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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 103
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#3875* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 160 | |
Dossier title | Wirtschaftskrise in England (1931–1936) | |
File reference archive | C.42.2 • Additional component: Grossbritannien |
dodis.ch/45645
Le Secrétaire de la Légation de Suisse à Londres, C. Rezzonico, au Chef de la Division du Commerce du Département de l'Economie publique, W. Stucki1
L’abandon, par la Grande Bretagne, de l’étalon or2 et la chute subséquente du cours de la Livre sterling, non moins que les discussions dont fait l’objet la possibilité de l’introduction prochaine d’un tarif douanier, soulèvent, pour les industriels étrangers en relations d’affaires avec ce pays, deux problèmes importants.
La Suisse, comme bien vous le pensez, est affectée elle aussi par ces problèmes et nous recevons chaque jour de nombreuses demandes de conseils de la part de producteurs suisses, et plus spécialement de nos compatriotes qui sont venus à Londres pour y surveiller leurs affaires de près.
Les deux problèmes que je viens de mentionner sont les suivants:
1) les contrats concernant la livraison de marchandises qui ont été conclus avant la chute de la Livre sterling, sont-ils affectés par cette chute, c’est-à-dire le fabricant suisse est-il obligé de livrer la marchandise contre paiement au cours actuel de la Livre et, d’autre part, est-il forcé d’accepter, pour des paiements qui sont venus à échéance avant le 20 septembre dernier, des Livres sterling au cours du jour?
Sur cette question se greffe encore celle de savoir comment ils peuvent se couvrir contre la dépréciation de la devise anglaise, en raison de contrats futurs.
2) comment les industriels étrangers peuvent-ils se couvrir contre le risque de l’introduction d’un tarif douanier en Grande-Bretagne?
ad. 1. Le problème de la différence de change revêt un double aspect, un aspect juridique et un aspect que je définirais comme aspect moral et pratique.
Au point de vue purement juridique, un contrat en Livres sterling est payable en cette monnaie, c’est-à-dire en Livres sterling indépendamment du cours de celle-ci à moins que le contrat ne spécifie expressément qu’il s’agit de Livres sterling or.
La question de savoir si les effets de la dépréciation de la monnaie anglaise doivent être supportés par le fabricant ou par l’importateur, doit être tranchée par les tribunaux. En règle générale, dans les milieux industriels britanniques et chez les juristes que nous avons consultés, on est d’avis que c’est aux fabricants qu’il appartient de supporter la perte. On admet également qu’un fournisseur étranger est lié par les contrats qu’il a conclus, et il ne peut pas se soustraire à leur exécution. Il doit donc livrer la marchandise et accepter en paiement de celle-ci la Livre sterling dépréciée comme s’il s’agissait d’une Livre sterling or.
Au point de vue moral, il ne subsiste aucun doute que le fabricant doit assumer la perte. A mon avis, on ne saurait assez insister auprès de nos producteurs sur l’importance qu’il y a à respecter leurs engagements autant que faire se peut. Il y va en effet du prestige de la Suisse, du bon renom de notre commerce à l’étranger et de l’avenir de nos relations commerciales avec la Grande-Bretagne.
On fait, en ce moment, en Grande-Bretagne des efforts plus considérables que jamais en vue d’induire la population à favoriser les industries nationales et à n’acheter que des produits du pays. La réponse à ce «Buy British Goods Movement» est actuellement plus éloquente qu’elle ne l’a jamais été et il est donc de toute importance pour nos industries, si elles veulent maintenir leurs marchés britanniques, de ne pas s’exposer aux critiques de leurs concurrents, soit britanniques soit étrangers, qui, eux, s’en tiennent à leurs contrats.
Je sais que l’opinion qui précède est également celle qui a été exprimée par le «Reichsverband der Deutschen Industrie».
D’autre part, comme vous le savez, la Chambre de Commerce de Londres a avisé tous ses membres par circulaire que s’ils étaient engagés à l’étranger par des contrats conclus pour des paiements en monnaies étrangères, ils étaient tenus de supporter, eux, la différence de change.
On parle beaucoup ici des difficultés que feraient les exportateurs français à leurs clients anglais et j’ai pu me rendre compte de la mauvaise impression laissée dans les milieux commerciaux et dans la Cité par les nombreuses réclamations qui parviennent journellement à la Chambre de Commerce de Londres, de la part des clients britanniques de maisons françaises. Je regrette d’ajouter qu’à teneur d’informations qui viennent de me parvenir de la Chambre de Commerce, quelques maisons suisses auraient déjà fait l’objet de réclamations semblables auprès de cette Chambre.
Je me demande par conséquent si le Vorort ne ferait pas bien de s’occuper de cette question, non pas en prenant position officiellement, mais en donnant aux diverses associations industrielles suisses des indications utiles.
Il n’est pas nécessaire d’établir des règles rigides et il faut éviter également des décisions collectives de la part de groupements industriels. J’entends par cela qu’il faut laisser à chaque maison individuelle le soin de négocier avec ses clients en Grande-Bretagne. Il n’est pas exclu que l’importateur britannique prenne à sa charge une partie de la différence, si la maison suisse le suggère. Quant aux décisions collectives, elles auraient le double désavantage de ne pas permettre ces arrangements à l’amiable et de s’exposer à être contraires à la décision que pourrait bien prendre un tribunal dans un cas concret.
En ce qui concerne les nouveaux contrats à conclure, là aussi, il faut recommander à nos industriels de ménager dans la mesure du possible les susceptibilités de leurs clients anglais. Nous déconseillons à nos producteurs de modifier leurs méthodes de cotations de prix avec les vieux clients. Il ne faut pas, par exemple, qu’ils fassent des affaires en spécifiant les prix en Livres sterling - parité dollars, ou en francs suisses, s’ils ont toujours, jusqu’à maintenant, fait leurs offres en Livres. Ils pourraient tout au plus marquer leurs prix en Livres sterling or, mais partout où cela est possible, il est préférable de faire des prix en Livres sterling dépréciées, en majorant cela va sans dire les prix jusqu’à concurrence de la différence.
On me dit que certains producteurs anglais ont déjà augmenté eux-mêmes leurs prix. J’ai eu lundi un entretien avec un commerçant de la Cité qui importe des quantités considérables de vêtements tricotés de Suisse et des Etats-Unis d’Amérique. Il vend également des produits anglais et il m’a affirmé qu’entre lundi et mardi soir, les prix des fabricants anglais avaient déjà subi une augmentation de 20 à 25 pour cent.
ad. 2. Nous vous avons régulièrement tenu au courant du mouvement en faveur de l’imposition d’un tarif douanier en Grande-Bretagne3.
En ce qui a trait aux effets de l’introduction subite d’un tarif sur les livraisons provenant de Suisse, il y a lieu de rappeler que l’article 10 de la Loi de finance de 1901 prévoit qu’en cas d’introduction d’un droit de douane, le fabricant peut faire supporter ce droit par l’importateur. Il est donc possible à nos commerçants de se couvrir contre ce risque en introduisant dans leurs contrats de livraison une clause à cet effet. Ils pourraient, par exemple, se servir de la formule suivante:
«duty, if any, to your account».
Ici aussi, cette précaution doit être prise avec toute la discrétion voulue. Il faut surtout éviter tout éclat. Il ne faut pas que, ainsi que certaines maisons allemandes l’ont fait, les producteurs suisses avisent, par circulaire, leurs clients anglais qu’en cas d’introduction d’un droit de douane, c’est à eux qu’il appartiendrait de supporter ce droit. La formule que je viens de vous donner protège suffisamment l’industriel suisse.
Nous donnons les indications qui précèdent à tous les industriels qui se sont adressés à nous dans cette affaire. [...]
D’autre part, je vous serais vivement obligé de vouloir bien, dès que possible, me faire connaître votre point de vue sur toute cette question. Dès la réception de votre réponse, nous donnerons, de notre côté, les indications nécessaires aux Consulats de Suisse dans le Royaume-Uni. [...]
- 1
- (Copie): E 2001 (C) 3/160. Crise nationale en Grande-Bretagne. Pertes de change.↩
- 2
- Le 21 septembre 1931. Cf. no 102.↩
- 3
- Le nouveau tarif douanier, qui sanctionnera l’abandon du libre-échange par la Grande-Bretagne, ne sera introduit qu’avec la loi du 29 février 1932 (Import Duties Act).↩
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United Kingdom (Economy)
Swiss Franc devaluation of 1936 and international abandonment of the gold standard