Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
6. Chine
6.4. Nomination du Consul suisse de Shanghaï en qualité de Chargé d’affaires
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 161
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#688* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 46 | |
Dossier title | Errichtung einer schweiz. Gesandtschaft in China (1924–1933) | |
File reference archive | B.21.14 • Additional component: China |
dodis.ch/45703 Le Consul général de Suisse à Shanghaï, E. Lardy, au Chef du Département politique, G. Motta1
Votre lettre du 22 décembre dernier2, relative à l’éventualité de conférer un caractère diplomatique au Consulat Général de Shanghai, m’est bien parvenue et a eu toute mon attention. Si j’y réponds aujourd’hui seulement, c’est, d’une part, que les événements récents de Shanghaï3 ne m’en ont guère laissé le temps et, d’autre part, parce que j’ai tenu à m’orienter au préalable.
Passant en revue la représentation diplomatique et consulaire des Etats étrangers en Chine, je constate que, sur 23 Etats officiellement représentés, 19 sont accrédités diplomatiquement; f.J
A côté de ces 19 Puissances régulièrement accréditées à Nankin, 4 Etats ont en Chine des Consulats seulement; ce sont: l’Autriche, l’Esthonie, la Latvie4 et la Suisse. Les Consuls des trois premiers Gouvernements sont des agents honoraires; le Consul Général d’Autriche réside seul à Shanghai, les deux autres sont à Kharbine.
Ainsi donc, la Suisse, quoique Puissance capitulaire5, se trouve être, à l’heure actuelle, le seul Etat possédant en Chine un représentant de carrière qui ne soit pas encore accrédité diplomatiquement.
Il ne saurait, bien entendu, être question de remédier à cette anomalie par un déplacement du siège actuel de notre représentation. Shanghai, centre économique de la Chine, avec l’élan énorme de son développement récent et les 250 Suisses, exterritoriaux, de son importante colonie, est l’emplacement tout désigné. Je comprends fort bien, d’autre part, que notre situation budgétaire actuelle ne permette pas de doubler le Consulat Général d’une mission diplomatique indépendante. Dans ces conditions, la mesure que vous envisagez, consistant, sans rien changer à la structure du poste, à accréditer en même temps le Consul Général comme Chargé d’Affaires à Nankin me paraît, ainsi qu’à vous, la plus appropriée. [...]
Relativement aux effets pratiques de la mesure projetée, mes observations de ces dernier mois me conduisent aux impressions suivantes:
Par leurs pouvoirs de juridiction, par leurs compétences comme organe exécutif du Seulement international, les Consuls Généraux à Shanghai des Puissances capitulaires ont auprès des Autorités locales une position très forte, qui ne se compare pas avec la situation d’un Consul en Occident. Vis-à-vis de la Municipalité de Shanghai, internationale ou chinoise, le fait, pour le Consul Général, de n’être pas accrédité diplomatiquement a donc relativement peu d’inconvénients. La différence se ramène, essentiellement, à une question de préséance, les Consuls-Chargés d’Affaires ayant, même au sein du Corps Consulaire ou dans leurs rapports avec le maire chinois, le pas sur leurs collègues non accrédités. Ce facteur de prestige n’est certainement pas négligeable, mais je ne voudrais pas lui attribuer ici plus d’importance qu’il ne convient.
Dans les relations avec les Légations étrangères, le handicap, par contre, devient plus sensible. Toutes les fois où des questions générales d’un caractère diplomatique (j’entends par là celles qui se traitent avec le Gouvernement de Nankin) se posent, les Légations prennent, en quelque sorte automatiquement, contact entre elles pour en discuter, s’entendre sur l’attitude à adopter, les démarches simultanées ou communes à entreprendre, etc. Un Consul non accrédité n’est pas toujours, alors, tenu au courant, on le laisse de côté, puisqu’en principe, il n’est pas qualifié pour adresser des notes officielles au Gouvernement. J’ai pu m’en apercevoir l’autre jour encore dans une affaire de marques de fabrique qui intéresse beaucoup notre industrie et qui fait actuellement l’objet de démarches de la part de plusieurs Puissances.
Le Consul non-diplomate se trouve de même, je le constate, en état d’infériorité lorsqu’il s’agit d’obtenir des renseignements politiques. Depuis deux mois que les pourparlers sino-japonais se poursuivent à Shanghai sous les auspices des Ministres des Grandes Puissances, j’ai envié plus d’une fois mes collègues Chargés d’Affaires, que leur situation diplomatique qualifiait sans autre pour solliciter, quotidiennement, des audiences auprès de Sir Miles Lampson6, M. Wilden7, M. Quo Tai-chi, etc.
Vis-à-vis des diplomates fixés à Shanghai, on peut avec le temps, par ses relations personnelles, gagner du terrain; mais il n’en va pas de même avec les Ministres de Pékin, qui sont ici de passage et, vous connaissant moins, vous reçoivent en considération de votre titre. Ceci n’est pas à dire qu’on soit mal accueilli, mais il est regrettable que l’ascendant personnel qu’on peut avoir doive, dans ces interviews difficiles, être employé d’abord à se faire pardonner son caractère officieux, à surmonter l’exclusivisme de tant de diplomates, fussent-ils anciens consuls, envers les Consuls. Le Chargé d’Affaires en titre, qui cause sur un pied d’égalité, a, dans ces moments, une position meilleure et qui l’expose moins, si les visites se répètent, à être traité en importun par des gens obsédés déjà de demandes d’audience.
Au cours de ces dernières années, notre Consulat Général, bien qu’il ne soit pas accrédité, a échangé avec le Gouvernement des notes diplomatiques qui ont été acceptées. Il faut, je crois, en attribuer la cause, d’une part, au désordre (les réponses nous parviennent souvent adressées au «Chargé d’Affaires» de Suisse) et, d’autre part, au fait que les Autorités chinoises n’ont pas jugé opportun de nous faire, jusqu’ici, des difficultés sur ce chapitre. Mais il s’agit là d’une simple tolérance et nous ne devons pas nous dissimuler qu’à l’heure actuelle, le Consulat Général se trouve, à l’égard du Gouvernement central, dans une situation comparable à celle d’un avocat sans procuration. L’enquête à laquelle je me suis livré montre qu’il y a là un certain risque. Les Chinois savent manier en artistes les subtilités protocolaires, les arguties juridiques, et ce n’est pas parce qu’ils auraient longtemps passé sur un vice de forme qu’ils hésiteraient à en faire état plus tard, le jour où leur intérêt le commanderait. Le Chargé d’Affaires de Pologne, qui, dernièrement encore, n’était accrédité que comme «délégué plénipotentiaire», m’a dit par exemple que, quoique installé déjà à Shanghai à demeure après la signature du traité qu’il était venu négocier, il s’était vu refuser soudain par le Gouvernement chinois l’autorisation d’aborder d’autres questions, sous prétexte que les termes de sa lettre de créance n’étaient pas clairs. Il est évident que toute négociation dont je pourrais être chargé s’engagera ainsi sous un aléa, puisqu’en droit international, ma signature n’a pas force obligatoire dans les relations de Gouvernement à Gouvernement. A tout moment, s’il le juge à propos, le Gouvernement chinois peut se réclamer de ma situation irrégulière pour revenir sur une concession faite ou contester la validité d’une notification, bref, pour annuler des résultats acquis.
A côté de ce facteur technique de droit diplomatique, je crois qu’il est logique d’admettre que les démarches d’un Chargé d’Affaires régulier auront auprès des Autorités centrales, soit à Nankin, soit à Shanghai même, où les membres du Gouvernement passent constamment, plus de poids que celles d’un agent simplement consulaire. Qu’il agisse par écrit ou verbalement, l’agent diplomatique régulier peut parler plus net et revenir aussi plus fréquemment à la charge; il est plus à l’aise pour insister sur une réponse qui tarde, et le prestige très réel de sa qualité diplomatique ajoute également à son autorité. Lors de son passage en Chine l’an dernier, le Colonel Sonderegger8 est, m’a-t-on dit, arrivé à la même impression. A son avis, un Chargé d’Affaires régulier, en appuyant la visite de nos Suisses à Nankin, en les y accompagnant au besoin s’ils ont des officiels à y voir, pourrait, cas échéant, leur faciliter l’obtention de commandes gouvernementales, de nominations, etc.
Telles sont, Monsieur le Président, dans leurs grandes lignes, les raisons qui me font paraître très indiquée la mesure que vous envisagez. Je ne prétend pas, bien entendu, que la remise d’une lettre de créance doive, à elle seule, accomplir des miracles; dans la gérance d’un poste, la manière dont on s’y prend, la peine qu’on se donne et le facteur personnalité restent essentiels; mais ce n’est pas une raison, à mon avis, pour ne point placer, quand on le peut, son agent dans des conditions de travail normales, susceptibles d’améliorer son rendement; l’appoint est réel, à qui sait s’en servir. Quand des motifs budgétaires interviennent, il faut se résigner, mais la présentation d’une lettre de créance n’entraînerait, dans le cas particulier, aucuns frais supplémentaires; tout en recevant le statut d’une Légation (dont il exerce, en fait, les attributions depuis longtemps), le poste resterait un Consulat Général, avec le même personnel et les mêmes indemnités. Il s’agit simplement, en définitive, de régulariser, dans l’intérêt du service, une situation ancienne; nous ne devons pas perdre de vue, à cet égard, que, dans de nombreux cas, il peut y avoir avantage à agir en Chine même, directement auprès de certaines personnalités dont le succès dépend, plutôt qu’à Berne ou en même temps qu’à Berne.
Nous n’avons pas, je crois, à craindre que le Consul Général ne soit, tôt ou tard, parce que Chargé d’Affaires, contraint au déplacement de sa résidence à Nankin ou ailleurs, avec des dépenses correspondantes. M. Becerra, Chargé d’Affaires du Chili, m’a dit que, lors de la remise de ses lettres à Nankin, aucune tentative n’avait été faite pour le retenir dans la capitale; le Ministre des Affaires Etrangères l’avait même spontanément encouragé à rester à Shanghai, à cause des déplorables conditions d’hygiène de Nankin. Le Premier Secrétaire de la Légation des Etats-Unis et le Chargé d’Affaires de Pologne m’ont fait des déclarations analogues très positives; enfin, le représentant à Shanghai du Ministère chinois des Affaires Etrangères, que j’ai sondé discrètement, s’est exprimé dans le même sens9.
- 1
- Rapport (Copie): E 2001 (C) 3/46.↩
- 3
- A Shanghaï, dans la nuit du 28 janvier 1932 et malgré les promesses de leur Consul général, des forces navales japonaises essayaient de prendre possession du quartier chinois de Chapei, rencontrant cependant une forte résistance de la part des volontaires chinois. Les combats devaient se poursuivre avec le bombardement de la ville; à la suite de l’intervention de la SdN, un armistice fut signé à Shanghaï le 5 mai suivant. Le retrait des troupes japonaises commença le lendemain.↩
- 5
- Cf. no 51.↩
- 6
- Ministre de Grande-Bretagne.↩
- 8
- Cf. no 75.↩
- 9
- Dans sa séance du 17 octobre 1932, le Conseil fédéral, sur proposition du Département politique du 27 septembre 1932, décidait: 1° de conférer au Consul général de Suisse à Shanghai le caractère de Chargé d’Affaires en Chine; 2° de charger le Département politique de demander au Gouvernement chinois son agrément en faveur de M. Etienne Lardy, qui serait accrédité comme Consul général - Chargé d’Affaires (E 1004 1/336).↩
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