Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.3. Questions de travail
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 238
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1534#955* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 55 | |
Dossier title | Reglement betr. Ein- und Auswanderung, I (1929–1933) | |
File reference archive | B.31.01.05 • Additional component: Frankreich |
dodis.ch/45780
Par lettre du 14 janvier2, vous nous avez fait part de la pression de plus en plus forte qu’exerçaient les parlementaires sur le Gouvernement français pour que celui-ci promulguât les décrets prévus par l’article 2 de la loi du 10 août 19323 en vue de fixer dans chaque entreprise et catégorie professionnelle la proportion de travailleurs étrangers qui pourront y être employés. Comme cette loi ne prévoyait une limitation de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère que dans les seuls cas de travaux publics ou de fournitures à l’Etat et que, pour toutes les autres entreprises, elle donnait simplement au Gouvernement la faculté de procéder par voie de décret, nous avions, d’accord avec vous, estimé préférable d’attendre, avant d’intervenir auprès des Autorités françaises, de voir comment celles-ci feraient usage de cette faculté.
Vu le risque de plus en plus grand d’une application rigoureuse des mesures prévues, nous estimons, d’entente avec le Département fédéral de Justice et Police, que le moment serait venu d’entreprendre une démarche d’ensemble concernant cette question, qui est d’un intérêt vital pour notre nombreuse colonie.
Cette démarche devrait s’appuyer sur les arguments développés dans la correspondance échangée en janvier 1932 entre le Département politique et le Département de Justice et Police et dont vous avez reçu copie à l’époque. Il s’agit notamment de notre lettre du 8 janvier et de celle du Département de Justice et Police du 20 janvier 19324. Notre point de vue est le suivant:
Les mesures envisagées par le Gouvernement français, bien qu’elles ne visent, au point de vue formel, que l’employeur seul, constituent, en fait et en droit, une dérogation au principe de l’égalité de traitement garantie aux Suisses en France par l’article 3 du traité d’établissement franco-suisse du 23 février 18825. Il est vrai que les deux Gouvernements se sont réservé la possibilité de statuer librement sur l’admission d’un étranger, c’est-à-dire de refuser son admission ou de ne la lui accorder que sous conditions, ces conditions pouvant porter sur l’exercice d’une activité économique. Cette réserve ne peut, toutefois, s’appliquer aux Français venant séjourner en Suisse qu’aussi longtemps qu’ils n’ont pas été mis au bénéfice d’un permis d’établissement. Pour les Français auxquels ce permis a été accordé, ce qui est généralement le cas après un séjour ininterrompu de cinq ans, la clause du traitement national déploie ses effets sans restrictions et ces Français sont entièrement assimilés aux Suisses en ce qui concerne la protection du marché du travail. Il en est de même pour les Suisses désirant aller travailler en France. Leur admission est subordonnée à une autorisation qui peut leur être refusée ou accordée. Mais il n’a jamais été contesté que les Suisses établis en France depuis plusieurs années ont droit au traitement national, en ce qui concerne l’exercice de leurs professions, conformément à l’article 3 du traité d’établissement franco-suisse. La mise en vigueur des mesures projetées par le Gouvernement français impliquerait la suppression de l’égalité de traitement que le traité assure aux Suisses en France.
Le Conseil fédéral estime donc que l’application des limitations prévues par la loi du 10 août 1932 aux Suisses établis depuis plus de cinq ans en France constituerait une violation de l’article 3 du traité d’établissement. Il croit pouvoir compter d’autant plus sur la bonne volonté du Gouvernement français dans cette affaire que la situation en Suisse des Français en possession d’un permis d’établissement est déjà plus favorable et mieux garantie que celle des Suisses établis en France, la législation suisse prévoyant, sous condition de réciprocité, leur assimilation complète aux nationaux.
Une démarche collective à ce sujet de la part des représentants des diverses Puissances intéressées serait, à nos yeux, très souhaitable. Toutefois, nous ne voyons pas les avantages que nous aurions à nous associer à une intervention isolée de l’Ambassade d’Italie.
[...], de simples assurances de la part des Autorités françaises concernant l’application de la loi et des décrets susmentionnés nous paraissent insuffisantes. Nous estimons qu’il est nécessaire de demander au Gouvernement de la République de prendre une décision de principe qui soit portée à la connaissance de toutes les Autorités locales et du public. Il serait à craindre, sans cela, que, par peur de sanctions, les entreprises, dès la publication des décrets, se mettent à licencier nos compatriotes sans même attendre une mise en demeure de la part des Autorités. Il serait alors extrêmement difficile d’obtenir le réengagement des Suisses licenciés dans ces circonstances.