Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.1. Relations commerciales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 165
volume linkBern 1982
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7110-02#1000/1065#218* | |
Old classification | CH-BAR E 7110-02(-)1000/1065 56 | |
Dossier title | Handelsvertrag mit Frankreich, Allgemeines (1929–1932) | |
File reference archive | 8.2.1 • Additional component: Frankreich |
dodis.ch/45707 Le Ministre de Suisse à Paris, A. Dunant, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess1
M. Tardieu étant encore très souffrant, m’avait prié de venir le voir cette aprèsmidi, à 15 heures, à son domicile privé de l’avenue de Messine; je l’ai trouvé, en effet, encore très enrhumé et enroué, et j’ai d’autant plus apprécié qu’il ait tenu à me recevoir lui-même, plutôt que de déléguer un autre membre du Gouvernement pour cet entretien. Tout de suite, il m’a dit: «Duquel de nos embêtements voulezvous m’entretenir; est-ce de la taxe à l’importation?». J’ai répondu affirmativement et je lui ai exposé qu’il était complètement impossible pour nos exportateurs de continuer à être grevés d’une surtaxe que nous considérons comme contraire aux dispositions du Traité de commerce franco-suisse; au surplus, lors des conversations que vous aviez eues, Monsieur le Conseiller fédéral, avec le Président Tardieu, les derniers jours de mars, le représentant suisse et les deux personnes qui l’accompagnaient avaient eu la persuasion que, aussitôt après le vote du budget et de la loi de finances, M. Tardieu trouverait le moyen de nous donner satisfaction; cette opinion avait été renforcée lorsque nous avions entendu M. Flandin, Ministre des Finances, dire à l’issue du déjeuner Tardieu: «Je m’inclinerai devant les instructions que me donnera mon Président et ce ne sera pas la première fois.» - Depuis ce moment là, on a dû, du côté suisse, envisager l’espoir d’obtenir gain de cause; malheureusement, les jours se passent; j’ai fait remarquer à M. Tardieu que depuis 34 jours nos exportateurs paient la taxe à l’importation et que les propositions apportées à Berne par M. Haguenin2 étaient complètement insuffisantes3; d’autre part, j’ai ajouté que vous étiez dans un cruel embarras pour sortir de la réserve que vous avez observée jusqu’à présent et pour expliquer à notre opinion publique la cause réelle de notre optimisme.
M. Tardieu m’a répliqué: «Mais je n’avais jamais envisagé que je pourrais empêcher par une mesure administrative l’application d’une loi et si j’avais parlé du commencement d’avril, c’est que je pensais que, dès ce moment là, nous pourrions examiner avec M. Flandin la possibilité de déposer à la rentrée des Chambres un projet de loi donnant satisfaction à la Suisse; c’est à cela que M. Flandin faisait allusion lorsque vous avez entendu le propos qu’il me tenait. Je regrette infiniment s’il y a eu un malentendu à cet égard».
J’ai alors fait remarquer à M. Tardieu que le dépôt d’un projet de loi ne pourrait pas avoir lieu avant la mi-juin, étant donné la vérification des pouvoirs des nouveaux députés4; il faudrait, au moins, 15 jours de procédure parlementaire; cela nous mènerait donc, en tous cas, au 1er juillet; or, il est impossible que nos exportateurs continuent à être affligés de la taxe de 6% jusque là. M. Tardieu n’a pas insisté et m’a dit alors: «Eh bien, je vous propose autre chose; j’accepte la procédure arbitrale que vous aviez suggérée au mois de septembre»5; il m’a été facile d’expliquer au Président du Conseil que cette procédure serait encore plus dilatoire que le dépôt d’un projet de loi; cela durerait plusieurs mois; impossible de nous en contenter, car ce qu’il nous faut c’est quelque chose d’immédiat. Visiblement décontenancé mais très courtois, M. Tardieu m’a alors proposé de faire entrer des experts qu’il avait convoqués et qui se tenaient dans l’antichambre; comme j’étais absolument maître du sujet et que je ne craignais pas de me trouver en présence d’experts, j’ai acquiescé à cette proposition et j’ai vu entrer M. Haguenin et M. Coulondre6.
Au premier de ces Messieurs, M. Tardieu à demandé ce que l’on pouvait bien faire dans la situation actuelle; M. Haguenin a répondu qu’il ne voyait vraiment rien, si ce n’est la très modeste proposition qu’il avait développée à Berne au sujet des fromages, mais quant à la législation fiscale suisse, il a reconnu qu’à défaut d’une entente sur la double imposition, elle ne pouvait faire l’objet d’une comparaison avec celle de la France. Devant cet avis et sans interroger M. Coulondre, qui, du reste, n’a rien dit, le Président Tardieu s’est alors rapidement décidé à me dire que, vu notre opinion publique et le fait que la Suisse exporte et que la France touche une taxe sur ces exportations, il ne voyait pas d’autre possibilité que de me dire: «Allez-y avec votre 4%; je protesterai naturellement pro forma, mais je ne considérerai pas cette mesure comme un geste inamical, car nous vivons une époque de fous (sic) où chacun se défend comme il peut; toutefois, je vous demande un service personnel et j’aimerais beaucoup que vous en soyez l’interprète à Berne; le second tour de scrutin a lieu dimanche prochain et ne me paraît pas devoir être aussi mauvais pour moi que mes adversaires le prophétisent; demandez donc au Conseil fédéral de vouloir bien ne prendre sa décision qu’après dimanche; cela me rendrait un réel service dont je serai reconnaissant.»
C’est sur ces mots que s’est terminé notre entretien; M. Tardieu m’a lui-même reconduit jusque sur le palier avec une grande urbanité.
Il résulte de ce qui précède que le Chef du Gouvernement français se dit impuissant à faire quoi que ce soit d’immédiat pour parer aux graves inconvénients résultant pour notre exportation de l’application de la taxe à l’exportation [sic]; par contre, il ne prendra pas au tragique une mesure suisse tendant à appliquer 4% à certaines importations françaises.
La conversation s’est déroulée sur un ton parfaitement amical et je crois qu’il faudrait en tenir compte dans la rédaction du communiqué que vous donnerez à la presse pour expliquer la décision que prendra la Conseil fédéral.
Dans votre lettre du 27 avril7, j’ai relevé une phrase qui me semble ne pas répondre à la réalité; vous dites, à page 2, que la France a blessé le principe de la nation la plus favorisée en renonçant à la taxe à l’importation vis-à-vis de l’Italie et de la Belgique. Or, ce n’est pas le cas; au contraire, l’Italie vient de protester, il y a quelques jours, auprès du Gouvernement français contre cette taxe; quant à la Belgique, elle est en négociations au sujet de la double imposition et c’est au cours de ces négociations que l’on verra comment donner une solution à la perception de la taxe française à l’importation.
Tags