Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
12. Grande-Bretagne
12.3. Questions politiques générales
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 10, Dok. 86
volume linkBern 1982
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#477* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 227 | |
Dossiertitel | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 25 (1931–1931) |
dodis.ch/45628
Les télégrammes d’agences et le flot de communications et d’articles parus dans la presse depuis le 21 juin donnent une idée sans doute assez complète des principes de l’action par laquelle Mr. Hoover propose d’entreprendre une remise en équilibre des affaires de l’Europe et des conditions économiques générales2.
Je résume dans ces quelques pages les informations recueillies par moi depuis mon retour à Londres mardi dernier et dont quelques-unes me paraissent présenter de l’intérêt, ne fût-ce que pour la raison qu’elles ne sont généralement pas connues. J’essaie en outre de vous donner un premier récit sur l’impression produite en Angleterre, tout en gardant en vue que ce rapport devra être complété dans le courant de ces prochains jours, suivant le développement des événements.
Tout d’abord, je dois dire qu’à mon arrivée en Suisse le 17 juin, je fus frappé du pessimisme qui s’y manifestait à l’égard de la situation en Allemagne3. Il m’a suffi de causer durant quelques instants à Bâle, Berne et Zurich, avec des politiciens, banquiers et industriels rencontrés au hasard, pour me rendre compte de l’inquiétude intense et de la crainte générale d’une catastrophe imminente au delà du Rhin. J’avoue que les signes de panique dans une forme aussi prononcée furent pour moi une surprise, ayant cru constater une différence considérable d’aspect entre l’opinion en Angleterre et l’opinion en Suisse sur l’envergure des difficultés de nos voisins. Je me demandai si pareille divergence n’avait pas principalement, peut-être uniquement, sa raison dans la situation géographique, car ceux qui se trouvent à proximité de la zone dangereuse ressentiront toujours plus vivement les risques d’une dévastation que ceux qui peuvent observer de loin. A Bâle, le seul espoir semblait résider dans l’intervention de quelque chose comme un Deus ex machina, et encore fallait-il, selon mes interlocuteurs, que ce dieu ne se fasse pas attendre au delà de la fin juin au plus tard. «Voit-on à Londres, me demandat-on, une possibilité quelconque d’un développement semblable?» Je répondis qu’on reconnaissait bien en Angleterre le sérieux des conditions, mais que je ne croyais pas y avoir observé, dans la même mesure qu’en Suisse, le sentiment d’une telle urgence.
Au moment de ma rentrée à Londres, quelques jours plus tard, les événements, ensuite de l’initiative de Mr. Hoover, avaient déjà pris un tournant qui allait changer entièrement l’aspect des conditions.
L’enthousiasme avec lequel tous les milieux anglais acclamèrent le courage du Président, démontra clairement leur compréhension que quelque chose de formidable venait de se passer. La force avec laquelle le soulagement se manifesta fut la preuve de ce que, malgré le calme de surface, la frayeur n’avait pas non plus manqué dans les milieux britanniques. Je maintiens toutefois que, il y a quelques semaines seulement, ce pressentiment d’un grand danger se limitait à certains milieux financiers et économistes et n’avait pas atteint, comme chez nous, le gros des politiciens et industriels, etc. C’est un fait que le voyage du Gouverneur de la Banque d’Angleterre à New York en avril dernier n’avait pas échappé à des critiques qui voulaient y voir un signe d’alarme exagéré et intempestif.
Toutefois, à ce moment-là déjà, un petit groupe d’économistes, de banquiers et hommes de la cité, après deux jours de conciliabules, décidèrent de remettre au Premier Ministre un Mémoire, attirant d’urgence son attention sur la nécessité absolue d’arriver à une action internationale. Cette action devait, selon ses instigateurs, avoir le double but, d’une part de sauver l’Allemagne, d’autre part de remédier à la dépression intolérable, morale et matérielle, dans le monde économique. La démarche qui paraît avoir surpris et alarmé Mr. MacDonald et ses collègues par son ton ultra-pessimiste, fut remise à la veille de la visite allemande4, et paraît avoir influencé beaucoup le fond et l’allure des conversations. Il m’a été dit que Mr. Henderson5 fut particulièrement inquiet du cours que les événements menaçaient de prendre, se rendant compte de leur répercussion, non seulement possible, mais probable, sur le problème du désarmement6. Ce fut à sa demande qu’on insista auprès des Ministres allemands pour qu’ils donnent à cette occasion certaines assurances de bonne volonté, spécialement en ce qui concerne ce problème, alors que MM. Curtius et Brüning n’avaient en réalité pas prévu une pareille manifestation; ils auraient au contraire décidé de faire preuve à l’égard du désarmement d’un esprit frondeur, partant du point de vue qu’il était indiqué pour eux de réagir de cette façon contre la disposition peu bienveillante de la contrepartie, principalement de la France.
Etant donné le mystère qui entoura la mission de Mr. Montague [sic] Norman7, la Cité et notamment le groupe de personnes que je viens de mentionner, craignaient que son attitude put manquer de produire une impression de force suffisante chez les Américains.
Comme on l’a appris depuis, ses représentations à New York, loin de n’avoir pas retenti comme un grand cri d’alarme, eurent précisément pour but d’ouvrir définitivement les yeux aux Américains et de leur faire voir toute la vérité brutale sur l’état désespéré des choses. Ainsi, les deux démarches, celle en Amérique du Gouverneur de la Banque et celle à Whitehall des signataires du Memorandum à Mr. MacDonald, tout indépendantes qu’elles furent l’une de l’autre, se complétèrent en fin de compte utilement et ne restèrent pas sans effet sur les développements qui suivirent.
Avec le sentiment croissant dans les milieux gouvernementaux qu’un effort immédiat et décisif devait être fait, la conviction que l’initiative même ne pouvait avoir son point de départ qu’aux Etats-Unis, seul pays exclusivement créditeur, s’imposait. Mais le Président Hoover était-il en mesure de prendre le taureau par les cornes et disposé à le faire? Il est connu qu’il veut coûte que coûte avoir son deuxième terme à la Maison Blanche. On comprit donc que tout dépendrait, en ce qui concerne son intervention, de la question de savoir s’il voyait dans cette action une augmentation ou une diminution de ses chances de réélection. Sur ce point, il fut selon toute apparence impossible d’avoir des indications positives. Ainsi, les milieux diplomatiques à Washington paraissent avoir eu grand’peine à saisir la situation. On me dit que la manifestation subite du Président a été pour la plupart des Ambassadeurs une formidable surprise. Le Représentant britannique, Sir Ronald Lindsay, aurait insisté jusqu’au dernier moment, par télégramme sur télégramme, qu’il ne saurait être question d’un mouvement présidentiel dans la direction voulue et qu’on ferait bien à Londres de renoncer à l’espoir d’obtenir l’aide de Washington. Ces dépêches auraient causé au Foreign Office pendant les journées critiques un découragement profond, malgré le fait que du côté de certains personnages non-officiels et mieux initiés, de forts doutes furent exprimés vis-à-vis de Mr. MacDonald quant à l’exactitude de ces renseignements.
Je n’hésite pas à dire que dès le lendemain de la proposition Hoover, la physionomie de Londres a pour ainsi dire changé d’expression. Le 17 juin, en partant pour la Suisse, je quittais un entourage où tout était gris comme le ciel, les figures tristes, les esprits las, où tout dénotait la fatigue, le manque de courage, l’absence de tout entrain. En rentrant le 23, quel changement! Le «Hoover Tonic», comme on l’appelle ici, avait fait des merveilles en vingt-quatre heures.
Depuis lors, cet excellent effet n’a, à aucun moment, subi une réaction. La vague rétroactive de pessimisme, qui en semblables circonstances ne fait jamais défaut, a manqué cette fois-ci. Rien, pendant tous ces huit jours, n’est venu gâter la joie de ceux qui après de longs mois de soucis continuels voyaient enfin l’aube de temps meilleurs. Il est à noter surtout, que même la certitude d’obstacles et difficultés en France8 n’a pu causer de l’inquiétude, à tel point était-on convaincu que dorénavant rien n’arrêterait la bonne volonté de tous pour faire le grand effort, même au prix de sacrifices. Les intérêts matériels de l’une ou l’autre nation, si sensiblement qu’ils soient touchés sur le terrain des dettes et réparations ne sauront empêcher la marche en avant. La France elle-même, qui vraiment ne badine pas avec l’argent, disait-on, devra voir l’avantage qu’il y aura pour elle à faire des concessions, immédiatement et sans marchandage. Aussi le ton peu encourageant de la presse de Paris n’a-t-il fait aucune impression notable à la Cité et la séance de la Chambre des Députés est attendue avec calme; on connaît assez dans les cercles politiques l’air du Palais Bourbon pour admettre que l’Assemblée française, sous les yeux du Ministre milliardaire influent Mellon9, ne fera pas de faux calcul au moment critique.
En un mot, le bilan des effets produits en ce qui concerne l’Angleterre, pendant les six premiers jours, par la proposition Hoover est entièrement et complètement favorable. La bonne impression est d’autant plus forte que l’amélioration des valeurs, comme du moral, a gardé une allure et des proportions raisonnables, alors que dans d’autres centres, à New York, par exemple, le choc a causé des secousses impliquant des risques et invitant à la précaution. Il n’est pas sans signification que la déclaration pessimiste du Premier Ministre au sujet des finances de l’Inde, survenue jeudi au beau milieu de la joie, - incident qui une semaine plus tôt aurait amené sans faute un nouvel accès de baisse - a passé inaperçue; en effet, la plus-value des titres cotés à la Bourse de Londres, en comparaison avec la fin de la semaine précédente, est calculée à des centaines même des milliers de millions de Livres sterling.
A juste titre, l’action de Mr. Hoover est appelée ici un «tonie». Car, quand tout est dit, il n’y a actuellement que le stimulant même et rien d’autre. Des résultats matériels, il n’y en a pas pour le moment; il n’y a que des projets et des signes de bonne volonté. Il reste encore bien des obstacles à surmonter et des difficultés à résoudre. Mais l’atmosphère optimiste et de bonne humeur si saine et si générale facilitera beaucoup les choses. Quoi qu’il arrive, entend-on dire partout, plus jamais les choses ne seront ce qu’elles furent avant le 20 juin.
- 1
- E 2300 London, Archiv-Nr. 25.↩
- 2
- Le 20 juin, le Président des Etats-Unis a proposé un moratoire d’une année, valable jusqu’au 30 juin 1932 et concernant l’ensemble des dettes intergouvemementales (dettes interalliées et réparations)↩
- 3
- Cf. no 84.↩
- 4
- Le Chef du Gouvernement allemand, Brüning, et son Ministre des Affaires étrangères, Curtius, rencontrèrent leurs collègues anglais du 5 au 9 juin.↩
- 5
- Ministre des Affaires étrangères.↩
- 6
- Sur cette question, cf. no 99.↩
- 7
- Gouverneur de la Banque d’Angleterre. Sur sa mission, cf. plus haut.↩
- 9
- Secrétaire au Trésor des Etats-Unis.↩
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