards dus à la Confédération et elle observera les règles en usage dans les rapports entre des peuples amis; 4° l’attitude ferme des autorités italiennes6 permet de penser que l’activité délictueuse des «fuorusciti» en Suisse et surtout au Tessin sera réprimée avec énergie.

M. Wagniére a refusé d’accepter les points 2 et 4, qui impliquent une critique à l’adresse des autorités fédérales. Quant aux deux autres, il les estime insuffisants.

M. Motta croit devoir conclure de renseignements confidentiels fournis par M. Wagniére qu’il y a en Italie des éléments prêts à exploiter contre la Suisse tout incident touchant au Tessin, et il estime que la présente affaire doit être traitée avec la plus grande prudence. Il faut notamment se garder d’adresser au gouvernement italien une protestation nouvelle, car une telle démarche nous vaudrait une réponse qui, en raison de l’attitude observée par le gouvernement tessinois à l’égard des «fuorusciti», nous mettrait dans une situation d’infériorité manifeste. D’autre part, il ne croit pas non plus que le conseil puisse se contenter de la réponse transmise par M. Wagniére et propose d’autoriser ce dernier à demander à M. Mussolini une réponse plus satisfaisante.

M. le chef du département de justice et police7 estime également que la réponse donnée par M. Suvich est inacceptable. Il reste à savoir si nous pouvons espérer en obtenir une de M. Mussolini qui soit satisfaisante. Sans doute, le gouvernement tessinois n’est-il pas exempt de reproche. Mais si l’opinion est montée au Tessin contre le fascisme, cela provient de l’espionnage pratiqué sur notre sol par la police italienne. Nous savons maintenant que nous ne pouvons pas compter, en ces matières sur la bienveillance du gouvernement italien. Notre force est dans les règles internationales et dans notre fermeté. M. Hâberlin se demande donc si, au lieu de provoquer une démarche auprès de M. Mussolini, il ne vaudrait pas mieux adresser au gouvernement italien une protestation écrite déclarant que nous ne saurions admettre le système d’espionnage pratiqué sur notre sol par la police italienne. Il se réserve de faire une telle proposition si la lecture de l’aide-mémoire remis par notre ministre à M. Suvich - et dont copie sera demandée à M. Wagnière - lui laisse l’impression qu’une démarche plus énergique s’impose.

Sous cette réserve, le conseil décide d’inviter notre ministre à Rome à faire auprès de M. Mussolini la démarche susmentionnée et à se montrer très catégorique et très ferme.

1
E 1004 1/339.
2
Cfrf 204.
3
Du 12 décembre 1932. Cf. no 227.
4
Cf. annexe au no 205.
5
Cf. no 239.
6
Il faut lire: suisses. Cf. no 251.
7
Sur la position de Hâberlin cf. aussi no 242.