Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.4. Questions politiques générales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 31
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#769* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 342 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 83 (1930–1930) |
dodis.ch/45573
En faisant signer par M. Doumergue2, plus tôt que l’on ne s’y attendait, le décret portant clôture de la session parlementaire, M. André Tardieu3 a prolongé de trois mois la durée de son règne et s’est assuré un utile répit pour organiser la défense du ministère contre les assauts qui l’attendent à la rentrée d’automne. Mais il a donné un nouvel aliment à l’hostilité des groupes de gauche, qui, à la première occasion, se lanceront derechef à la conquête du pouvoir. Sans doute peut-il encore consolider sa position devant le pays et les Chambres en utilisant les vacances pour acquérir des titres positifs à la reconnaissance de ses compatriotes. La tâche sera difficile et le résultat demeure incertain.
La situation présente comporte, en effet, bien des éléments dont l’action s’exercera contre le ministère.
En voici quelques-uns:
1° / M. Tardieu n’a jamais eu l’oreille du Sénat. Dans un de ses derniers votes, la Haute Assemblée ne s’est prononcée en sa faveur que par cinq voix de majorité. Les sénateurs hésiteraient sans doute à le renverser pour donner sa succession à un cabinet cartelliste, mais ils estiment qu’un gouvernement de concentration, plus largement conçu que le sien, et dont un des leurs prendrait la direction serait préférable à l’état de choses actuel.
2° / Les radicaux, aidés par les socialistes, vont redoubler d’efforts pour s’emparer le plus tôt possible des «leviers de commande» qui, pensent-ils, leur permettraient de «faire» à leur profit les élections de 1932. Leur victoire serait d’ailleurs celle du parti S.F.I.O. dont le concours leur est indispensable et qui, le sachant, exerce sur eux une véritable tyrannie et ne se prive pas, dans les élections partielles, d’enlever des sièges à ces «brillants seconds». Mais, quand il s’agit de «terrasser la réaction», l’alliance se reforme.
3° / M. Tardieu n’a pas pu faire aboutir avant les vacances l’ensemble de son plan d’équipement national. On ne manquera pas d’exploiter contre lui cette carence, bien qu’elle soit imputable à l’obstruction ou aux surenchères des opposants bien plutôt qu’à la faiblesse du gouvernement.
4° / Le président du conseil a été trahi par certains faits, indépendants, il est vrai, de sa volonté et de son action personnelles. Dans sa déclaration, joyeusement optimiste, il avait annoncé «un ministère de la prospérité française». La situation générale de la France demeure encore fort enviable si on la compare à celle de plusieurs autres grands pays. Pourtant, au lieu de l’âge d’or prédit, c’est par une période de resserrement que le sort ironique répond à l’appel du magicien. Cette malheureuse coïncidence montre le danger des prophéties et des promesses: la prospérité ne s’annonce pas, il faut se borner - quand elle existe - à constater sa bienfaisante présence.
5°/ M. Tardieu a eu le tort de se laisser imposer une loi sur les assurances sociales4
dont les parlementaires qui l’ont votée reconnaissent eux-mêmes les lacunes et les difficultés d’exécution. Alors qu’un projet bien étudié eût peut-être consolidé la paix publique, cette improvisation hâtive mécontente tout le monde, suscite des grèves, alourdit à un moment inopportun les charges qui pèsent sur l’industrie et complique, pour le consommateur, le difficile problème de l’existence. Une loi mal faite, qui exige de nombreuses retouches, qui exerce sur la vie du pays des répercussions imprévues et désordonnées, peut suffire à rendre un gouvernement impopulaire, même et peut-être surtout quand elle représente moins la volonté ministérielle qu’une concession arrachée par les adversaires. [...]
On ne peut se dissimuler, ... que l’accueil fait par les Etats intéressés au mémorandum sur un projet d’union européenne5 n’est guère encourageant. Les Français commencent à s’apercevoir que le prestige de leur ministre des Affaires Etrangères continue à baisser à l’étranger comme en France. Ils semblent s’attendre à ce que l’assemblée de Genève6, en septembre, enregistre une nouvelle baisse. A l’intérieur, M. Briand est actuellement fort compromis par la protection gênante que lui accordent les socialistes. M. Léon Blum n’est-il pas allé jusqu’à prétendre, dans un récent article du Populaire, que c’était M. Poincaré qui avait inventé la candidature de l’homme de Locarno à la présidence de la République afin de lui enlever à coup sûr la direction du Quai d’Orsay?
La réponse britannique au mémorandum sur l’union européenne accentue, chez la plupart des Français, le désir de voir un gouvernement conservateur succéder à Londres au cabinet travailliste. Ils croient que les «tories» seraient plus favorables à une collaboration franco-britannique avantageuse aux deux riverains de la Manche. Ils accusent le «Labour Party» de chercher dans les dissentiments entre nations continentales une revanche aux embarras intérieurs et coloniaux qui affligent l’Empire Britannique. D’aucuns prétendent, en particulier, que M. Mussolini ne se fût jamais livré aux violences de langage auxquelles il recourut en juin dernier s’il n’avait pas été encouragé secrètement par l’Angleterre.
Présentement, les relations franco-italiennes enregistrent cependant une légère détente, mais on est encore loin de l’apaisement définitif.
Les événements qui ont suivi l’évacuation des derniers territoires rhénans occupés7 ramènent le problème allemand au premier rang des préoccupations françaises. Le Mercure de France du 1er août a publié un article anonyme, que l’on attribue à une haute personnalité militaire et qui apporte des précisions assez troublantes sur les préparatifs militaires de l’Allemagne et sur l’activité déployée de l’autre côté du Rhin par les partisans de la revanche. Cet article, qui émeut une fraction importante de l’opinion française, mériterait, me semble-t-il, par son côté technique, d’être signalé à l’attention de notre Etat-Major.
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